Cycle de l’eau : Bichonner nos rivières, “une bonne solution fondée sur la nature”

Souvent, de plus, les cours sont urbanisé, encaissés dans les villes ; on a oublié que l'on avait des cours d'eau dans les villes ! Au Mas Drevon, à Montpellier, par exemple, dès qu'il y a une moindre pluie, il y a un mètre d'eau rapidement. Forcément, on est dans le lit de la rivière et l'eau reprend son chemin d'origine même si le lit ou ses abords ont été urbanisés !" Ph. DR

Protéger la biodiversité et les habitants des inondations, maintenir la qualité du milieu… Agissant sur le bassin versant de la lagune, le Syndicat mixte du bassin de Thau exerce une activité très importante en entretenant… 60 cours d’eau ! Une action exemplaire, comme le confirme l’hydrologue montpelliéraine Emma Haziza pour qui la ripisylve joue un rôle prépondérant dans le cycle de l’eau.

Remontant des Sargasses, l’anguille d’Europe, une fois arrivée à maturité sexuelle, occupe nos cours d’eau dont elle est un digne représentant. Le martin-pêcheur, lui aussi, niche volontiers sur nos berges obombrées. Les loriots également, avec leur jaune éclatant qui font penser à une espèce exotique dont ils ne sont pas. Et que l’on retrouve dans nos vieux frênes… Sans parler des chauves-souris, notamment la minioptère de Schreibers, menacée et protégée, qui niche dans les cavités.

Un diagnostic complet des cours d’eau

Un rivière du bassin versant de Thau. Ph. SMBT

La Vène, la Lauze, la Calade, les ruisseaux des Combes et de Barbière ; ceux des près Bas et des Pouzets… Technicienne rivière pour le SMBT, Syndicat mixte du bassin de Thau, Clarisse Marceillac a effectué un diagnostic de nos cours d’eau liés au bassin versant de la lagune de Thau. En vue d’un entretien s’étirant jusqu’aux portes de Montpellier. Nettoyer et entretenir les rivières et autres rus est primordial pour protéger la biodiversité, la qualité du milieu, limiter les effets des inondations – en enlevant les embâcles, ces accumulations de végétations, rochers, bois…- et en protéger les habitants.

Théoriquement, les propriétaires riverains doivent entretenir…

Il y a deux phases d’entretien par an dont le coût n’est pas roupie de sansonnet. L’une en janvier-février, la seconde à partir de septembre. Pour garantir la vie sauvage et les reproductions afférentes, on ne peut intervenir que de septembre à janvier. “Il y a des cours d’eau domaniaux, publics, décrypte Clarisse Marceillac. Selon la réglementation, ce sont les riverains qui doivent entretenir les ripisylves [les micro forêts installées sur les rives] car quand ils sont propriétaires, ils le sont jusqu’au milieu de la rivière.” Parfois, pour ne pas dire souvent, ces segments sont à l’abandon. Du coup, le Syndicat mixte se substitue aux propriétaires défaillants dans l’intérêt général.

Débroussaillage, élagage, abattages…

Un chantier sur la Vène. Ph SMBT

Débroussaillage de ronciers, par exemple ; élagage ou abattages d’arbres… Il ne faut pas non plus tout raser : la biodiversité, flore spécifique et petits animaux se niche dans la ripisylve. Tout cela se fait dans le cadre d’un partenariat spécial établi entre le SMBT et ses membres – Sète Agglopôle, Communauté d’agglomération Hérault Méditerranée et Montpellier métropole – sur plusieurs années. Ce programme, qui s’étend aux limites hydrographiques du bassin versant de la lagune de Thau, concerne près de soixante cours d’eau, soit 185 km de linéaire ! Certains sont à sec.

Des interventions testées au nord du bassin de Thau

La quasi-totalité de nos cours d’eau dans ce bassin versant sont intermittents.” Ces interventions ont été testées de 2014 à 2019 mais sur un plus petit périmètre, sur le nord du bassin de Thau. De plus, comme rien n’avait été fait depuis longtemps, il s’agissait de gros travaux de réouverture du milieu complètement envahi par des ronciers et de la végétation anarchique. Depuis 2020, ce plan qui s’intéresse à entretenir ces cours d’eau de façon plus fine a intégré la communauté d’agglo d’Agde et une partie de la métropole de Montpellier.

