Dons aux associations : Malgré l’inflation, les Français sont de plus en plus généreux

Hélène, une patiente en rémission. Photo : Ligue contre le cancer.

Ligue contre le cancer, Banque alimentaire, Téléthon, Restos du Coeur, SNSM… Alors qu’en cette fin d’année les campagnes de dons battent le rappel, le réseau d’experts Recherches & Solidarités estime que les dons des particuliers se situent en France entre 5,4 et 5,6 milliards d’euros en 2022 (+ 8 %). Point très positif, les jeunes donnent autant que leurs aînés, notamment grâce à “l’environnement socio-économique et numérique qui a considérablement évolué générant de nouveaux comportements de dons et de nouveaux outils de collecte de fond”.

La générosité a été mise à rude épreuve durant l’année 2022 mais elle s’en sort paradoxalement… renforcée. Comme si les difficultés surmotivaient les Français. L’inflation galopante et la hausse des prix n’étant que la dernière des avanies subies par les ménages qui n’ont pas failli, au contraire.

Don moyen quand il est déclaré aux impôts : 605 €

Ces mêmes Français qui ont déclaré aux Impôts (certains dons ouvrent droits à des déductions fiscales d’au moins 66 % (comme donner à Dis-Leur !), l’an dernier, près de 3,2 milliards d’euros de dons aux associations ont été déclarés aux impôts par les particuliers, soit un don moyen de 605 euros, selon l’étude annuelle du réseau d’experts Recherches et solidarités, baptisée La Générosité des Français. Soit quand même une centaine d’euros de plus qu’en 1988. Quelque 4,9 millions de foyers fiscaux ont déclaré au moins un don en 2022, en hausse de 3,9 % par rapport à l’année précédente, après avoir baissé en 2021 par rapport à 2020.

Trois milliards d’euros de dons déclarés en 2022

Dons aux associations. Ph. Olivier SCHLAMA

Réalisée en collaboration avec le ministère des Finances, l’étude démontre qu’il s’agit là d’un peu plus de 3 milliards d’euros déclarés dans le cadre de l’impôt sur le revenu (en hausse de 6,3 %) et d’un peu plus de 200 M€ au titre de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), en hausse de 9 %. “Ces contribuables peuvent bénéficier d’une réduction importante de leur don, de l’ordre de 75 %, le plus souvent ce sont des fondations mais il faut pour que le don soit défiscalisable qu’elles aient une activité de recherche, d’enseignement supérieur, etc. Ils sont aussi le plus souvent assujettis à l’impôt sur le revenu et ces contribuables jouent sur les deux tableaux”, décrypte Cécile Bazin, directrice du réseau Recherches & Solidarités. On connait précisément leur nombre parce que ces dons apparaissent dans leur feuille d’impôt pour justifier des réductions fiscales.

Les dons des particuliers entre 5,4 et 5,6 milliards d’euros

Si l’on ajoute à ces 3,2 milliards d’euros les dons des particuliers (hors legs) qui ne sont pas déclarés aux impôts (dons dans la rue, arrondi aux caisses, réponses favorables aux campagnes de dons…), ce réseau associatif d’experts estime que les dons des particuliers pourraient se situer entre 5,4 et 5,6 milliards d’euros, en hausse de 8 %, pour l’année 2022. Une générosité qui a sans doute été propulsée par la forte mobilisation en faveur des réfugiés ukrainiens, au premier trimestre 2022, comme l’explique Cécile Bazin, directrice de Recherches & Solidarités.

Mobilisation en faveur de l’Ukraine et des autres associations

Le Pont du Gard s’était paré des couleurs du drapeau ukrainien… Cette image est mise en avant par le président de l’EPCC Pont du Gard (et maire de la Grand’Combe) sur sa page Facebook. Photo: F. Rébuffat/ EPCC Pont du Gard.

