Rares sont les villes moyennes qui déploient une stratégie et une philosophie d’ensemble de cette ampleur. Frontignan, 6e ville de l’Hérault, est un cas d’école qui a réussi à mobiliser de nombreux partenaires et dispositifs. Même pour le président de l’association Centres-villes en mouvement, le député de l’Hérault LREM Patrick Vignal. Un projet qui fait l’unanimité.
Dispositif bourg-centre, opération façade sur l’ensemble de la commune ; création et extension de parkings, création d’une halte fluviale, réfection d’une artère, etc. On est obligé de planter mentalement les repères de l’opération Coeur de ville de Frontignan sur la photo-plan géante qui engloutit le mur entier de la pièce. Qui aspire le regard. Ce document hyper-réaliste représente Frontignan-La Peyrade, 6e ville de l’Hérault, immense avec ses 40 kilomètres carrés dont 60 % est en espaces naturels ! Elle est bordée de kilomètres de plage et d’étangs qui lèchent les contreforts de la Gardiole d’une commune bicéphale avec La Peyrade…
Bref, la petite soeur de Sète, forte de 23 000 habitants, et dotée de seulement 50 millions d’euros de budget, ne cesse d’élaborer une stratégie pour acquérir une meilleure unité et lancer une dynamique. Comme de nombreux autres coeurs de ville en France. “Pour nous, cette opération à 70 millions d’euros, c’est l’enjeu du mandat”, selon son maire PS, Pierre Bouldoire. La différence, c’est que rarement autant de moyens auront été croisés. “Nous avons fait jouer tous les dispositifs nationaux, régionaux et départementaux possibles. Tous les leviers possibles”, indique le maire PS de la commune (1).
Le déclic de ce projet date de notre refus de voir s’installer une grande surface Leclerc dans la commune. On a ensuite enclenché avec des opérations au quartier des Hyerles, notamment.
Pierre Bouldoire, maire PS de Frontignan.
Même si Pierre Bouldoire n’annoncera s’il brigue un nouveau mandat “qu’en septembre”, son projet coeur de ville est bien celui d’un évergétiste-candidat. C’était, certes, déjà la vision du candidat Bouldoire à sa succession en 2014. “Le déclic de ce projet date de notre refus de voir s’installer une grande surface Leclerc dans la commune. On a ensuite enclenché avec des opérations au quartier des Hyerles, notamment.” Mais, dans une commune aussi irréellement éclatée géographiquement, pour arriver jusqu’au coeur de ville lui-même il a fallu du temps. Et d’abord s’occuper du centre-ville élargi pour commencer à donner forme au projet. Et, accessoirement, lutter “contre l’attrait facile de la périphérie”.
La ville a donc créé toute une série de services et d’aménagements, çà et là, comme une maison des services publics exemplaire et très appréciée (“là où les gens vont et viennent ; alors que l’on a perdu une petite poste… On est d’ailleurs heureux qu’au niveau national le mouvement de ces maisons de service public va être amplifié…”, a dit le maire). Des parkings – tout en laissant le stationnement gratuit, une rareté – Refaire totalement l’artère qui traverse la commune. Du pointillisme !
Ce projet coeur de ville fait partie d’un tout. C’est une opération à tiroirs. Gigogne. Il trouve sa cohérence quand on s’élève un peu ; avec l’ajout de la future gare ; le futur pôle d’échange multimodal, avec le possible aménagement des 11 hectares de l’ancienne raffinerie de pétrole ; d’un cinéma avec plusieurs salles qui, malgré la polémique avec le président de l’agglo qui porte le sien, “sortira un jour de terre même s’il s’avère moins grand”, etc.
Sur ces 35 millions d’euros du projet, la participation de la commune devrait se limiter à une dizaine de millions d’euros grâce aux nombreux partenaires qu’elle a su mobiliser.
Dans ce centre-ville, il ne s’agit pas ici que de quelques simples rafraîchissements, de ripolinages bien choisis, d’arrondis de venelles à dessiner ou de lampadaires neufs à poser. Au total, la ville du muscat compte sur 70 millions d’investissement pour “un plan d’actions”, dont 35 millions pour sa gare. Sur ces 35 millions d’euros, la participation de la commune devrait se limiter à une dizaine de millions d’euros grâce aux nombreux partenaires qu’elle a su mobiliser. Comme elle a su le faire après les 3 millions d’euros qui ont été mobilisés pour redonner vie à ses halles Baltard, du XIXe siècle, elles aussi en… centre-ville.
Ce projet fera l’objet d’une réunion publique sera organisée le 3 juin. “Tout n’est pas noir dans ce centre. Le taux de vacance commerciale n’est que de 4 %. Nous avons une bonne mixité sociale. Les appartements sont plutôt bien tenus car dans les années 1960, la main d’oeuvre qui s’y était installée en fonction de ses moyens, étaient des manuels venant d’Afrique du Nord ou d’Italie. Ils achètent et ils entretiennent. Nous n’avons par exemple pas “d’habitat” indignes”. En 20 ans de commission ad hoc, il n’y a eu que de cas où j’ai dû prendre un arrêté, dont un balcon qui menaçait de s’écrouler. Mais nous voulons en améliorer l’attractivité”, précise le maire. Car “l’équilibre est fragile”.
