Enfants : La diversification alimentaire, commencer à manger “comme un grand”

La diversification alimentaire des jeunes enfants peut débuter entre 4 et 6 mois... Photo DR

“La diversification alimentaire commence entre 4 à 6 mois. Certains bébés sont attirés par les nouveaux goûts dès 4 mois. D’autres bébés s’y intéressent plus tard, à 5 ou 6 mois. Pas d’inquiétude : chacun son moment ! On se souvient simplement qu’après 6 mois, le lait seul ne suffit plus”, c’est ainsi que Santé Publique France évoque la diversification alimentaire sur le site 1000 Premiers jours.fr. Titulaire d’un doctorat en nutrition santé de l’université de Montpellier et maman de deux jeunes enfants, Julie Carillon a réuni une équipe de professionnels spécialisés en nutrition infantile pour accompagner les parents lors de la diversification alimentaire de leur bébé, partout en France, depuis 2019 : Hamstouille.fr Elle nous parle de sa démarche…

Quel constat, à propos de l’alimentation des jeunes enfants, vous a incitée à créer ce site ?

Julie Carillon, créatrice du site hamstouille.fr Photo DR

Quand j’ai commencé la diversification alimentaire de mon premier fils, je me suis rendu compte que les informations partagées par le pédiatre, la famille, les amis, les collègues… étaient toutes très différentes et parfois même étonnantes ! En tant que docteur en nutrition, j’ai été déçue de voir le manque d’accompagnement des parents lors de la diversification alimentaire. Et quand j’ai vu les produits destinés aux bébés dans les rayons du supermarché j’ai compris pourquoi les enfants autour de moi mangeaient autant de sucre ! J’ai aussi compris mes propres difficultés alimentaires et c’est à ce moment-là que j’ai décidé de me lancer dans le projet Hamstouille. J’ai vraiment eu l’envie (très ambitieuse) de changer l’alimentation des tout-petits.

A quelles catégories d’âge s’adresse-t-il ?

Il y a 3 ans, j’ai créé une première plate-forme destinée aux bébés et à leur diversification alimentaire. Et en juillet dernier, nous avons lancé une seconde plate-forme pour accompagner les enfants de 1 à 6 ans.

Comment vous situez vous par rapport aux recommandations des pédiatres et médecins ?

La majorité des pédiatres et médecins n’ont pas du tout la même approche que nous sur l’alimentation de l’enfant. Ils sont formés avec des valeurs très différentes des miennes et de celle de mon équipe. Mais les recommandations des autorités de santé commencent à prendre en compte les points importants sur lesquels nous travaillons au quotidien. Et je suis sûre que dans quelques années nous serons beaucoup plus en phase avec les professionnels de santé sur l’alimentation des tout-petits.

le rôle de l’adulte

est de choisir les aliments

adaptés aux capacités

et aux besoin de l’enfant”

Quelles sont les mauvaises habitudes « traditionnelles » à éviter ? 

Photo DR

Je pense qu’il y a une chose en particulier qu’il faut éviter : nourrir nos enfants, faire à leur place… L’apprentissage de l’alimentation devrait se faire en autonomie, comme tous les autres développements de l’enfant. On ne marche pas à la place de l’enfant, on lui tient la main et on l’encourage pour qu’il fasse ses premiers pas. Alors pourquoi devrions-nous mettre nous-mêmes une certaine quantité de nourriture dans la bouche du bébé qui débute la diversification alimentaire ?

Le parent se positionne naturellement en tant qu’accompagnant quand son enfant se lève pour marcher : il sécurise l’espace et donne les moyens à l’enfant de progresser seul. Ça devrait être pareil pour l’alimentation : le rôle de l’adulte est de choisir les aliments adaptés aux capacités et aux besoin de l’enfant. Et l’enfant peut manger seul en écoutant ses sensations.

A quel rythme faut-il diversifier l’alimentation du bébé ?

On doit commencer à faire découvrir les aliments complémentaires (autres que le lait) entre 4 et 6 mois, quand son enfant est prêt. Ensuite, chaque enfant va à son rythme. On peut proposer deux à trois repas dès le début, en fonction de la disponibilité de l’enfant. Un bébé autonome sur son alimentation équilibrera parfaitement son apport lacté et ses repas en fonction de ses besoins au fur et à mesure de sa découverte. Les bébés que nous suivons mangent de tout, ou presque, quatre fois par jour entre 10 et 12 mois pour la plupart.

Y’a-t-il un lien entre mauvaise alimentation dans l’enfance et la santé future de l’adulte ?

Bien sûr ! Le comportement alimentaire se développe dès le début de la diversification alimentaire, et même avant, pendant la grossesse et l’allaitement.
Des études ont montré que les bébés qui découvrent une grande variété d’aliments et de textures pendant leur première année auront plus de facilité à les intégrer ensuite dans leur alimentation. Malheureusement, aujourd’hui, l’alimentation n’est pas considérée comme un point fondamental dans le parcours de soin de l’enfant… Comme le sommeil d’ailleurs et c’est bien dommage, car ce sont les piliers d’une bonne santé.

Les inégalités sociales face à la nourriture ont-elles une influence importante ? Et si oui comment y remédier ?

