Économie circulaire : Des chercheurs lancent un “appel solennel aux décideurs”

Ph. Naja Bertolt Jensen, Unsplash

Réparer, recycler… Pour la première fois, soutenu par la région Occitanie, s’organise à Montpellier un congrès interdisciplinaire de chercheurs de nombreux domaines pour réfléchir à une meilleure organisation de la société, aller vers une meilleure gestion des ressources et agir positivement sur le climat.

Les Européens produisent 2,2 tonnes de déchets chaque année, comme l’a calculé le Parlement européen. Réparer, réutiliser, recycler est la formule gagnante sur une planète, certes grande, mais qui est délimitée par un espace fini. La gestion de nos consommations à ces fins s’appelle l’économie circulaire. En clair, être tous davantage vertueux en réduisant nos déchets, en luttant contre l’obsolescence programmée, en utilisant donc moins de matières premières. L’ensemble étant bon pour le climat.

Un Européen, c’est 180 kg de déchets d’emballage/an

Selon les dernières statistiques, datant de 2021, 49,6 % des déchets ménagers générés dans l’Union européenne sont recyclés ou compostés soit une augmentation de 3,6 points de pourcentage par rapport à 2017. Sachant que l’UE a fixé un objectif de 60 % de réutilisation et de recyclage des déchets municipaux d’ici 2030. Chaque Européen génère quelque 180 kg de déchets d’emballage par an.

C’est dans ce contexte que l’Association Interdisciplinaire Française pour la Recherche en Economie Circulaire et lele consortium de chercheurs Circulades ont créé, avec le soutien de la Région Occitanie, le premier congrès sur l’Economie circulaire qui se déroule jusqu’à demain 27 juin, à Montpellier.

Nuage de mots. DR.

300 chercheurs pour “modéliser l’économie circulaire”

Plus de 300 chercheurs à avoir soumis 139 contributions à l’appréciation du comité scientifique du CIEC-2024. L’ambition ? “Mettre en lumière le caractère interdisciplinaire des recherches sur l’offre des acteurs économiques, sur la demande et le comportement des consommateurs ainsi que sur la gestion et la transformation des déchets et des ressources. C’est également l’opportunité de présenter comment la recherche peut conceptualiser et modéliser l’économie circulaire afin d’en faire un véritable moteur de changement”, explique l’association.

L’économie circulaire est devenue une évidence, un choix économique et écologique”

Carole Delga
Première matinée du congrès. Ph Audrey Viste

Présidente de la Région Occitanie, Carole Delga soutient cette initiative, imaginée par des chercheurs de Toulouse. “En quelques années l’économie circulaire est devenue une évidence, un choix économique et écologique que je salue et que la Région encourage. Dans chaque foyer, dans chaque entreprise, il est possible d’adopter des pratiques telles que la réduction, la réutilisation et le recyclage des ressources pour répondre aux enjeux environnementaux et économiques qui sont les nôtres aujourd’hui. L’économie circulaire n’est pas un frein à la consommation. Il faut arrêter avec cette idée absurde que consommer autrement c’est la fin de tout !”

Plan d’action régional pour l’économie circulaire

Celle qui est à l’origine du “plan régional d’action en faveur de l’économie circulaire (Praec)”, développe : “Je suis convaincue qu’en abordant différemment le développement de nos territoires et en agissant finalement avec bon sens dans l’élaboration de nos projets économiques et de nos politiques publiques, nous créerons des emplois tout en améliorant la gestion des ressources. Le soutien régional à la recherche et à l’innovation via des programmes tels que Défis-Clés Occitanie illustre cet engagement concret, avec des actions spécifiques comme le Défi Clé Circulades, bénéficiant d’un financement important de 2 M€.”

“L’urgence c’est le dérèglement du climat”

Les membres de l’organisation de ce premier congrès. Ph. CIEC 2024.

Co-organisateur du congrès – avec notamment l’ex-député François-Michel Lambert –  et co-lanceur des Défis-Clés, Pascal Guiraud, enseignant-chercheur à l’Insa Toulouse (Institut national polytechnique). Y a-t-il urgence ? “L’urgence c’est le dérèglement du climat”, répond-il simplement. Nous avons des resources limitées ; la Terre a un diamètre important mais qui sont de plus en plus difficiles à extraire…” “L’idée de base” que lui et ses amis chercheurs promeuvent, c’est de “recycler au maximum”. Mais il n’y a pas que cela.

“Un sujet de société et un moteur de transition”

Pour arriver à cette sobriété, à cette prise de conscience, “il faut arriver à repenser comment nous vivons, comme nous sommes organisés ; comment l’économie s’organise ; les entreprises entre elles également. C’est un sujet de société et un moteur de transition“, valide Pascal Guiraud, co-président de l’Aifrec. Il s’agit, in fine, “d’impliquer tout le monde : consommateurs, producteurs, extracteurs, politiques, collectivité locales… Pour améliorer notre quotidien et avoir des impacts sur le climat et notre planète”.

Agir sur les importations et l’économie mondialisée

Organiser tout cela est bien sûr le plus difficile. Selon Eurostat, l’UE importe environ la moitié des matières premières qu’elle consomme. La valeur totale des échanges (importations plus exportations) de matières premières entre l’UE et le reste du monde a presque triplé en vingt ans. L’UE importe toujours plus qu’elle n’exporte. En 2021, cela s’est traduit par un déficit commercial de 35,5 milliards d’euros… Il faut agir sur les importations et l’économie mondialisée. Une paille.

“Un appel solennel auprès des gens qui prennent des décisions : écoutez les scientifiques !”

Ph. Erik Mc Lean, Unsplash

Lutte contre l’obsolescence, droit à réparation… Pas mal de “petites” choses ont déjà été effectuées par le Parlement européen mais rien qui n’ait une incidence profonde et globale. L’évolution vers une économie davantage circulaire améliorer au final la compétitivité, voire stimuler l’innovation. Et donc la croissance. l’UE évoque le chiffre de 700 000 emplois dans l’Union d’ici 2030. On est cependant encore bien loin des projections. D’où ce congrès, unique en France, qui se déroule à Montpellier, donc. “Les flux d’argent, c’est l’homme qui les a inventés ; en revanche, les flux de matières, on n’y peut rien. Un kilo de charbon ou un kilo d’acier, on le vend plus ou moins cher, c’est tout…”

C’est aussi pour que cette complexité de l’économie mondiale ne tue pas la planète à petits feux que ces chercheurs lancent “un appel solennel auprès des gens qui prennent des décisions : écoutez les scientifiques ! Qui préconisent de faire attention aux ressources et de les utiliser au mieux. Il existe déjà pas mal d’actions visant à mieux recycler mais on ne pense pas que pour recycler il faut de l’énergie. Si nous continuons à consommer comme cela, énormément, il faudra de plus en plus d’énergie”, dont les gaz à effet de serre et autres polluants ne “seront pas faciles à capturer”…  Né à Béziers, Pascal Guiraud précise : “Ce n’est pas un appel à la sobriété.”

Olivier SCHLAMA

À lire également sur Dis-Leur !

Économie : L’Occitanie, 1ère région d’Europe à lancer un Green New Deal

Recyclage in situ : Une fois dégustées, les huîtres replongent dans l’étang de Thau !

Nage, ramassage de déchets, terroir… : “Nous voulons mettre en valeur l’étang de Thau…”

BD-CIEC-2024