Cela pourrait être un sujet de philo pour le bac : L’Art permet-il d’oublier le quotidien ? Vous avez quatre heures ! Il y a bien sûr plusieurs réponses possibles comme nous invite à l’exprimer le si classique “thèse, antithèse, synthèse…” Mais c’est les vacances et il y a tant d’autres choses à faire ! Par exemple, découvrir la myriade d’expositions qui scintillent aux quatre coins de l’Occitanie. Alors, donnes-moi ta main et prends la mienne, comme chantait l’autre, on s’amusera quoi qu’il advienne puisque l’École est finie…
Ouf ! Laissons derrière nous les contraintes du quotidien, les angoisses électorales et les collègues relous. Place aux vacances. mais pour autant, rien n’oblige à se contenter de bronzer idiot. Et sans pour autant se priver de farniente et de détente, pourquoi ne pas profiter de la saison pour se refaire une petite santé culturelle. D’autant que la plupart des musées sont… climatisés !
A Narbonne, on peut faire escale en Méditerranée romaine !
Et en Occitanie, il n’y a que l’embarras du choix. Alors par où commencer ? Pourquoi pas dans l’Aude où le musée Narbo Via invite à faire “Escale en Méditerranée romaine” ? Le public est invité à explorer l’un des ports antiques les plus importants et influents de la Méditerranée occidentale.
Depuis plus de 15 ans, une équipe de recherche coordonnée par le CNRS et le Département des Recherches Archéologiques Subaquatiques et Sous-Marines cherche à retrouver l’implantation du port de cette colonie romaine fondée en 118 avant notre ère, puissante capitale de la province de Narbonnaise qui s’étendait des Pyrénées aux Alpes.
Le musée Narbo Via : https://narbovia.fr/accueil/narbo-via/
Cette exposition-événement révèle le rôle central de ce port majeur situé au cœur de Mare Nostrum. À travers plus de 150 pièces uniques, dont des céramiques, mosaïques, amphores, monnaies et objets du quotidien, l’exposition présente le résultat de ces recherches archéologiques. Cartes animées, dispositifs audiovisuels et tactiles permettent de plonger dans l’environnement sonore et olfactif du port antique, de comprendre les techniques de navigation, de localiser les épaves explorées et d’appréhender les métiers de l’archéologie.
Ingres et Delacroix, ces objets inséparables de l’artiste
Autre événement estival, dans le Tarn-et-Garonne, à Montauban où le musée Ingres-Bourdelle propose de nombreux rendez-vous et ateliers à partager en famille ou entre amis. Mais aussi deux expositions importantes : en collaboration avec le musée national Eugène-Delacroix le musée montalbanais présente “Ingres et Delacroix. Objets d’artistes” (jusqu’au 10 novembre). Objets personnels (souvenirs de voyage, objets décoratifs…), objets de la création (palettes, pinceaux, boîtes et meubles à peinture…), vues d’ateliers, tableaux représentatifs de leur art, portraits… pas moins de 173 œuvres transporteront les visiteurs dans l’univers de deux des plus grands peintres du XIXe siècle français.
Le musée Ingres-Bourdelle : https://museeingresbourdelle.com/accueil
Par ailleurs, le musée Ingres-Bourdelle accueille chaque année des installations d’artistes contemporains. En 2024, c’est au tour de Jean-Michel Othoniel, d’investir les lieux avec une exposition inédite. L’artiste propose une œuvre où son travail sur la brique de verre, commencé il y a plus de dix ans, prend la forme d’une architecture monumentale : “Il évoque l’espoir et le sacré de la vie toujours renaissants. Comme émergeant d’un tombeau de verre noir des concrétions de briques miroirs vertigineuses s’élancent vers le ciel et défient l’apesanteur.” Magistral !
Jean Hugo a droit à trois lieux dans l’Hérault
Un autre invité de prestige de l’été a pris ses quartiers d’été dans l’Hérault : pas moins de trois expositions pour Jean Hugo ((1894-1984) au musée Médard de Lunel, mais aussi au musée Fabre de Montpellier et au musée Paul-Valéry à Sète.
Afin de présenter une vision la plus complète possible de l’œuvre de Jean Hugo, les trois musées se sont associés pour que l’hommage prenne la forme de trois volets,
présentés simultanément à Sète, Montpellier et Lunel, dans un esprit de complémentarité. À Sète, l’exposition “Jean Hugo, entre ciel et terre” “a pour projet de montrer, à travers un important ensemble d’œuvres dominé par la question du paysage, que la représentation de la nature est pour Jean Hugo autant une célébration de l’ordre du monde dans son apparence qu’une volonté de faire ressentir ce qui l’anime.”
