Chambre des comptes : TER à 1 € en Occitanie, un succès qui participe à la hausse de fréquentation

TER régional en gare de Sète. Ph. Olivier SCHLAMA

Chaque année, les offres à 1 €, qui ne sont qu’une partie des offres tarifaires de la Région d’Occitanie, représentent un coût de 9,1 M€. Le nombre de billets vendus a augmenté, à 2,7 millions en 2023. Soit 13 % de la fréquentation totale des trains en Occitanie pour 2 % du coût d’exploitation. La moitié provient de deux des quatre dispositifs du train à 1 € : les “jeunes” et les week-ends. Un succès même si “le train est mieux rempli qu’ailleurs mais moins utilisé”.

C’est une spécificité unique en France : l’Occitanie est la seule région à proposer des trains à 1 € à cette échelle. Pas moins de 2,7 millions de ces billets en 2023, répartis sur quatre offres : les cinq lignes historiques secondaires (1) ; le 1 million de billets par an contingentés ; ceux pour tous les premiers week-ends du mois et, enfin, l’été, du 14 juillet au 15 août, pour les moins de 27 ans. C’est ce que vient d’ausculter la Chambre régionale des comptes d’Occitanie (CRC).

Le train à 1 €, c’était le prolongement de l’idée féconde de Christian Bourquin, ex-président de Région, qui avait proposé, quand il était président du département des P.-O., de lancer des bus à 1 € dans son département en 2010. Histoire de continuer à proposer une offre même quand les lignes étaient peu fréquentées. Carole Delga a étendu cette idée à “d’autres offres”. Et pourquoi pas de TER gratuits ? Il y a une raison aussi financière : les 2,7 millions de billets vendus chaque année, même à 1 €, ce n’est pas négligeable sur les 9,1 M€ par an que coûte cette politique de TER à 1 €. Et puis la gratuité des transports en commun, comme à Montpellier, est une vision arrivée plus tard.

Isabelle Houvenaghel, présidente de section ; Valérie Renet, présidente ; Fabrice Ribet, magistrat et Sébastien Clos, vérificateur de la CRC Occitanie. Ph DR.

Présidente de la CRC (Chambre régionale des comptes) d’Occitanie, Valérie Renet, contextualise :On s’est intéressés aux objectifs de la région Occitanie à commencer par l’attractivité – atteindre 100 000 voyageurs en 2032 (80 000 à ce jour), son coût le report modal et son impact sur l’environnement. Ce rapport flash réalisé en quatre mois n’est pas une évaluation de la politique de mobilité de la Région Occitanie. On s’y est intéressés par ce que cette offre tarifaire est un marqueur fort de la politique régionale.” Et puis la région Occitanie milite pour une mesure qualifiée de “service public”.

Le TER moins utilisé qu’ailleurs mais mieux rempli

Sur l’attractivité, il faut appréhender le contexte :on constate, certes, une augmentation de 68 % de la fréquentation globale du réseau entre 2019 et 2024, plaçant la région en tête des progressions nationales, mais “le train est moins utilisé qu’ailleurs en Occitanie”, souligne Valérie Renet. C’est structurel, culturel, sociologique même : la voiture domine toujours. Si on regarde le ratio voyageur-kilomètre par habitant, il est de 248 et c’est l’avant dernier des 13 régions de France. En revanche, le train, en Occitanie est bien rempli (39 % contre 32 % en moyenne en France). Mais il y en a moins, c’est peut-être pour cela qu’il est mieux rempli.”

TER 1€ Carte CRC Occitanie.

Présidente de section, Valérie Houvenaghel a précisé l’ampleur du succès : “On a enregistré 584 millions de kilomètres-voyageurs par habitant de plus depuis 2019 en Occitanie. Pour ramener ça à la part des billets à 1 €, on considère qu’un quart de cette augmentation est dû aux billets à 1 €. C’est déjà un succès à mettre à l’actif du dispositif.”

