On dit souvent de lui qu’il est “le Roi des fromages”, une appellation qui lui fut accordée par L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert ! Côté prestige, difficile de faire mieux. Et le Roquefort a d’ailleurs eu droit à un colloque au Palais Bourbon, le 20 mars dernier. Mais côté ventes, l’érosion enregistrée est de 1% par an (9% entre 2021 et 2023). Comme l’a souligné le député de l’Aveyron Jean-François Rousset : “Certains produits dépassent leur simple recette : ils incarnent des paysages, des traditions, et des savoir-faire que nous avons la responsabilité de préserver et de soutenir.”
Depuis près de mille ans (l’an 1070 précisément), des générations d’hommes et de femmes – bergers, laitiers, fromagers, cabanières – ont façonné le caractère du Roquefort. Ils ont transmis une expertise et une passion qui permettent aujourd’hui à ce fromage de rayonner, apportant une expérience gustative unique aux quatre coins du globe. En 2025, cette tradition se fête haut et fort !
Un territoire bien défini et des brebis Lacaune

Cela a bien été le cas les 7 et 8 juin derniers pour la troisième édition de “Roquefort en Fête” à Roquefort-sur-Soulzon au pied du Combalou (*), en Aveyron, dans les caves où tout a commencé. “Ventilées par les fissures naturelles (ou fleurines) formées après l’effondrement de la montagne du Combalou il y a un million d’années, les caves de Roquefort abritent des milliers de fromages. D’abord fabriqués en laiterie, ils sont ensuite affinés dans ces grottes naturelles pendant au minimum deux semaines, sous l’œil bienveillant et protecteur des maîtres affineurs. Aménagées par des Compagnons, les caves ne recèlent aucune technologie industrielle” explique le site officiel du Tourisme en Aveyron.
Le territoire de ce fringant centenaire ? Le “rayon de Roquefort’ est centré en Aveyron et déborde à la marge en Lozère, Gard, Hérault, Aude et Tarn.“La voie lactée du Roquefort s’étend de la steppe du Larzac aux prairies du Ségala, du rebord de la Margeride aux bois de la Montagne noire, des landes du Causse Comtal aux collines lie-de-vin du Rougier, des franges cévenoles aux marges de l’Albigeois. Une myriade d’étoiles du berger y scintillent. C’est l’aire traditionnelle de collecte du lait de brebis pour la fabrication du fromage…” précise la Confédération Générale des Producteurs de Lait de brebis et des Industriels de Roquefort.
Le penicillium roqueforti fait de la résistance
Il reste sept producteurs de Roquefort, répondant à l’un des cahier des charges les plus exigeants de tous les (si nombreux) fromages français. Et l’AOP assure l’activité de 3000 éleveurs de brebis, et de 2000 personnes employées auprès de ces sept fabricants. Sabs oublier, bien sur la brebis Lacaune, nourrie à l’herbe, au fourrage et aux céréales provenant à 80% de la ferme. Avec un pâturage obligatoire en période de disponibilité d’herbe. Le roquefort ne recourt qu’au lait cru et c’est dans les caves qu’un champignon microscopique, le penicillium roqueforti va donner cette “moisissure verte” qui fait le goût inimitable du Roquefort.

Aujourd’hui cependant, les nouvelles habitudes alimentaires semblent s’accomoder moins facilement du caractère bien trempé du fromage aveyronnais. Les ventes chutent (16 200 tonnes vendues en 2019, 14 400 tonnes en 2024) et comme le souligne Laurent Bromberger dans Paris -Bistro, “le formatage des jeunes palais par le sucre omniprésent dans la plupart des produits agroalimentaires ne favorise pas non plus l’approche même si, au fil des décennies, les roqueforts se sont faits plus doux.”
Et le poids de l’industrie agro-alimentaire pèse aussi de plus en plus sur ce fromage emblématique qui, à la fin du siècle dernier, était brandi comme le symbole de la gastronomie face à l’invasion de la malbouffe. Allez, une bonne tartine et c’est reparti pour cent ans de plus !
Philippe MOURET
(*) Selon la légende, un jeune pâtre, pour suivre une belle bergère, aurait oublié du pain et du fromage de brebis dans une des nombreuses grottes du Combalou. Revenant quelques temps plus tard en ce lieu, il les découvrit couverts de moisissure. Affamé, il goûta le fromage et s’en régala. Le Roquefort était né !
Un été de fromages :
Cet été vaut bien un fromage (2) : L’IGP Tomme des Pyrénées, dans la foulée d’un traileur
Cet été vaut bien un fromage (1) : Le Pélardon, dans les pas d’une éleveuse cévenole