Hautes-Pyrénées : En Robe !, expo inédite, qui a pris corps à l’abbaye de l’Escaladieu

L'abbaye de l'Escaladieu. Ph. L. Gaits

Robe en… os, en plumes, robe-paysage (7 mètres de haut !), gonflées en toile de parapente, ou sous forme de botte géante… Thématique singulière, façon art contemporain, la robe y fait l’objet d’un questionnement vaste avec beaucoup de pièces uniques. À visiter à l’abbaye cistercienne de l’Escaladieu entourée d’arbres centenaires !

L’uniforme à l’école refait surface mais les études existantes relèvent plutôt l’absence d’effets bénéfiques. L’expo En Robe !, visible jusqu’au 3 novembre, est inédite qui l’est, elle, bénéfique. Elle explore, elle, cette thématique dans la magnifique abbaye cistercienne Escaladieu du XIIIe siècle n’offre qu’un drapé d’émotions. Là, il ne s’agit pas de résoudre des problèmes d’inégalités ou de discipline. Mais de faire art. La robe, vêtement porté indifféremment par les hommes et les femmes, qui est ainsi le marqueur d’une époque, d’une civilisation, voire d’un rang social, sert un autre dessein que celui de l'(in)utilité sociale.

Souvent sexué, ce vêtement répond à des codes, à des rites sociaux, que les artistes contemporains réinterrogent

Expo En Robe, à l’abbaye de l’Escaladieu. Ph. Département des Hautes-Pyrénées.

L’Escaladieu, autrement dit : échelle vers dieu est un lieu incroyable avec des proportions magiques à l’intérieur et des jardins plantés d’arbres centenaires à l’extérieur… Les artistes jouent, ici, avec cette dimension unique. “Ample et épurée, soutane, toge, simarre, la robe uniformise la silhouette humaine pour lui conférer une dimension universelle tendant au sacré, proposant une humanité hors du temps, hors de la société, presque sans corps”, explique-t-on à propos de cette expo. Mais ajustée, plissée, ornementée, la robe redessine les silhouettes, sculpte les formes. Souvent sexué, parfois ultra-féminin, ce vêtement répond à des codes, à des rites sociaux, que les artistes contemporains réinterrogent, donc.

La robe va de pair avec le drapé, cet ensemble de plis qui permet de cacher pour mieux dévoiler ou révéler certaines parties du corps. De l’antiquité à nos jours, le drapé mesure le degré d’incarnation (“prendre corps”) de la figure représentée. Son dessin abstrait, géométrique, ou au contraire voluptueux, voire impudique, est révélateur de l’effacement ou de l’emprise du corps, des sens, face au spirituel.

“Il fait écho à nos propres souvenirs…”

Expo En Robe ! Abbaye de l’Escaladieu. Ph.Pierre Meyer AE Médias

La robe est aussi une manière d’aborder le passage du dessin à la sculpture, du plan au volume, de l’abstrait au figuratif. Mais au-delà de ces questionnements artistiques, la présence ou l’absence d’un corps pour revêtir ce morceau de tissu, cette enveloppe, pour lui donner vie, crée une temporalité, voire même une mélancolie chez certains artistes. Le vêtement raconte souvent une histoire, une absence, il fait écho à nos propres souvenirs, jusqu’à parfois se transformer en relique.”

“À l’Escaladieu, des thématiques où il est toujours question d’imaginaire et de nature”

Responsable du patrimoine au conseil départemental des Hautes-Pyrénées, propriétaire de l’abbaye de l’Escaladieu depuis 1997, déconsacrée depuis la Révolution française, Aude Senmartin dit : “Elle abrite une programmation culturelle depuis longtemps. Et depuis quelques années, suivant les conclusions d’une étude, cette programmation fait la part belle à des expos d’art contemporain, une par an. Suivant des thématiques où il est toujours question d’imaginaire et de nature. En parallèle, il y a une programmation de spectacles à l’année.” 