“Un bon exemple de ce que l’on peut accomplir…”

Ce genre de programme qui s’intéresse à tout un bassin versant est exemplaire. “Cela a même été une volonté politique de maintenir le Syndicat mixte parce qu’il y avait une certaine maturité environnementale auprès des élus. C’est un bon exemple de ce que l’on accomplir.” À noter que Clarisse Marceillac “se tient à la disposition des particuliers. On peut me contacter ; je me déplace sur les parcelles pour les guider et donner des conseils. Les propriétaires ont tendance, quand ils s’occupent de leur parcelle, à tout raser. Ce qui n’est pas l’idéal”. Il faut maintenir un juste équilibre entre protéger la biodiversité tout en n’étant pas un obstacle pour les inondations, notamment.

État des lieux précis, améliorer la qualité du milieu et de l’eau

Chantier Bourbou. ph. SMBT

Ce n’est pas tout. Un bureau d’études a commencé à établir le diagnostic hydro-morphologique des cours d’eau du bassin versant de la lagune de Thau. Ces spécialistes vont y cheminer le long de leur cours, à pied ou en voiture. “Le but : faire un état des lieux précis et améliorer la qualité du milieu et de l’eau”, exprime Clarisse Marceillac qui ne s’occupe, elle, que de la partie dévolue à Sète Agglopôle. Les deux autres communautés de communes, de Montpellier et d’Agde, réalisent en interne leur diagnostic, chacune sur leur territoire – respectivement de 10 km et 30 km de linéaire. Rien que sur la part de Sète Agglopôle, la plus grande, on diagnostique de 30 km à 40 km de linéaire de cours d’eau chaque année. Dont un tiers, de 10 km à 15 km, des équipes auront réellement besoin d’intervenir.

Entretenir la ripisylve a un rôle crucial sur les cours d’eau en maintenant notamment les “digues” ; en freinant les crues et en épurant les cours d’eau…”

Emma Haziza, hydrologue

Pour l’hydrologue Emma Haziza, “entretenir la ripisylve et les cours d’eau, c’est très important. Cela a un rôle crucial sur les cours d’eau en maintenant notamment les “digues” ; en freinant les crues et en épurant les cours d’eau… Il y a énormément de bienfaits de bien conserver” cette mini-forêt sur les berges. C’est l’une des solutions fondées sur la nature qu’il faut mettre en avant. Souvent, de plus, les cours sont urbanisé, encaissés dans les villes ; on a oublié que l’on avait des cours d’eau dans les villes ! Au Mas Drevon, à Montpellier, par exemple, dès qu’il y a une moindre pluie, il y a un mètre d’eau rapidement. Forcément, on est dans le lit de la rivière et l’eau reprend son chemin d’origine même si le lit ou ses abords ont été urbanisés !”

Ce qui est un peu dommage aujourd’hui, c’est que lorsque l’on passe en phase de crise, d’inondations majeures, ces “sachants” sont éjectés du système, des cellules de crise…”

Emma Haziza. Photo : DR.

Toujours selon Emma Haziza, la quasi totalité des territoires se sont dotés d’outils, un syndicat mixte, par exemple, pour traiter cette problématique au niveau d’un bassin versant. “Dans ces syndicats il y a ce que j’appelle des “sachants” au plus près du terrain, qui lancent toutes les études de terrain, toutes les projections, les solutions, les analyses de risque ; de compréhension des linéaires, des débits… La question des inondations, etc. Ce qui est un peu dommage aujourd’hui, c’est que lorsque l’on passe en phase de crise, d’inondations majeures, ces “sachants” sont éjectés du système, des cellules de crise. Il n’y a plus que les maires et les préfets pour gérer. On a une perte immédiate de savoir. Ce sont eux aussi qui font des actions envers les scolaires ; qui mènent des plans d’action et de prévention…”

“La police de l’eau constate les pollutions aux pesticides et même aux pesticides interdits en Europe…”

Pourquoi la plupart des cours d’eau sont-ils en mauvais état écologique ? “On essaie de prôner des méthodes mais on se retrouve devant un mur. Celui, en région méditerranéenne, de l’extraction sauvage en rivière, par des forages ou des prélèvements d’eau pour irriguer ; certains sont contrôlés, d’autres pas… La police de l’eau le constate comme elle constate, via des analyses physico-chimiques, des pollutions aux pesticides et même aux pesticides interdits en Europe mais en réalité, elle ne peut pas faire grand-chose. Elle ne peut pas contraindre des agriculteurs à y renoncer.”