Jean Hugo est attaché au domaine de Fourques, près de Lunel, où il s’installe définitivement durant l’automne 1929. Il l’est également à la Camargue ou encore aux territoires vallonnés de l’Aveyron, en particulier de la vallée du Durzon, près de Nant, où il lui arrive de résider à compter de 1962. Jean Hugo séjourne aussi parfois entre Hyères et Grasse, se rend à Vallauris dans l’atelier de Picasso et visite également la Catalogne. Il sillonne son pays par d’incessantes excursions.
Ses pérégrinations le ramènent souvent vers le nord de la France, particulièrement la Normandie à laquelle il est lié par ses origines familiales. L’île de Guernesey, qui a marqué son enfance et porte le souvenir de Victor Hugo, constitue aussi pour lui une source profonde d’émotion…
Découvrir Jean Hugo : à Sète https://museepaulvalery-sete.fr/ , à Montpellier https://www.museefabre.fr/ , à Lunel https://www.museemedard.fr/
Le mythe d’Orphée, au coeur d’une génération d’artistes
Dans le Lot, le musée Zadkine (Les Arques) se propose de mettre en lumière les nombreux liens qui unissent Zadkine et Cocteau à travers leur intérêt commun pour Orphée. Ce héros de la mythologie grecque qui parcourt leurs œuvres respectives.
Le mythe d’Orphée est certainement l’un de ceux qui a le plus inspiré les artistes depuis l’Antiquité. Zadkine n’y a pas échappé. Tout au long de sa vie, le sculpteur des Arques a été influencé par ce poète musicien qui, grâce à sa lyre et son chant mélodieux, pouvait charmer les animaux sauvages, mettre en mouvement les arbres, dompter les cours d’eau et braver les enfers. Zadkine a sculpté ce personnage légendaire à plusieurs reprises à partir de 1930. Que ce soit dans le tronc d’un orme de 3 m de haut ou dans le bronze, Zadkine est revenu une dizaine de fois à cette figure de la mythologie.
Pour Jean Cocteau aussi, Orphée a été un fil rouge. Après une adaptation au théâtre dès les années 20, il a transposé le mythe deux fois au cinéma. Et au moment d’entrer à l’Académie Française, sur son épée d’Immortel, c’est le profil d’Orphée que Cocteau a dessiné.
D’où vient cet intérêt commun ? Sans nul doute de leur ami Guillaume Apollinaire. Le poète publie en 1908 “Orphée”. Ce texte donne naissance quelques années plus tard à un courant artistique, proche du cubisme, l’Orphisme. Zadkine et Cocteau, sensibles à ce mouvement d’avant-garde, se sont alors intéressés chacun à leur manière au mythe d’Orphée. Zadkine y voit un artiste qui se fond dans les formes végétales et animales, Cocteau y retrouve un poète en quête d’immortalité.
L’été au musée Zadkine : https://www.tourisme-lot.com/offres/musee-zadkine-les-arques-fr-659628/
Toulouse multiple et diverse avec les paysans, Marilyn et les Cathares !
Et Toulouse dans tout ça !? La capitale n’est pas en reste, avec un joli bouquet de rendez-vous à ne pas manquer. A commencer par Les Abattoirs qui proposent fort à propos de “Battre la campagne !” Une exploration des liens multiples et riches entre les artistes et les paysans à l’aune des enjeux auxquels fait face l’agriculture aujourd’hui. À travers un ensemble de près de 150 œuvres, le parcours proposé entend “contextualiser et mettre en évidence les points de rencontre entre art et agriculture, tout en explorant la manière dont ce dialogue a évolué dans un contexte de redéfinition des relations entre l’humain et son environnement.”
Et bien sûr, toujours les Espaces EDF Bazacle qui ont déroulé le tapis rouge à la star hollywoodienne avec “Marilyn, le secret de l’Amérique”. Photos rares, anecdotes inédites, effets personnels… Tout a été pensé pour dévoiler les coulisses de l’univers glamour de la plus célèbre blonde de l’histoire du 7e Art (lire plus bas).
Et pour les plus férus d’Histoire, il ne faut pas rater le rendez-vous avec les Cathares et l’Histoire de l’Occitanie. “Cathares”, croisade, châteaux, inquisition, bûchers… autant de termes et d’images qui sont associés à la croisade contre les Albigeois (1209-1229). Cette exposition inédite, conçue par le Musée Saint-Raymond, présente les événements et rebondissements qui ont émaillé la croisade contre les Albigeois mais aussi la question de l’hérésie dite cathare, autour des débats qui animent actuellement la communauté des historiens.