Parmi les foyers imposés, on observe que le Lot occupe le 4e rang national devant le Haut-Rhin et après les Hauts-de-Seine : pas moins de 25,5 % des foyers payant des impôts effectuent des dons aux associations alors que la moyenne nationale est de 20,5 %. Le Tarn est 14e avec un taux de 22,08 %. Viennent ensuite la Haute-Garonne, l’Aveyron, le Gers, l’Aude (43e), l’Hérault, la Lozère…

Cécile Bazin explique : “Ce record de dons nous a surpris surtout en cette période d’inflation. Le pouvoir d’achat des Français ayant été entamé, le pouvoir de donner aurait pu également l’être. Ce n’a pas été le cas en 2022. Les ménages les plus affectés par la hausse du coût de la vie n’ont pas donné mais les autres ont continué à le faire. À se mobiliser en faveur de l’Ukraine mais aussi des autres associations de solidarité en France.

Précision importante : le nombre de donateurs et le montant des dons sont également en hausse ; “la densité moyenne des donateurs” est passée de 19,9 % en 2021 à 20,5 % en 2022, une augmentation constatée dans la plupart des départements. Et, en trois ans, l’effort des plus jeunes (rapport entre leurs dons et leurs revenus imposables) progresse et se situe désormais au même niveau que celui des 70 ans et plus.

“Dans un contexte où les besoins sont croissants”

Photo : Ligue contre le cancer.

Elle ajoute un bémol : “Il faut relativiser cette augmentation même si la hausse, + 6,3 % de dons, se situe au-dessus de l’inflation (+ 5,2 %). Et aussi dans un contexte où les besoins sont croissants.” Cécile Bazin fait référence, notamment à la Croix Rouge et aux Restos du Coeur. La première s’est beaucoup mobilisée pour l’Ukraine, est en 2022 l’organisme qui a reçu le plus de dons en provenance des particuliers, devant les Restos, justement.

Ces derniers avaient lancé, en septembre, un appel à la générosité du public, affirmant manquer de 35 M€  pour terminer l’exercice 2023 à l’équilibre. Par ordre décroissant suivent parmi les associations ayant recueilli le plus de dons : le Secours catholique, l’Association française contre les myopathies, Médecins sans frontières, le comité français pour l’Unicef et Médecins du monde… Et qui dépensent pas mal d’argent en marketing pour attirer le cher donateur…

 

Les jeunes – alors qu’ils sont moins riches que les plus âgés – donnent autant que les aînés en proportion de leurs revenus…”

Cécile Bazin

De bon augure pour cette année 2023 ? “On ne sait pas encore ce que nous réserve l’année 2023 au moment où de nombreuses campagnes de collecte sont en cours, la fin d’année étant la période la plus forte, indique Cécile Bazin. Il y a eu les Banques alimentaires pour les dons en nature ; ce sera bientôt au tour du Téléthon, etc. toutes les collectes se mettent en place.”

Et d’ajouter : “Ce que l’on constate aussi sur les dons d’argent – et que l’on constate aussi sur le bénévolat -, c’est que les jeunes qui paient l’impôt sur le revenu – alors qu’ils sont moins riches que les plus âgés – donnent autant que les aînés en proportion de leurs revenus. Ils donnent l’équivalent de 2,5 % de leurs revenus déclarés, la même proportion que les 70 ans et plus, et davantage que les 30 ans-70 ans (moins de 2 %). Avec une évolution à la hausse pour les jeunes et à la baisse pour les 70 ans et plus avec un ratio équivalent désormais entre les deux tranches d’âges”, confie encore Cécile Bazin.

Olivier SCHLAMA

Les nouveaux comportements des donateurs

Crowdfunding, la collecte sur les sites internet, sur les réseaux sociaux, le micro don, la collecte par le gaming comme l’évènement Z-Event… Ou via des plateformes comme Leetchi, Cotizup, Lydia…

“Depuis 2005, est-il souligné dans l’étude, l’environnement socio-économique et numérique a considérablement évolué, entrainant de nouveaux comportements de dons avec de nouveaux outils de collecte de fond. Ainsi, le crowdfunding, la collecte sur les sites internet, sur les réseaux sociaux, le micro don, la collecte par le gaming comme l’évènement Z-Event sont apparus dans le paysage du fundraising, ces dix dernières années, et ont sans doute fait évoluer le comportement de don en France. Par ailleurs, selon les collecteurs, il est toujours difficile de convaincre les moins de 50 ans de donner.”

