Ariège : À L’Hospitalet, on requinque femmes isolées et village tout entier

Un village et des partenaires mobilisés. Photos : DR.

La Maison des Cimes, à L’Hospitalet-près-l’Andorre, est à la fois une structure d’accueil temporaire pour les femmes seules, en difficulté, avec enfants, et de lutte contre la désertification avec un espace social et des ateliers ouverts aux habitants du village. L’expérience, unique en France, commence mi-janvier.

La maison des cimes c’est une maison pour tous. Une innovation sociale pour aller plus haut : l’idée vient des deux institutrices d’un village au nom… hospitalier prédestiné : l’Hospitalet-près-l’Andorre. En Ariège. A deux pas de l’Andorre. A 1 450 mètres d’altitude. Qui a longtemps vécu du passage vers l’Espagne. Et qui subit de plein fouet la désertification. Le maire qui a porté ce projet dit : “Ici il y a une tradition de fraternité et d’entraide que l’on partage”, certes, avec d’autres villages de montagne où le climat est rude et l’entraide encapsulée dans l’ADN montagnard. Mais ici dans cette terre d’accueil il y a un supplément d’âme.

Ce n’est pas un hasard si cette Maison y voit le jour après huit ans de combat,y compris auprès d’Emmanuel Macron que Arnaud Diaz a pu rencontrer. “C’est un village de passage mais aussi une terre d’accueil où l’on a l’habitude d’accueillir : mes grands-parents, par exemple, étaient des réfugiés espagnols…” Comme on le faisait jadis dans ce village “de fonctionnaires” dont beaucoup sont partis, cette Maison des Cimes, inaugurée le 12 décembre dernier, ambitionne de donner “un nouvel élan” à ces mères et leurs enfants.

L’expérience doit durer trois ans et pourquoi pas essaimer un peu partout en France

C’est un territoire qu’une poignée d’acteurs ont rendu résilient qui, de deux difficultés – la désertification rurale et les mères en difficulté – veut faire émerger une force. L’Europe, la Région, le conseil départemental de l’Ariège, la CAF, la communauté de communes, le village, etc : tous ceux qui pouvaient être mobilisés ont bien voulu se laisser entrainer dans l’aventure. Ils y ont ensemble investi 650 000 euros. Et accepté d’en financer le fonctionnement, 150 000 euros par an. L’expérimentation doit durer trois ans. Tous espèrent qu’elle sera pérennisée et qu’elle ira même au-delà : que d’autres Maisons des Cimes essaimeront un eu partout en France. Le président Macron n’en a-t-il pas fait, en plein coeur du mouvement des Gilets jaunes, une priorité, en avril dernier, d’aider ces femmes seules dont 30 % à 40 % subissent le non versement de leurs pensions alimentaires ?

Ils ont mis huit ans pour bâtir un projet unique en France et y associer un maximum de partenaires”

Gaëtan Cognard, directeur France Horizon en Occitanie

Directeur de France Horizon en Occitanie (1), qui gère cette structure unique en France, Gaëtan Cognard, évoque la naissance du projet et ses missions à 360 degrés : “Les deux institutrices du village à L’Hospitalet et Merens, prodiguent une très bonne qualité d’enseignement. C’est aussi comme cela, avec ce savoir-faire, qu’elles ont identifié des besoins, notamment auprès de familles monoparentales qui, comme tout le monde le sait, cumulent les difficultés et sont de plus en plus pauvres Parallèlement, l’école perd aussi des enfants. Avec le maire, tous trois ont phosphoré pour répondre à ces deux problématiques. Ils ont mis huit ans pour bâtir un projet unique en France et y associer un maximum de partenaires.” Unique car il sera aussi ouvert aux les habitants du village qui pourront, au même titre que les résidents, y partager des services, des ateliers, etc.

Ouverte vers l’extérieur, l’école y jouera un rôle non négligeable autour de l’aide aux devoirs. En complément des actions du réseau d’écoute d’appui aux parents, un contrat local d’accompagnement à la scolarité sera mis en place dès janvier : une aide méthodologique aux devoirs et des activités permettant le mieux être des enfants scolarisés. Il y aura aussi des actions collectives de type ateliers d’accompagnement à l’usage du numérique ou encore l’organisation de sorties parents-enfants, etc. Comme aussi un  minibus qui servira autant aux résident de la Maison des Cimes qu’aux habitants du village qui voudraient se rendre entre autres au marché d’Ax-les-Thermes.

