Feux de forêt : Les pluies du printemps ne diminuent pas le risque incendie, au contraire…

Feu d'Ornaisons, dans l'Aude, le 10 juin 2022. Ph SDIS de l'Aude.

Au moment où le Var se bat déjà contre le premier gros incendie de l’année, le gouvernement lance sa 7e campagne de prévention. Selon un responsable de la Sécurité civile, “les risques d’incendie de forêt et de végétation vont s’intensifier dans les zones historiquement touchées mais aussi s’étendre géographiquement vers l’Ouest et le Nord et la saison des feux va également être plus longue”. Pour autant, la loi du 10 juillet 2023 sur une meilleure stratégie ne connaît pas encore de mesures concrètes.

Il faut se méfier de tout, même de la pluie ! Bienvenue au printemps, elle a souvent fait pousser abondamment les végétaux qui, si on subissait une sécheresse estivale, servirait de carburant à des feux de forêt… Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, le “risque pourrait même être immense avec une végétation plus abondante que d’habitude”, explique ainsi l’un des représentants de Météo France, Bernard Thomé.

Météo des Forêts, massif par massif

Feu d’Ornaisons, dans l’Aude, le 10 juin 2022. Ph SDIS de l’Aude.

Certes, Météo France vient de réactiver son service dédié aux incendies pour mieux faire connaître ce risque aux populations : la météo des forêts – sur le modèle des alertes canicules – qui, mise à jour quotidiennement, donne une indication du risque pour les prochaines 48 heures. Mais ce sont des prévisions sont à très court terme, “autour de quelques jours”, précise la même source. De quoi mieux renseigner les citoyens et les services de secours sur les risques actualisés “massif par massif” Enfin,  les forêts elles-mêmes ne sont pas au mieux qui dépérissent sous l’effet du réchauffement climatique…

Quand il y a des températures supérieures à 30 degrés, une humidité inférieure à 30 % et un vent supérieur à 30 km/heure, alors le risque feu est très fort. C’est la règle des trois “30”.

Benoît Thomé de Météo France avance : “Pour estimer finalement les conditions météorologiques qui sont propices ou pas au déclenchement et la propagation d’incendies importants dans les massifs forestiers, les pompiers ont toujours l’habitude de parler de la règle des trois fois 30, mais c’est pour bien comprendre que la propagation et le déclenchement de feu dépendent des conditions météo. La règle des trois “30” : on dit que quand il y a des températures supérieures à 30 degrés, une humidité inférieure à 30 % et un vent supérieur à 30 km/heure, alors le risque feu est très fort.”

Feu d’Ornaisons, dans l’Aude, le 10 juin 2022. Ph SDIS de l’Aude.

C’est pour ces raisons objectives que la lutte contre les feux de forêt mobilise une cinquantaine de colonnes de feux en renfort et de nombreux services de trois ministères (Ecologie, Agriculture et surtout Intérieur) Tout le monde se souvient des feux qui avait calciné, dans l’Hexagone, quelque 700 000 hectares en 2022 – un malheureux record – qui n’avaient épargné “aucun département”, souligne-t-on. Le fléau est aujourd’hui un peu mieux cerné.

“Dispositif habituel pas bousculé”

Pour autant, “le dispositif {habituel} n’est pas bousculé, il sera complémentaire et il s’appuie sur la solidarité nationale à travers les moyens territoriaux qui sont prévus pour éviter contre les feux de forêt, qui sont également prévus pour se préparer aux Jeux olympiques et puis cette capacité agile à monter en puissance si les sinistres des feux de forêt le nécessitent”.

Le gouvernement a lancé ce mercredi sa septième campagne de prévention, à l’heure où le premier gros incendie de l’année s’est déclaré dans le Var, ravageant plus de 600 hectares du massif des Maures. “Dans une année moyenne, ce sont quelque 15 000 hectares qui partent en fumée en France. C’est une moyenne sur 15 ans. Mais, il y a eu 2022. Et, en 2023, si on s’est rapproché de cette moyenne, on a quand même enregistré un nombre de feux qui a été multiplié par une fois et demi.”

Feu d’Ornaisons, dans l’Aude, le 10 juin 2022. Ph SDIS de l’Aude.

Ce qui signifie, point positif, que les moyens mis en place pour étouffer tout départ naissant sont efficaces. Mais cela veut dire aussi que l’on a encore du mal à les éviter. Sachant que “neuf feux sur dix ont une origine humaine accidentelle”, les pouvoirs publics rappellent des choses simples comme ne pas jeter des mégots de cigarettes hors d’un cendrier ou de ne pas faire de barbecue dans la nature. Eviter les imprudences.

L’ONF (Office national des forêts) est d’ailleurs active sur ce sujet, comme Dis-Leur ! vous l’a expliqué ICI. L’ONF est “en alerte” et travaille aussi sur le long terme en vue d’introduire des espèces d’arbres plus résistantes. Un défi pour l’établissement public qui gère 650 000 hectares en Occitanie. Des parlementaires ont aussi mené une enquête et une mission-flash contre les méga-feux ICI et ont proposé des recommandations.