“+ 68 % de fréquentation ; deux offres qui y contribuent pour un quart de ce résultat : week-ends et les jeunes”

Sur la fréquentation, “on a constaté, poursuit la présidente de la CRC Occitanie, que le nombre de billets vendus a augmenté pour atteindre 2,7 millions en 2023. La moitié provient des dispositifs du trains à 1 € “jeunes” et week-ends. On constate une augmentation globale sur réseau Occitan : entre 2019 et 2024, cela représente + 68 % de fréquentation. Sur cette hausse, les deux offres du TER à 1 € y contribuent pour un quart. Sur l’offre week-ends, on constate + 47 % de voyages par rapport aux week-ends ordinaires rien que sur le premier semestre 2024. Il y a donc bien un effet de levier. En revanche, sur les lignes historiques, la fréquentation est faible et un taux d’occupation faible aussi, sauf sur la ligne Nîmes-Le Grau-du-Roi.” La région Occitanie obtient le “meilleur taux de remplissage” de ses trains.

“La qualité de service et l’amplitude de l’offre de trains priment sur le tarif”

Ph. CRC Occcitanie

Sur l’aspect du report modal, “nous constatons des effets limités de ces offres pour autant que l’on puisse en juger. Comme dans toutes les régions, il y a une absence de suivi statistique. C’est un constat d’ailleurs partagé par la Région Occitanie. Nous ne disposons que d’une enquête réalisée par la collectivité en 2022 selon laquelle il y aurait un report vers le train pour seulement 12 % des voyageurs”. Des voyageurs qui se sont laissés séduire par ces offres tarifaires. “Pourquoi si peu de report ? Selon des études générales, la qualité de service et l’amplitude de l’offre priment sur le tarif. Or, sur les deux indicateurs de la qualité de service, le taux de fiabilité (le train est-là ou pas ?) et le taux de ponctualité (à l’heure ou pas). La région Occitanie, là dessus, est avec 80 % à 85 % en dessous de la moyenne nationale.”

Environnement : “Une analyse comparative est à faire”

Sur l’aspect environnemental, “il est positif sur les billets contingentés et les “jeunes” puisque on a une hausse du taux d’occupation sans train supplémentaire. La seule chose que l’on questionne, c’est l’impact des lignes historiques. Sur les cinq existantes, trois ne sont pas électrifiées ; forcément, là, le niveau d’émission de CO2 est parallèle à celui de la voiture ou de l’autocar…” Quant aux trois lignes non électrifiées, l’impact sur l’environnement est “égal à celui de la voiture. On peut se poser la question. On n’a pas dit qu’on devait les fermer mais ces lignes cristallisent l’impact environnemental, de la qualité de service, de la vétusté des infrastructures et, surtout, du coût de l’investissement à venir. Il faudra que la Région fasse une analyse comparative entre les modes alternatifs pour pouvoir arbitrer”.

L’usager ne paie que 23,4 % du prix réel du billet

Ph. CRC Occcitanie

Quant au coût, “la région ne l’avait pas calculé. Elle s’était lancée dans des expérimentations et mis en place ces dispositifs sans rien calculer. Là aussi il faut replacer dans le contexte : le budget transport est le numéro 1 pour la région : 30 % d’un budget de 3,5 milliards d’euros. Dans le budget transport, le ferroviaire, c’est un quart du fonctionnement (466 M€) et un tiers de l’investissement. Le schéma est identique dans toutes les régions. Le montant alloué par la région a été multiplié par deux entre 2018 et 2023. Hausse de l’investissement, augmentation de l’offre et du surcoût énergétique. A savoir : l’usager ne paie jamais la totalité du coût du service”. 

“Un choix politique”

“La part des recettes commerciales amenée par les usagers en Occitanie sur ces billets-là s’élève à 23,4 % ; c’est moins que dans d’autres régions et que la moyenne nationale (32,8 %). Le reste est financé par les contribuables. C’est dû justement aux choix tarifaires de la région. On a pu calculer que l’ensemble de ces offres de la Région Occitanie se montent au total à quelque 9,1 M€ par an. Carole Delga est d’accord avec ce chiffre. C’est environ 2 % du coût global de l’exploitation des trains régionaux et cela correspond 3,4 € par billet en 2023.