Nous voulons une vraie ville, pas un décor pour citadins en mal de pittoresque, un décor à la Pagnol. Nous aussi on a nos équipes de TV qui tournent mais le Midi de la France n’est pas condamné à ce destin funeste.”
Pierre Bouldoire complète : “Les gens sont tétanisés dès qu’on leur parle de renouvellement urbain. L’un de mes prédécesseurs a été battu aux élections à cause de l’îlot Saint Paul. Mais quand ils sauront par exemple qu’ils pourront refaire leur façade avec 80 % d’aide, ils engageront les travaux. Idem pour les marchands de sommeil qui tendent à se multiplier. Là aussi nous avons prévu des obligations de rénovation (…) Les dossiers d’aide se baseront sur les déclarations de revenus. Peut-être que devant autant de demande de transparence, le marchand de sommeil vendra et partira. De la même façon, nous réfléchissons à un permis de louer. C’est-à-dire qu’avant de mettre un bien en location, il faudrait au propriétaire l’autorisation de la mairie.”
Le maire de Frontignan ajoute : “Nous voulons une vraie ville, pas un décor pour citadins en mal de pittoresque, un décor à la Pagnol. Nous aussi on a nos équipes de TV qui tournent mais le Midi de la France n’est pas condamné à ce destin funeste. Le stationnement reste partout gratuit. On fait d’ailleurs une croix sur 1,5 million de d’euros de recettes soit 10 points d’impôt. Mais c’est un choix.”
Pour 2020, on devrait pourvoir aider ces communes de taille moyenne. Nous avons un conseil d’orientation le 4 juin. Le thème est tout trouvé.”
Patrick Vignal, député de l’Hérault et président de Centres-villes en mouvement
Pour le président de l’Association nationale Centres villes en mouvement, qui oeuvre pour leur revitalisation, le député LREM de l’Hérault, Patrick Vignal, ce projet est exemplaire. Et son association pourrait demain aider Frontignan comme tout un chapelet de villes moyennes qui essaient d’exister à proximité d’une métropole. “Actuellement, l’État aide plus volontiers les centres-villes en déshérence dans les communes de 45 000 habitants – comme Sète – à 120 000 habitants. Pour 2020, on devrait pourvoir aider ces communes de taille moyenne. Nous avons un conseil d’orientation le 4 juin. Le thème est tout trouvé.” Quant à l’avenir de ces villes moyennes à plus long terme ? “Le triangle Sète, Montpellier, Lunel est évident. Il se fera un jour !” claque-t-il. Le maire de Frontignan, Pierre Bouldoire, imagine aisément au moins une seule ville partagée entre Ventres-Bleus et Sétois ! “Sète a besoin de place…”
Olivier SCHLAMA
(1) La ville de Frontignan utilise de nombreux outils et financements avec tous les partenaires à ses côtés. Elle a notamment été retenue pour les dispositifs Bourg-centre et Requalification des friches industrielles avec la Région, et est la seule commune du territoire intercommunal à bénéficier à nouveau du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC) 2018-2021.
- (2) Action d’envergure, une opération de renouvellement urbain/ ORU, dotée d’un budget de 15 M€, est programmée sur 10 ans. Pour offrir des espaces publics agréables à vivre, les entrées Sud et Est du coeur de ville et plusieurs places – Jean-Jaurès, Hôtel de Ville, Combette, pour n’en citer que quelques-unes – vont être requalifiées. Dans les secteurs de la Font, de la MSAP et d’autres, des îlots, rachetés, seront rénovés pour renouveler l’offre de logements.
- Toujours pour le logement, la Ville a oeuvré pour que l’Agglo mette en oeuvre une opération programmée d’amélioration de l’habitat (OPAH) sur son centre ancien. Les propriétaires peuvent ainsi obtenir des aides de l’agence nationale de l’habitat (ANAH), notamment pour la rénovation énergétique de leur résidence. Un appui aux particuliers qu’elle vient largement renforcer avec son opération Façades, qui permet d’obtenir des aides jusqu’à 80% du montant des travaux et études de restauration, également dans le centre de La Peyrade.
- Des équipements majeurs sont aussi au programme à court et moyen terme, comme la création du parking de l’ancienne gare de marchandises et du boulevard des Républicains espagnols, qui relie le cœur de ville à l’écoquartier des Pielles, ou encore la halte plaisance sur le canal historique, pour développer le tourisme fluvial, ainsi que la mise en valeur de la tour de Joye, vestige des remparts, et le miniplexe cinéma dans les anciens chais Botta.
- Pour préserver le commerce de proximité, la Ville a inscrit un parcours marchand en cœur de ville dans son plan local d’urbanisme (PLU). Il lui permet d’interdire la transformation de locaux commerciaux en habitation. Avec l’agglo, elle met en place le droit de préemption et se dote d’un outil de veille, l’observatoire du commerce. Comme pour les particuliers, des aides directes sont aussi là pour accompagner les commerçants dans la rénovation et l’amélioration de leurs locaux. Dans le cadre de l’opération Façades, mais aussi à hauteur de 100 000 € avec le FISAC.
Dans le même dossier “Centres-villes” :