Prélèvement automatique et “abonnement au don”

Photo Dominique Quet BIM/Maxppp

Le comportement de don a nettement évolué depuis 2005, suite à deux innovations majeures. “D’une part, l’invention du prélèvement automatique et le fait de l’avoir promu auprès des donateurs a engendré une sorte “d’abonnement au don” de la moitié de nos répondants. Ainsi, comme l’a mentionné une répondante “on a fait un tableau où on a nos dépenses : Netflix, voilà et tout. Et les dons. Et du coup, c’est comme on paye l’eau, l’électricité, le gaz, ou Netflix ou l’abonnement Navigo. On sait que ça coûte tant d’euros mais on ne va pas remettre en cause le prix, ça y est, c’est fait. On paye et ça fait partie des charges”. Confortable pour les associations car elles peuvent prévoir leur trésorerie, moins dépenser en frais de collecte et s’assurer une certaine fidélité à la cause, mais ceci rend de plus en plus difficile la conquête de nouveaux donateurs.

Via des plateformes comme Leetchi, Cotizup, Lydia, ou des paiements directs par Paypal

D’autre part, “les réseaux sociaux et internet ont totalement changé le rapport au don, ce qui complexifie la tâche des collecteurs”. On observe ainsi une multiplication des sollicitations par les réseaux sociaux (Facebook, Instagram et WhatsApp). “Ces collectes sont lancées soit par des associations connues, soit par des micro-structures, voire par des particuliers qui connaissent d’autres particuliers dans le besoin. Le don passe alors par des plateformes comme Leetchi, Cotizup, Lydia, ou par des paiements directs par Paypal. Outre l’aspect technique du changement, ceci engendre un autre rapport au don. On assiste ici à un don plus spontané, où il est plus facile de créer du lien qu’avec les méthodes traditionnelles d’appels aux dons (mailings papiers et PA notamment).”

Appartenance à une communauté

Ainsi, ajoutent les experts de Recherches & Solidarités, un donateur depuis WhatsApp “réagit souvent à la demande d’un ami et de quelqu’un en qui il a confiance. Ensuite, la demande est souvent accompagnée de photos ou de vidéos faciles à visionner, qui vont montrer l’importance du problème. Une fois les dons faits via des cagnottes en ligne ou Paypal, la personne qui a sollicité le don va entretenir le lien avec le donateur en lui envoyant des nouvelles de la cause, d’autres photos des travaux en cours ou des vidéos des bénéficiaires. Elle va aussi pouvoir créer un sentiment d’appartenance à une communauté de donateurs qui vont pouvoir donner leur avis, encourager la progression des actions, etc.”

Construction d’un processus avec des traces de dons

Ph. Banque alimentaire, à Mauguio

Et de poursuivre la construction du processus : “Les bénévoles de l’association pourront également participer à ces échanges et donner à leur tour. Enfin, une fois que l’objectif de la collecte aura été atteint, de nouvelles photos-vidéos vont témoigner de cette réalisation et permettre aux donateurs d’avoir un sentiment d’efficacité personnelle. Par ailleurs, toutes ces vidéos-photos seront autant de traces du dons que la personne conserve dans son téléphone et sont de nature à construire la confiance et la preuve du don.”

Après le “Vu à la télé”, le “Vu sur les réseaux sociaux”

Après le “vu à la télé”, nous avons aujourd’hui “vu sur les réseaux sociaux” et pour beaucoup de répondants, ceci est la preuve de la bonne utilisation des fonds par l’association. Peut-être que quelque part, cette collecte par les réseaux sociaux et le nouveau mailing papier pour les 18 ans-50 ans . Le réseau d’experts a ajouté ce verbatim à démonstration à propos du don sur WhatsApp : “Et surtout quand on a les retours, ça fait plaisir de voir les puits finis. Surtout qu’on n’a pas souvent l’occasion de voir les résultats de ce que tu as donné quoi. Ouais, et là, c’est vrai que de voir les puits et de voir l’eau qui coule, je ressens de la joie (gros sourire et yeux imbibés d’émotions)”, dit Karima, 43 ans.

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