“Les risques d’incendie de forêt vont s’intensifier”…

Du côté du ministère de l’Intérieur, on indique que “les risques d’incendie de forêt et de végétation vont s’intensifier dans les zones historiquement touchées mais aussi s’étendre géographiquement vers l’Ouest et le Nord et la saison des feux va également être plus longue.” D’où l’intérêt de sensibiliser Français et touristes, notamment dans le contexte cette année des Jeux olympiques.

Et de redire des tautologies : “Il y a quelques bons gestes à adopter. Si vous êtes fumeur, jetez vos mégots dans des cendriers, ne fumez pas en forêt. Durant les périodes à risque c’est strictement interdit, y compris à leurs abords. Si vous organisez un barbecue, faites-le chez vous, dans un espace dédié, sur une terrasse et loin des broussailles, et jamais en pleine nature. Si vous bricolez en plein air, travaillez loin des espaces sensibles afin de les protéger des étincelles et prévoyez un moyen d’extinction pour éteindre le feu immédiatement. Donc ça peut être un extincteur ou un seau d’eau. Si vous stockez du bois ou des bouteilles de gaz en extérieur, éloignez-les des murs de votre maison et si possible dans un endroit fermé”…

Attaquer le feu dans les dix minutes

Feu d’Ornaisons, dans l’Aude, le 10 juin 2022. Ph SDIS de l’Aude.

Pour Sébastien Paletti, porte-parole de la Sécurité civile, “le dispositif permettant d’attaquer de manière précoce les feux répond à un principe simple qui est celui de faire en sorte que le feu soit attaqué par un moyen, quel qu’il soit, avant les 10 minutes après son éclosion. Et cet objectif permet de faire en sorte que l’arrivée des premiers secours ait lieu avant que le feu n’ait parcouru un hectare. Donc c’est à travers ce principe-là qu’est construite la stratégie de lutte contre les feux de forêt estivaux qui s’appuie sur le renforcement des moyens terrestres locaux à travers les services de secours qui portent cela au quotidien, la mise à disposition et le renfort de moyens nationaux par le pré-positionnement de colonnes de renfort, et à travers aussi le renforcement des moyens aériens par un dispositif que l’on nomme le Guet aérien armé, qui permet lors des périodes les plus à risque de mettre en vol des moyens aériens de façon à ce qu’ils puissent attaquer les feux au plus tôt lorsque leur éclosion est confirmée.”

Les forêts fragilisées par le réchauffement

Du côté du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, “depuis les incendies catastrophiques de l’été 2022, les forêts françaises sont fragilisées par le changement climatique le dépérissement et l’extension du risque incendie. On a une surface moyenne de forêt dépérissante en métropole qui a atteint presque 700 000 hectares, on est à 670 000 hectares en moyenne, c’est une moyenne basse. Et ce qui est important à retenir, c’est qu’en fait, cette moyenne, elle était plutôt autour de 300 000 hectares en 2018. C’est une extrêmement forte progression de ces forêts dépérissantes”. (1)

La stratégie française au point mort

Est-ce que les travaux ont débuté pour établir la stratégie française relative aux incendies ? “La loi du 10 juillet 2023 prévoit que l’Etat élabore une stratégie nationale de défense des forêts et des surfaces non boisées contre les incendies (…) Les travaux sont en cours. Et on espère qu’ils pourront aboutir prochainement. Alors après, la période ne nous permet pas de vous donner de calendrier précis, mais tout ça est bien sûr pris en main par l’ensemble des trois ministères”... Pareil même temps de “pause” pour le renforcement des moyens aériens et des Canadair…

Olivier SCHLAMA

(1) “La part des causes dans les dépérissements, c’est très compliqué à expertiser. La cause principale de fond, c’est quand même bien le changement climatique. Pourquoi ? Parce qu’en fait, en augmentant les sécheresses, déjà, un arbre qui a soif, c’est comme un homme qui a soif. À force de ne pas avoir d’eau, il meurt. Vous mettez quelqu’un dans le désert au soleil, il prend un coup de chaud, il meurt. C’est la même raison pour les arbres. Les arbres peuvent avoir des coups de chaud. Donc, ils peuvent mourir de soif, ils peuvent mourir de chaud. Donc, c’est bien lié au changement climatique. Ils peuvent également mourir à cause de pathogènes. On en a parlé un petit peu. On a parlé de bilobes, on a parlé des scolytes. Mais en fait, ce qu’il faut savoir, c’est que ces pathogènes eux-mêmes, notamment, par exemple, les scolytes, ont un cycle favorisé par le changement climatique. C’est-à-dire que, par exemple, quand on regarde les dépérissements dans le Grand Est, on avait une à deux générations de scolytes par an avant les années 2010, on va dire. Et là, sur les dernières années, et notamment les années à forte température, on a jusqu’à 3 générations de scolytes par an. Donc, évidemment, on a plus de bêtes pour s’attaquer aux arbres. Et donc, les arbres étant fragilisés et en détresse, ils sont plus facilement malades et plus facilement attaqués par les pathogènes.”

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Benoît Thomé Directeur des relations institutionnelles Météo-France