Le Languedoc, le Roussillon et la Provence possèdent une histoire universitaire d’une richesse unique. Toulouse, Montpellier, Avignon et Perpignan comptent parmi les 25 plus anciennes universités au monde… Dans sa chronique, l’historien Samuel Touron revient sur cette richesse oubliée.
Lorsque l’on parle de l’Occitanie à un étranger ou à une personne extérieure à la région, la qualité de ses universités et la richesse de cette histoire est rarement évoquée. Pourtant, notre région compte les plus anciennes universités de France et est l’une des plus dynamique en matière de recherche, de foisonnements d’idées et de savoirs universitaires. De l’université de Toulouse à l’université de Perpignan en passant par les universités de Montpellier et d’Avignon, retour sur plus de huit siècles d’histoire universitaire en Languedoc, en Roussillon et en Provence.
Étudier la petite histoire des universités méridionales c’est se plonger dans la grande Histoire de France car l’université est un outil et un enjeu politique fort depuis son apparition à l’époque médiévale. Dans une précédente chronique sur passé juif du Languedoc, nous avions pu voir à quel point le développement de l’étude de la Torah et du Talmud avait donné une place centrale à Lunel dans l’espace méditerranéen et la mémoire juive.
L’université de Toulouse est la plus ancienne université méridionale et la seconde plus ancienne de France, fondée en 1229
La formation et la diffusion de savoirs avait donné à la ville sa renommée et l’avait fait prospérer jusqu’au renforcement de la mainmise royale sur la région et la politique antisémite qui fut parallèlement mise en place au XIVe siècle. Cette digression nous permet de montrer la loi quasi-organique existant entre fondation et développement universitaires et rayonnement économique et politique d’une ville ou, à plus grande échelle, d’une région ou d’un pays. Ainsi, fonder une université, la développer ou décider de la fermer résultent d’un acte politique clair.
L’université de Toulouse est la plus ancienne université méridionale et la seconde plus ancienne de France, fondée en 1229 par le comte du Languedoc Raymond VII à la suite du traité de Meaux. La fondation de l’université répond ici clairement à un objectif politique : éradiquer définitivement les savoirs théologiques cathares et l’esprit d’indépendance par la diffusion de savoirs théologiques catholiques et l’apprentissage de la soumission au pouvoir royal.
Il s’agit également de marquer au coeur du Languedoc, dans sa capitale, la présence du pouvoir royal et ecclésiastique. En effet, aucun professeur languedocien n’enseignait à l’université de Toulouse, seuls les professeurs de la toute récente université de la Sorbonne étaient habilités à le faire. Comble de l’humiliation pour Raymond VII, c’est lui qui devait payer les salaires de ces professeurs parisiens et financer le fonctionnement de l’université. L’université de Toulouse est ainsi née de la volonté royale d’inscrire son pouvoir dans un territoire récemment conquis et particulièrement rebelle situé sur ses marges.
Dès sa fondation, en 1289, l’Université de Montpellier eut une renommée internationale. Réputée pour son enseignement de la médecine puis plus tard du droit, on venait déjà de partout dans le monde pour y étudier.
Dès sa fondation, en 1289, l’Université de Montpellier eut une renommée internationale. Réputée pour son enseignement de la médecine puis plus tard du droit, on venait déjà de partout dans le monde pour y étudier, notamment d’Allemagne. Si l’université de Toulouse fut fondée pour asseoir une domination politique celle de Montpellier le fut avant tout pour son emplacement stratégique. En effet, la ville est située à proximité du port de Lattes qui avait la particularité de posséder l’autorisation papale de commercer avec les musulmans faisant ainsi de la région un haut-lieu de vie économique et intellectuelle. Les Arabes sont alors réputés pour leurs connaissances en mathématiques et en sciences. L’université de Montpellier naquit ainsi afin de capitaliser sur les savoirs rapportés d’Orient.
À la même époque, en 1303, fut créée l’université d’Avignon alors située dans les États de l’Eglise. En réponse à la diffusion du pouvoir royal dans les universités de la Sorbonne, de Toulouse et de Montpellier, l’Eglise décida de fonder son propre établissement en Avignon la même année que l’université de Rome sur décision du pape Boniface VII. L’établissement obtint rapidement une solide réputation articulant ses enseignements autour du droit. L’Eglise fut même étonnamment avant-gardiste et progressiste en délivrant à la catalane Juliana Morell le titre de docteure en droit devenant la première femme docteure en Europe. Malgré cette histoire prestigieuse, l’université d’Avignon fut supprimée en 1793, comme toutes les universités françaises, pour ne rouvrir ses portes qu’en 1963 en tant que site de l’université Aix- Marseille.
Perpignan : marquer le pouvoir du royaume d’Aragon
L’université de Perpignan fut moins prestigieuse que ses voisines directes mais reste l’une des plus anciennes universités de France et du monde. Elle vit le jour en 1349 par la volonté du roi d’Aragon, Pierre IV, dans un but clairement politique. En effet, il s’agissait de marquer le pouvoir du royaume d’Aragon en Roussillon, en fondant à Perpignan, ancienne capitale du récemment annexé Royaume de Majorque, une université d’envergure. Axé sur l’enseignement des arts, du droit, de la médecine et de la théologie, l’université perpignanaise ne parvint jamais à concurrencer ses voisines, en Aragon, Lérida, plus ancienne, plus réputée et plus importante, ainsi que, en France, Montpellier et Toulouse, pour les mêmes raisons. Cependant, l’université de Perpignan eut la particularité d’être une université exclusivement catalanophone jusqu’en 1659 et son rattachement à la France par le traité des Pyrénées.
Le Languedoc, le Roussillon et la Provence possèdent une histoire universitaire d’une richesse unique. Toulouse, Montpellier, Avignon et Perpignan comptent parmi les 25 plus anciennes universités au monde. Cette réalité témoigne de l’importance des enjeux politiques et géopolitiques dans la région durant l’époque médiévale. Elle se fait également l’écho d’une vie intellectuelle particulièrement florissante, qualité s’expliquant par une situation géographique privilégiée: entre Orient et Occident, entre Europe du nord et celle du sud, entre chrétienté, islam et judaïsme. La renaissance des universités de Perpignan et d’Avignon au XXe siècle fut un magnifique symbole des bienfaits de la décentralisation sur l’économie locale et régionale mais aussi sur les particularismes historiques et culturel et constitue un bel hommage à cette histoire oubliée.
Samuel TOURON
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