Oui, justement aujourd’hui pour être accompagné par des professionnels de l’alimentation infantile il faut payer. Nous avons construit notre business modèle pour que les familles puissent bénéficier d’un remboursement de la part de leur mutuelle. Mais malheureusement toutes les familles n’ont pas une mutuelle et toutes les mutuelles ne prennent pas en charge les prestations diététiques.

Je pense que tous les parents devraient bénéficier d’un accompagnement comme le nôtre, pris en charge par la Sécurité sociale dans le parcours de soin classique de l’enfant. En attendant, je propose des ateliers en visio gratuits chaque semaine pour informer le plus grand nombre sur les bases de l’alimentation du bébé. Je fais de mon mieux à ma petite échelle.

Comment avez-vous constitué votre équipe ?

Pour notre accompagnement des bébés, je me suis entourée de neuf diététiciennes spécialisées en alimentation infantile. A nous dix, nous sommes compétentes en nutrition infantile, en allaitement, tire-allaitement, troubles digestifs, allergies alimentaires, troubles de l’oralité, freins buccaux restrictifs… Et nous continuons à nous former régulièrement sur les différents sujets rencontrés sur le terrain.

Photo DR et logo du site hamstouille.fr

J’ai construit la plate-forme pour les bambins avec une diététicienne et une orthophoniste spécialisées en troubles alimentaires pédiatriques, une psychologue et une consultante en rythme et sommeil de l’enfant. En effet, l’alimentation des enfants de 1 à 6 ans est très fortement influencée par différents facteurs. Et je suis persuadée que le travail multidisciplinaire est le plus efficace car chaque professionnel a ses compétences et ses sensibilités. J’ai énormément appris sur mon métier en travaillant quotidiennement avec toutes ses professionnelles depuis 3 ans.

Le suivi en visio, est-ce vraiment efficace ?

Quand j’ai lancé l’activité Hamstouille je pensais que ce serait un frein, mais avec le début du covid c’était la seule option viable pour nous. Finalement aujourd’hui je ne changerais rien car la visio permet un échange beaucoup plus simple et naturel avec les familles. Nous accompagnons des papas et des mamans qui viennent d’avoir un enfant, qui sont fatigués, et qui ont très peu d’énergie à dépenser dans des trajets inutiles. Nos créneaux de visio du soir et du week-end sont réservés plusieurs semaines à l’avance. Les deux parents peuvent ainsi être présents (souvent il y en a un des deux qui gère bébé pendant que l’autre est concentré sur la consultation).

Il n’est pas rare de voir des parents dans leur lit, ou en pyjama sur leur canapé avec un sandwich dans une main et bébé dans l’autre pendant nos échanges et je trouve cela super ! Le lien entre les parents et mon équipe est souvent plus fort qu’en cabinet et cela permet aux familles de parler de leurs difficultés sans aucun filtre, et donc à mes collègues de les accompagner avec beaucoup plus de pertinence.

Quel public est le plus touché par votre site ?

Je pensais au début que seuls les nouveaux parents seraient intéressés par nos services. Mais finalement nous avons autant de parents de premier enfant que de parents qui ont déjà plusieurs enfants. J’échange régulièrement avec des parents qui me disent ne pas vouloir reproduire les “erreurs” faites avec leur premier enfant. Au début nous avions une majorité de familles aisées, mais aujourd’hui nos services sont prescrits par de nombreux médecins et nous accompagnons régulièrement des parents qui voient cela comme un réel investissement à long terme.

En tant que parents, nous devrions

mettre toute notre énergie

à permettre à nos enfants

de devenir des mangeurs conscients”

Nous avons des familles qui se font aider par leur proches pour financer nos accompagnements et certains parents économisent plusieurs mois avant de faire appel à nos services. Et aussi étonnant que cela puisse paraître, nous avons également pas mal de professionnels de santé et de la petite enfance qui nous font confiance pour l’alimentation de leur enfant.

Quel est le “point essentiel” sur lequel vous tenez à appuyer à propos de l’alimentation des jeunes enfants ?

Je pense que le plus important est de comprendre que les premières années sont cruciales pour le développement du panel et du comportement alimentaires de l’enfant. Et l’autonomie est la clé du respect des besoins et des sensations. Notre rôle n’est pas de nourrir nos enfants selon des règles ou des quantités précises. Notre rôle est d’accompagner nos enfants dans leur apprentissage de l’alimentation en proposant des aliments variés et sains et en les laissant manger selon leurs besoins et leurs sensations. En tant que parents, nous devrions mettre toute notre énergie à permettre à nos enfants de devenir des mangeurs conscients.

Propos recueillis par Philippe MOURET

Voir aussi le site gouvernemental manger bouger, Jeunes enfants de 0 à 3 ans, du lait à la diversification.

La diversification menée par l’enfant :

Certains parents pratiquent la diversification menée par l’enfant (DME), qui consiste à proposer directement des morceaux d’aliments bien cuits à l’enfant sans avoir donné avant de purée ni de compotes ni d’aliments à la cuillère afin qu’il découvre les aliments avec les mains, ceci dans l’optique de favoriser son éveil au goût et au plaisir de manger. C’est possible à partir de 6 mois environ, dès que l’enfant sait se tenir bien assis et sait attraper et porter à la bouche. Mais attention, il s’agit d’une découverte accompagnée. Les parents ont un rôle fondamental en observant ce que l’enfant ressent et apprécie, en l’encourageant et en le rassurant, et en veillant à ce que l’enfant déglutisse bien. (source : Manger Bouger.

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