Quel bilan en tire finalement la chambre régionale des comptes de ce train à 1 € ? “Il est très positif pour la région. De notre côté, ce n’est pas une évaluation de politique publique. De plus, l’offre tarifaire n’est qu’un critère et pas le plus important pour l’attractivité du train. C’est un choix politique. Cela a un effet sur la fréquentation et cela a un coût.

Olivier SCHLAMA

(1) La tarification à 1 €, qualifiée de tarification plate  car indépendante de la distance parcourue, a été mise en place en 2011 et 2012 dans l’ancienne région
Languedoc-Roussillon, sur cinq lignes ferroviaires :
– Nîmes / Le Grau du Roi (juillet 2011)
– Perpignan / Villefranche Vernet-les-Bains (décembre 2011)
– Carcassonne / Quillan (mars 2012)
– Marvejols / La Bastide (juin 2012)
– Béziers / Roqueredonde (décembre 2012), puis prolongée jusqu’ à
Saint-Chély-d’Apcher en 2018.
Ces cinq lignes font partie des lignes de desserte fines du territoire du réseau ferré
régional et national (LDFT). Tous les passagers de l’ensemble des trains TER4 circulant sur ces 5 lignes bénéficient, sans conditions, de cette offre. Cette tarification a été reconduite dans la première convention ferroviaire portant sur le périmètre de l’Occitanie (2018-2022) puis dans la deuxième actuellement en vigueur (2023-2032). A l’exception de l’ajout du tronçon entre Ceilhes et Saint-Chély-d’Apcher, qui comprend une partie dans le département de l’Aveyron, aucune ligne n’est située dans l’ancienne région Midi-Pyrénées.

Béziers-Clermont : “Un potentiel de développement limité”

Quant au cas particulier de ligne qui passe par Millau, Béziers-Clermont-Ferrand, qui était auparavant une ligne nationale qui reliait Béziers à Paris, avant d’être raccourcie et de devenir régionale. “Elle a fait l’objet de gros travaux de rénovation parce qu’elle comporte de très nombreux ouvrages d’art, d’ouvrages d’infrastructures et le plus récent de ces interventions date de 2024 sur le tronçon Saint-Chély-d’Apcher-Neussagues où la région a investi plus de 40 M€ pour assurer une liaison complète sur sa totalité de ce tronçon à raison de un aller-retour par jour. Pas plus. Aujourd’hui, sur cette ligne particulière, malgré ces investissements très massifs de la région (c’est même plus de 60 M€ depuis 2018), SNCF Réseau qui gère l’infrastructure évalue à 375 M€ le montant des investissement à réaliser d’ici 2027 pour poursuivre l’exploitation de cette ligne qui reste donc en suspend. La 2e chose, cette ligne affiche le taux de remplissage le plus faible : 10 – 12 % en moyenne et, enfin, son potentiel de développement reste limité. Le Céréma affirme suite à une étude qu’elle a faite en 2024 que sur cette ligne de l’Aubrac qui a comme particularité de longer l’A 75 qui est entré dans les moeurs. Si bien qu’il considère que le potentiel est très limité. “

Les offres à 1 € d’autres régions

Au niveau national, toutes les régions proposent divers produits d’appel pour attirer les voyageurs. Cependant, seules la région Occitanie et la région des Hauts-de-France offrent des tarifs pérennes à 1 €. Les Hauts-de-France proposent cette offre aux enfants de 4 à 12 ans toute l’année et pour un nombre limité de billets (250 000) en période estivale. Certaines régions proposent ponctuellement des billets à 1 € pour des événements culturels. Outre les billets à 1 €, toutes les régions, y compris l’Occitanie avec ses billets AvantagiO’Futé,

O.SC.

👉 La réponse de Carole Delga ICI

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