35 % de nos nappes phréatiques sont dans un état médiocre

Ces rivières que l’on entretient tant bien que mal, jouent-elles un rôle important dans le cycle de l’eau ? Elles jouent un rôle essentiel. On n’a pas agi assez vite et assez fort. On a des objectifs que l’on s’est fixés et que l’on a du mal à atteindre. On a 35 % de nos nappes phréatiques qui sont dans un état médiocre, ce qui est corrélé au modes de vie au-dessus. Il faut qu’il y ait une concertation globale pour que tout le monde comprennent que l’on a tous intérêt à avoir des rivières en bon état.”

L’eau douce, 6e et nouvelle limite planétaire dépassée…

Ph. d’illustration.

Par ailleurs fondatrice de Mayane, un centre de recherches pour la résilience des territoires, Emma Haziza dit :Je rappelle que l’eau douce est la nouvelle et sixième limite planétaire qui vient d’être dépassée. Cela concerne principalement l’eau qui est dans les sols (l’eau dite “verte”). Elle est dépassée à cause surtout de l’agriculture et à l’urbanisation. Ce qui engendre une désertification à plus ou moins long terme de nos sols qui n’arrivent plus à garder leur eau. On extrait malheureusement toujours plus massive… Or, nous vivons une période de sécheresse historique, notamment sur le pourtour méditerranéen. On n’a plus le temps. Il faut agir et agir fort dans les trois ans. Il faudra peut-être à l’avenir laisser des terres en jachères, les laisser respirer, les laisser retrouver de la matière organique, débitumer pour commencer à avoir des résultats…”

Trouver le pollueur pour une sanction immédiate

Pourquoi y a-t-il autant de cours d’eau intermittents ? Ce qui est presque la norme autour de la Méditerranée. “Cela indique que l’on est dans une période extrêmement fragile. Il faut se donner plus de moyens contre ceux qui font des forages sauvages, qui volent notre eau. Et puis on en arrive avec le canal de Provence à irriguer les vignes ! Et on trouve cela super alors que les vignes ainsi arrosées deviennent fainéantes ; elles ont moins de racines et elles tiendront pas dans le temps… Parallèlement, elle ajoute : “Il faudrait que l’on prélève à chaque niveau de la rivière pour que l’on définisse qui est le pollueur et qu’il y ait sanction immédiate. Ce n’est pas fait à cause d’une organisation administrative complexe…” 

Olivier SCHLAMA

  • (1) Les coûts des travaux d’entretien sont supportés par les interco (SAM, CAHM, 3M). Les coûts sont variables selon les années et déterminés par le programme d’intervention (soumis à enquête publique). Pour SAM , il s’agit d’environ 150 000 € par an ; pour Hérault Méditerranée, d’environ 70 000 € par an. Et pour Montpellier Métropole, cela reste à déterminer car l’enquête publique n’est pas achevée à ce stade.
  • Le précédent programme de gestion, période 2014-2019, s’étendait sur huit communes soit 80 km de linéaire. Et ce nouveau programme sur dix-sept communes soit 185 km de linéaire.
  • Par ailleurs, vous pouvez devenir “ambassadeur de l’eau”. Un premier groupe un groupe s’était constitué en 2021 dans le cadre d’une démarche du SMBT soutenue par l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse. Vous pourrez vous enrichir en connaissances sur la thématique de l’eau (économies d’eau, désimperméabilisation…) et participer à actions concrètes. L’ambition étant d’amener progressivement les citoyens à devenir acteurs de leur environnement. Par exemple sur le site SMBT ou sur Facebook.
    Pour poursuivre cette mission et aborder la thématique des économie d’eau par exemple, le SMBT utilise des supports et des sites. Prochainement, il s’agira de se diriger à Marseillan qui a un projet de réutilisation des eaux usées qui permettrait d’irriguer les vignes.
    Toutes celles et ceux qui souhaitent devenir ambassadeur de l’eau sur le territoire de Thau sont invités à participer à la visite de la station d’épuration des eaux usées (STEP) de Marseillan animée par Jacques Delagne, chargé de mission STEP & Régie à Sète agglopôle, Laurent Icol de l’entreprise Suez et Sonia Séjourné, chargée de mission “Participation citoyenne” au SMBT.

    Cette visite pédagogique leur permettra de comprendre le fonctionnement d’une STEP et de parler du projet de réutilisation des eaux usées de la STEP pour l’irrigation des vignes de Listel situées à proximité. Pour s’inscrire à la visite qui aura lieu jeudi 19 mai 2022 de 14h à 15h30 : s.sejourne@smbt.fr