Ce sont des femmes qui ont pu avoir un “accident” de vie, une rupture difficile, une perte d’emploi (…) d’être orientées vers les bonnes personnes à Pôle emploi ou à d’autres organismes. De structurer un projet professionnel”

Arnaud Diaz, le maire.

Dotée de six appartements, cette Maison des Cimes va accueillir d’ici quinze jours ses premiers résidants qui n’auront qu’en petite partie du loyer à payer : seulement 70 euros à 80 euros par mois. Durant un an ou deux ans. Au maximum, elle accueillera six mamans célibataires et neuf enfants. C’est sa première vocation. “Ce ne sont pas des femmes battues. Ou alors c’est qu’elles ont “réglé” ce problème mais qu’elles ont besoin d’un répit parce qu’elles en subissent les conséquences, notamment psychologiques. Ce sont des femmes qui ont pu avoir un “accident” de vie, une rupture difficile, une perte d’emploi, sortie d’une addiction, par exemple, et elles ont besoin de se reconstruire. De refaire leur CV ; d’être orientées vers les bonnes personnes à Pôle emploi ou à d’autres organismes. De structurer un projet professionnel”, explique le maire, Arnaud Diaz.

Un lieu “gagnant-gagnant”

“Il s’agit de proposer aux résidants un lieu d’accueil sécurisant où elles pourront faire une pause dans leur parcours et trouver un soutien à leur parentalité, avec une aide apportée à la gestion de leur budget, l’intendance, les dossiers administratifs, la planification des rendez-vous, la recherche d’activités ou de formations adaptées…” La Maison des Cimes se veut être un lieu pour se recomposer, se reconstruire et se ré-autonomiser. “On peut aussi à l’avenir y imaginer des permanences. D’orthophoniste, par exemple. C’est un lieu “gagnant-gagnant”, prophétise le maire, par ailleurs président de l’association Que la montagne est rebelle.

Un espace social de la CAF où tout le monde aura accès

L’accompagnement des résidentes sera réalisé à la fois selon une approche individuelle et collective et axé sur la recomposition de soi, leur permettant ainsi de s’inscrire dans un parcours d’insertion. Le travail saisonnier représente une dynamique temporaire idéale pour travailler l’autonomisation de ces personnes par l’emploi. La saison hivernale, de novembre à avril, sur les sites d’Ax-les-Thermes, Ascou/Bonascres et Beille, offre des emplois en restauration ou à l’accueil des touristes. Ce n’est pas tout.

Service au public

“C’est un lieu qui, notamment avec son espace commun au rez-de-chaussée, va aussi créer du lien social avec les habitants : car il s’y trouve, par exemple, un espace social de la CAF où tout le monde aura accès”, reprend Gaëtan Cognard. Il pourra s’y tenir des ateliers sur la parentalité, par exemple. C’est un service au public.” Les promoteurs de cette Maison des Cimes fourmillent d’idées. “Nous avons deux personnes qui vont y travailler. Un travailleur social et une coordinatrice, Joséphine, pourra monter des projets annexes en lien avec les élus. Souvent, l’État lance un appel à projets avec un cahier des charges. Eh bien, Joséphine pourra le mener à bien pour obtenir par exemple des financements européens.” Au quotidien, dans cette Maison des Cimes au coeur de l’Hospitalet, Joséphine servira de référente pour les résidantes donc mais aussi pour les habitants d’un village qui s’y prête bien. L’inclusion à tous les étages !

Olivier SCHLAMA

  • (1) France Horizon est une association nationale d’un millier de salariés qui gère des établissements de soins, des centres d’hébergement, un Cada, à Foix, etc.
  • (2) Le taux des femmes vivant seules avec leurs enfants sous le seuil de pauvreté s’élevait à 32 % entre 2010 et 2015, en Ariège. Dans le dernier plan départemental d’actions pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD), trois leviers ont été identifiés : faciliter l’accès au logement autonome des personnes, créer des modes d’habitat adaptés aux publics et, encourager les résidences sociales pour une population accumulant des difficultés économiques, sociales et psychologiques.

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