“Les oeuvres sont très différentes. Souvent uniques, faites sur-mesure pour cette exposition”

Expo En Robe, à l’abbaye de l’Escaladieu. Ph. Département des Hautes-Pyrénées.

L’expo majeure de cette année rassemble seize artistes, la plupart de renommée nationale, autour de la thématique de la robe. “Cette idée m’est venu en rapport avec la robe-uniforme des moines, de l’ordre, que l’on appelle la coule. Elle questionne ce rapport à l’habit que l’on porte, qui a évolué et qui peut aller vers deux axes différents : soit l’idée de sacralisation de l’homme, une silhouette un peu drapée, ample, qui renverrait à une image de l’homme universel, au-delà de toutes les différences, de toutes les cultures. D’un autre côté, la robe peut-être un objet d’émancipation, de revendication ou d’appartenance à un ordre social”, théorise Aude Senmartin.

D’un point de vue de l’histoire de l’art, cette expo fait écho “à tout l’historique du drapé que l’on retrouve depuis l’Antiquité, dans les peintures classiques, baroques, surtout. Aujourd’hui, nous présentons le point de vue d’artistes contemporains sur cette thématique. Les oeuvres sont très différentes. Souvent uniques, faites sur-mesure pour cette exposition.” Des robes en tant que telles, il n’y en a pas beaucoup. Ce ne sont que des évocations. “Ce sont beaucoup d’installations avec des oeuvres textiles. On est sur des robes imaginaires”, précise-t-elle.

“L’idée, là, c’est une robe-paysage. Le paysage est l’homme ne font qu’un. Le paysage fait corps”

Expo En Robe ! Abbaye de l’Escaladieu. Ph.Pierre Meyer AE Médias

La première oeuvre, c’est une installation numérique de Jisoo Yoo, baptisée Je(u), “une jeune artiste formé à l’Institut national des arts contemporains et qui propose une disparition de la silhouette sous forme de pixélisations, exprime Aude Senmartin ; notre reflet va devenir, avec lui, poussières de pixel. Nous avons aussi une oeuvre d’Adélaïde Fériot qui travaille de grands formats, de grands drapés verticaux. L’idée, là, c’est une robe-paysage. Le paysage est l’homme ne font qu’un. Le paysage fait corps.” Sept mètres de haut !

Il y a aussi des oeuvres qui mettent en valeur “l’aspect festif de la robe et le côté danse comme les robes gonflées d’Anne Ferrer qui travaille la toile de parapente dans laquelle elle place un ventilateur ; cela donne des “grosses nanas” comme les oeuvres un peu de Niki de Saint Phalle. Cela donne un côté très festif, très libéré, avec une grande farandole aérienne”, précise-t-elle. Parmi les oeuvres marquantes, il y a même une robe… en os de volaille de Corine Borgnet

Et même des illusions d’optique !

Expo En Robe ! Abbaye de l’Escaladieu. Ph.Pierre Meyer AE Médias

Autre spécificité des expos à l’abbaye d’Escaladieu, c’est qu’il y a toujours un dedans et un dehors. Il y a donc trois oeuvres sur cette thématique dans les jardins de l’abbaye. Une oeuvre de l’artiste japonaise Rieko Koga, une espèce de talisman qui enrobe un arbre ; mais aussi une botte géante de Estelle Chrétien & Miguel Costa (Le pied au sec). Ensuite, il y a une proposition de robe tressée de Violaine Laveaux qui avait réalisé une grande exposition au musée de Lodève en 2023. On peut aussi citer les créations de Isa Barbier : “Elle travaille avec des plumes et réalise des anamorphoses, des illusions d’optique en rassemblant. Il y a ainsi également plein de questionnements autour du rapport à la nature, au corps mais aussi à la société. Et au monde actuel…”

Olivier SCHLAMA

  • Exposition Robe, abbaye de l’Escaladieu, Départementale 938 route de Bagnères de Bigorre, 65130 Bonnemazon (Hautes-Pyrénées). Entrée : 5 €.
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