Enquêtes : Des vidéos-appels à témoins pour tenter de résoudre des “cold cases”

Ph. Olivier SCHLAMA

Bouteilles à la mer en images… La France se dote d’un nouveau dispositif baptisé En quête d’Indices, des appels à témoins par le biais de courtes vidéos pour tenter de résoudre, depuis le Pôle des crimes sériels non élucidés, des énigmes policières. Deux ans après la création d’un pôle spécialisé.

“On a besoin de vous !” Cette interpellation sur fond noir est claire sur la toute première courte vidéo consacrée à l’affaire du violeur au couteau. Les enquêteurs et le procureur de Nanterre se succèdent à l’image d’une vidéo qui ne dure qu’une poignée de minutes pour “élucider des crimes et identifier les auteurs”. Une policière résume : “Il s’agit d’apporter une réponse aux victimes C’est une nouvelle forme d’appel à témoins pour qu’elles se reconstruisent et éviter que d’autres femmes ne soient victimes de ce prédateur sexuel…”

“Tenter de toucher un public le plus large possible”

Disparitions, meurtres sans auteurs… Les énigmes sont nombreuses. Les dossiers fantômes aussi. Et souvent, malheureusement, tombent aux oubliettes, faute de moyens voire de capacité d’enquête. Le but de cette expérience du Pôle national qui est une première en France ? “Il s’agit de tenter de toucher un public le plus large possible en utilisant les vecteurs de communications actuels les plus utilisés, en vue de maximiser les chances de recueillir des témoignages utiles à nos enquêtes”, définit Marion Chalaux à propos d’un nouveau dispositif baptisé En Quête d’indices, un appel à témoins pour relancer et tenter de résoudre des affaires non élucidées en France, les cold cases. Avec la possibilité de témoigner en envoyant un mail (dnpj-ocrvp-eqi@interieur.gouv.fr).

Sur les sites de deux ministères et les réseaux sociaux

Vice-procureur en charge du secrétariat général du parquet au tribunal judiciaire de Nanterre, elle ajoute à propos de l’opportunité de lancer ce dispositif à base de courtes vidéos publiées sur les sites de deux ministères et sur les réseaux sociaux : “Le lancement de la première vidéo d’appel à témoins dans le cadre du nouveau dispositif En Quête d’Indices intervient ce 2 avril car il correspond aux besoins des investigations diligentées en enquête préliminaire par le parquet du pôle crimes sériels ou non élucidés dans la procédure concernée. Dès finalisation de la vidéo et de la page internet du ministère de l’Intérieur et des Outre-mer qui va héberger cette première capsule, par les services de communication du ministère de l’intérieur en lien avec le parquet, l’Office central de répression des violences aux personnes (OCRVP) et le service local de police judiciaire de Bayonne, cet acte d’enquête a été réalisé et acté dans la procédure en cours.”

Investigation dans tout l’Hexagone et même à l’étranger

Ph. O.SC.

Ce dispositif ne concerne-t-il que des affaires non élucidées du Pôle national ? “Le pôle national bénéficie en effet de l’exclusivité de ce dispositif pour les enquêtes du pôle”, répond encore Marion Chalaux. Cela peut-il concerner des affaires en province également, notamment en Occitanie (Montpellier, Toulouse…) ? “Tout à fait, acquiesce-t-elle, dès lors que le pôle crimes sériels ou non élucidés a une compétence nationale concurrente : la première capsule concerne pour deux des trois faits, des crimes de viols commis en région Aquitaine, par exemple. Cela pourrait concerner des investigations à l’étranger également dès lors qu’il s’agit d’une procédure en cours d’enquête ou d’instruction au pôle.”

Et qui décide de réaliser telle ou telle capsule ? “S’agissant d’un acte d’enquête, confie encore Marion Chalaux, c’est l’un des magistrats du parquet du pôle pour les enquêtes préliminaires ou l’un des juges d’instruction du pôle saisi de l’information judiciaire en cours qui décide de réaliser un appel à témoins dans le cadre de ce nouveau dispositif, en lien avec les services enquêteurs saisis par le procureur ou le juge du pôle.”

“Les appels à témoins peuvent être réalisés sur l’intégralité des enquêtes”

Combien pensent ces spécialistes du pôle national en réaliser ? Et sur quelles affaires ? “Les appels à témoins peuvent être réalisés sur l’intégralité des 93 enquêtes ou instructions du pôle (les 12 parcours criminels n’ayant pas vocation a priori à faire l’objet d’appels à témoins), répond Marion chalaux. Chacun des appels à témoins qui sera lancé, sera décidé par le parquet du pôle ou le juge d’instruction du pôle selon les besoins des investigations, en lien avec les services d’enquêtes à compétence national co-saisis avec les services d’enquête locaux, dans l’intérêt de la manifestation de la vérité.”

L’activité de ce pôle spécialisé fait état de 397 procédure examinées par le parquet du pôle ; 105 saisines (dossiers arrivés au pôle) ; 17 enquêtes préliminaires et 88 informations judiciaires ouvertes dans un cabinet de juge d’instruction, dont 12 parcours criminels (11 à l’instruction, 1 en enquête préliminaire).

Le juge d’instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d’information qu’il juge utiles à la manifestation de la vérité. Il instruit à charge et à décharge”

C’est à l’occasion d’une conférence de presse dédiée à une affaire en cours tenue ce mardi jour par Pascal Prache, procureur de la République de Nanterre, que ce dispositif innovant d’appels à témoins baptisé En quête d’indices a été présenté par les ministères de l’Intérieur et des Outre-mer et le ministère de la Justice. Il s’agit de vidéo courtes retraçant des enquêtes à la suite de crimes sériels ou non élucidées suivies par le pôle national et pour lequel les enquêteurs et magistrats cherchent à recueillir des informations auprès du grand public.

Ph. O.SC.

Le Pôle national des crimes sériels ou non élucidés (PCSNE), des cold case, dit communément, créé il y a deux ans à l’initiative d’Éric Dupond-Moretti, ministre de la Justice va désormais pouvoir s’appuyer sur un nouvel outil d’appel à témoins. Ces capsules vidéo sont “produites par le ministère de l’Intérieur qui les diffusera. Et seront partagées sur les réseaux sociaux”. Celles-ci retracent les circonstances des faits auront “vocation à recueillir de nouveaux témoignages auprès du grand public, dans le cadre d’affaires de crimes sériels ou non élucidés”, précise-t-on.

Conformément au code de procédure pénale, enfin “le procureur de la République procède ou fait procéder à tous les actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions à la loi pénale” et “le juge d’instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d’information qu’il juge utiles à la manifestation de la vérité. Il instruit à charge et à décharge”.

Du coup, procureur de la République et magistrat instructeur du PCSNE “apprécieront l’opportunité de recourir, dans le cadre d’une enquête ou d’une instruction en cours, à un appel à témoins En Quête d’Indices”. Et de conclure : “Les informations collectées dans le cadre de ce nouveau format innovant d’appel à témoins seront ensuite exploitées par l’un des services d’enquête dédiés de la police nationale, de la gendarmerie nationale ou de la préfecture de police de Paris en fonction de l’unité en charge du dossier.”

Olivier SCHLAMA