Près de 300 objets sont exposés dans les deux sites qui accueillent l’exposition, le Musée Saint-Raymond et le Couvent des Jacobins : documents d’archives exceptionnels prêtés par des institutions prestigieuses telles que la Bibliothèque nationale de France ou les Archives nationales, objets archéologiques inédits, œuvres sculptées ou peintes, matériel de reconstitution historique de qualité scientifique (costumes, armement)… Des dispositifs sonores, numériques et interactifs enrichissent l’expérience de cette visite. Le dispositif ludique tout public Trobador invitant à composer sa propre chronique de la croisade contre les Albigeois.
Tout ce qu’il faut savoir sur Les Abattoirs, https://www.lesabattoirs.org/ , l’Espace EDF Bazacle, https://lebazacle-expositions.com/ , les Cathares : https://saintraymond.toulouse.fr/cathares-toulouse-dans-la-croisade/
Le plaisir de retrouver enfin le MIAM dans sa vocation première
Enfin, un dernier mot sur l’incontournable Musée international des Arts Modestes – MIAM de Sète (Hérault) qui retrouve toute la saveur de ses origines avec l’exposition BeauBadUgly – L’autre histoire de la peinture. Si l’on pouvait avoir eu l’impression que le musée sétois naviguait un peu à vue depuis quelque temps, oscillant entre divers courants, il retrouve ici toute sa verve et sa vocation originelle !
Cette exposition est particulièrement importante pour Hervé Di Rosa, qui, en plus du commissariat global de l’exposition, a été à l’initiative de la publication de la première bourse de recherche du MIAM, financée en intégralité par la Fondation Antoine de Galbert et encadrée par l’INHA. Jean-Baptiste Carobolante, lauréat de cette bourse, a entrepris depuis 2021 une recherche sur la peinture marchande, dont BeauBadUgly – L’autre histoire de la peinture sera le premier événement, avant la publication à venir d’un ouvrage.
Méconnus, méprisés… tellement kitsch, mais tellement vendeurs !
Qui n’a pas regardé avec tendresse l’image encadrée d’un enfant qui pleure, d’un Poulbot aux joues rouges ou d’un clown de Bernard Buffet ? Pour beaucoup, la peinture c’est ça ! Qui sont ces peintres ayant eu un moment de gloire populaire avant de tomber dans l’oubli, ces artistes au succès jamais démenti, pourtant relégués dans l’ombre de l’histoire ?
Fascinant de découvrir les peintures originales de ces artistes à la marge de l’imaginaire et du goût commun, qui ont parfois vendu des reproductions de leurs œuvres par milliers en supermarché et dont les posters nous sont familiers. Pour beaucoup, ce sera une première exposition en France. Ce panorama de la peinture commerciale, médiatique et populaire, de Vladimir Tretchikoff à Bob Ross en passant par les “300 croûtes” présentées par Gabriele di Matteo… avec à chaque fois toute une histoire, un contexte, une légende. On s’y précipite, on s’y plonge, on adore !
La vraie magie du MIAM : https://miam.org/
Philippe MOURET
Événement : Une Marilyn plus intime, aux Espaces EDF Bazacle, à Toulouse
Narbonne : Narbo Via et le Parc Naturel Régional unis pour valoriser le patrimoine antique
Belle acquisition du musée Ingres-Bourdelle
Le musée Ingres Bourdelle a obtenu un 46e tableau de l’enfant du pays. Il s’agit d’une esquisse ayant servi à la préparation du Vœu de Louis XIII peint en 1824 pour la Cathédrale de Montauban et qui vient enrichir la collection du musée montalbanais, seul musée au monde entièrement consacré à l’œuvre du peintre.
Vendue par Christie’s à la demande des héritiers de Sam Josefowitz qui en était le dernier propriétaire, cette Esquisse pour l’enfant Jésus du Vœu de Louis XIII a d’abord appartenu à un peintre montalbanais et ami d’Ingres, Prosper Debia (1791 – 1876), dont le musée Ingres Bourdelle conserve par ailleurs plusieurs œuvres.
Restée dans la lignée de l’artiste, sans doute jusqu’à sa première vente encore anonyme en 1922 où elle a été acquise par l’un des membres de la célèbre famille de peintres et collectionneurs, les Rouart, elle a ensuite appartenu au critique d’art et collectionneur, Marcel-Louis Guérin (1873 – 1948). L’œuvre aurait par la suite été conservée par sa descendance jusqu’en 1949 avant de rejoindre l’extraordinaire collection de Sam Josefowitz (célèbre collectionneur d’œuvres de l’école des Nabis et de Pont-Aven).
Acquis le 12 juin dernier par le musée Ingres-Bourdelle, le tableau rejoint les deux
esquisses peintes et la centaine de feuilles préparatoires du Vœu de Louis XIII – dont six études dessinées pour l’enfant Jésus – que le musée conserve. Cette œuvre de Jean-Auguste-Dominique Ingres vient compléter la collection du musée qui compte désormais 46 peintures de l’artiste. Elle est présentée au public depuis le 14 juillet.