Documentaire : “La Mer en Face”, quand la plongée apaise le traumatisme d’un exil…

Ph. Union Urbaine.

Une équipe du centre de soins Frantz-Fanon, à Montpellier, a monté un protocole unique qui vise à faire découvrir la plongée sous-marine à des personnes en exil, parfois des migrants qui ont traversé la Méditerranée au péril de leur vie. Et ça marche, comme l’explique Aurélie Mehenni, médecin et plongeuse adhérente du club sétois l’Odyssée, grâce auquel le projet a pu voir le jour.

Retourner voir la Méditerranée les yeux dans les bleus : la Mer en Face est un documentaire de 26 minutes, tourné à Sète et à Montpellier, réalisé par Union Urbaine, des spécialistes vidéos. C’est l’aboutissement, la synthèse d’une expérience unique, imaginée par une équipe du centre de soins Frantz-Fanon, à Montpellier, spécialisé dans l’accueil des personnes “en exil et en souffrance psychique”, porté par l’association la Cimade.

“Les participants au projet ont courageusement dépassé leurs peurs”

Le but du projet est d’aider à apaiser les symptômes post-traumatiques des patients, notamment des migrants exilés, l’équipe de soignants a ainsi mis en place un parcours d’initiation à la plongée sous-marine. “Les participants au projet ont courageusement dépassé leurs peurs afin de se confronter à leur plus grand défi : regarder la mer en face.” Pour retrouver un apaisement intérieur avec un parcours souvent difficile, des épreuves et un passé douloureux. Comme nous vous l’expliquions ICI avec le portrait de Erwan Follezou.

“En lien avec la traversée de la Méditerranée”

“Parmi les personnes que nous suivons, nous en avons un nombre important qui ont une symptomatologie post-traumatique. Beaucoup en lien avec des violences subies dans les pays d’origine ; dans le parcours d’exil, voire les deux. C’est aussi en lien avec la traversée de la Méditerranée”, explique Aurélie Mehenni, médecin. Celle qui pratique également la plongée sous-marine, notamment au club sétois Odyssée, partie prenante de ces séances marines et de ce documentaire. “La plongée, des études le démontrent, a un impact positif sur des patients qui présentent des symptômes post-traumatiques.”

“Initiation à la plongée en vue d’apaiser ces symptômes”

Aurélie Mehenni précise : “Déjà, la plongée apaise le stress. Avec des mécanismes physiologiques multiples. Les études qui ont été faites jusqu’à présent l’ont été plutôt sur des événements uniques, par exemple suite à un attentat, comme le Bataclan ou celui de Nice. Il y a une hyper-activation, par exemple, du système nerveux sympathique dans le stress et la plongée a un effet freinateur. Avec certains de nos patients, depuis deux ans, nous avons lancé un projet pilote pour leur proposer une initiation à la plongée dans l’espoir d’apaiser ces symptômes.” 

Piscine, étang, mer, un programme étalé sur trois mois

Ph. Union Urbaine

En 2023, le projet a débuté avec quatre patients. Mais c’est en 2024 qu’il a donné toute sa mesure avec un protocole étoffé et cinq patients volontaires qui ont bénéficié de cette première. “Le projet s’est déroulé sur trois mois avec trois séances en piscine à Lattes avec une progression régulière avec un patient pour un moniteur, les psychologues dans l’eau. Ils ont une angoisse majeure, ne serait-ce que de regarder l’eau. La plupart ne savent pas nager. Les patients ont tous eu un suivi psychologique. Il y a aussi des groupes de paroles pour permettre d’envisager l’idée de ce projet, pour savoir ce que cela fait d’y participer ; ce que cela génère en soi. Il y a aussi des séances individuelles, etc. Au programme il y a eu des séances sur l’étang, en mer, sur le bateau, sans aller à l’eau, puis, enfin, dans l’eau. Il y a beaucoup d’étapes à franchir ; cela a été même parfois compliqué…”

“Cette approche a un réel effet sur les patients”

C’est aussi un engagement “citoyen” qui montre “la nécessité de s’engager auprès de ces personnes exilées”, parfois en attente d’un statut de demandeur d’asile “qui ont souffert énormément et qui essaient juste de se sauver. C’est aussi un engagement thérapeutique”. Quel bilan tire Aurélie Mehenni de ces trois mois ? “Il est très positif : cette expérience prouve que cette approche a un réel effet sur les patients. Après, il est très difficile, voire impossible, de faire la part de ce qui est de l’ordre de l’effet uniquement de l’activité plongée et du lien social qui se crée.” Car “le lien social est thérapeutique”, comme elle le dit dans le documentaire. “Pour les patients qui ont participé, les événements qui ont pu intervenir en lien avec leurs conditions socio-juridiques – des audiences, des précarités d’hébergement… -, ont pu aussi avoir un impact.”

Deux projections à Sète et à Montpellier

Deux vidéastes ont tourné des images pendant toute l’expérience en y étant totalement immergées eux-mêmes. Le documentaire sera diffusé sur internet. Il y aura une projection gratuite au cinéma Le Palace, à Sète, mercredi 13 novembre à 18 heures, suivie d’un débat avec le public à 18h30. Une seconde projection aura lieu, à Montpellier, au cinéma Utopia, lors du festival Migrant’scène, lundi 18 novembre, à 19h30. Il y aura probablement d’autres projections. Aurélie Mehenni souligne “l’engagement du club de plongée Odyssée : ce projet n’a pu avoir lieu que grâce à eux et à ses bénévoles”.

Olivier SCHLAMA

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