Alain Luneau : “Je me représente en 2026 pour poursuivre la transformation de Font-Romeu”

Alain Luneau, maire de Font-Romeu (P.-O.). Ph Olivier SCHLAMA

Élu en 2020, Alain Luneau est le maire de la commune – et ancien directeur de la station – emblématique des Pyrénées, Font-Romeu. A 74 ans, il explique rempiler pour continuer le projet Coeur de ville avec une piétonnisation du centre-ville, un espace aqua-ludique… Une montée en gamme inédite.

Avec cette neige relativement abondante cette saison, vous êtes un maire heureux ?

S’il suffisait d’avoir de la neige pour être heureux, oui, mais bon (sourire)… Oui, il y a de la neige. Mais, même avec des chutes de neige minimes, le domaine skiable, alimenté par beaucoup de canons à neige, a fonctionné de manière merveilleuse toute la saison.

Justement, le bilan de la station cette saison est-il bon ?

Pour l’exploitant, Altiservice, c’est une année record. Les chiffres ne sont pas définitifs, la saison n’étant pas totalement terminée, mais le chiffre d’affaires est en hausse de + 10 % à + 15 %. Jusque-là la meilleure année, c’était 15 M€ en 2023. Là, ce sera autour de 17 M€.

Est-ce dû principalement à de bonnes chutes de neige ?

Font-Romeu. Ph. Olivier SCHLAMA

Oui, mais pas seulement. C’est dû à un service de communication puissant et performant ; c’est dû aussi au fait qu’un domaine skiable bien léché, bien préparé pour la clientèle, ça se sait : on fréquente Font-Romeu parce que les pistes sont parfaitement entretenues. Parce qu’il y a un programme d’investissement conséquent dans l’ancienne délégation de service public : 32 M€ injectés. Et avec la nouvelle DSP, qui a maintenant bientôt trois ans, ce sont 30 M€ à nouveau dont près des deux-tiers ont été injectés. Il reste un télésiège à faire et quelques bricoles. La grosse télécabine qui part de Font-Romeu a redonné de l’appétence pour notre domaine skiable.

Avec tout l’optimisme que vous déployez et vos projets, est-ce à dire que vous vous représentez en 2026 ?

Alain Luneau, maire de Font-Romeu (P.-O.). Ph Olivier SCHLAMA

Oui. Absolument. J’ai envie, pas de terminer parce que ce n’est jamais terminé, mais de continuer ce que j’ai commencé avec toute mon équipe. Avec des réserves : il faut constituer une équipe de 19 membres. J’ai un an pour préparer. Aujourd’hui, je ne sais pas qui repartira ou pas : on est encore un peu loin de l’échéance et j’ai des gens de mon entourage qui, du fait de l’âge, du fait qu’ils se sentent  peut-être un peu usés, se posent des questions.

J’ai envie de transformer l’essai”

J’ai moi la volonté de dire aujourd’hui que je vais repartir et reformer une équipe pour poursuivre la transformation du village-station. Je dédie tout mon temps à Font-Romeu. Ma vie personnelle – qui est bonne – est entre parenthèses ; j’ai une bonne retraite ; j’ai une maison qui va bien ; mon épouse est en bonne santé ; ma voiture roule bien ; je n’ai pas d’intérêt personnel à défendre. Mon intérêt est essentiellement sur Font-Romeu, Odeillo et Via. Et j’ai envie de transformer l’essai.

Le travail que vous avez réalisé, est-il à la hauteur de vos espérances ? Qu’avez-vous réalisé de plus saillant ?

Nous avons constitué un budget remarquable avec des capacités de désendettement jamais connues. Prenons l’exemple du dernier budget communal : nous avions presque 14 M€ pour le fonctionnement et 8,5 M€ pour le investissement. A la fin de l’année 2024, nous avions réalisé 85 % de ce budget investissement. Comparez avec d’autres collectivités, vous verrez que c’est un bon résultat.

On a remis en ordre le fonctionnement financier de la commune ; les services techniques ont été rééquipés comme il le faut d’engins ; on remet vraiment en état des choses qui, pour certaines, n’avaient pas bougé depuis 15 ans ou 20 ans. Les équipes travaillent bien ; on a mis en place des astreintes de week-end pour les déneigements efficaces. Il me semble que dans la ville, j’en suis certain en fait, le travail de nos équipes est reconnu et admis. Et habituellement pour que ce soit admis dans la population, il faut en faire beaucoup. Je suis satisfait du travail réalisé.

Notre projet ne doit pas s’inscrire que pour Font-Romeu mais dans une même boucle géographique complémentaire”

Votre second mandat sera-t-il axé sur un nouveau projet ?

Alain Luneau, maire de Font-Romeu (P.-O.). Ph Olivier SCHLAMA

C’est déjà notre projet actuel ! Le premier pas de notre projet Coeur de ville a commencé avec la construction de la télécabine qui vient d’être mise en service en plein coeur de la commune. Le reste va suivre avec un hôtel de grande catégorie ; une résidence hôtelière ; un office du tourisme et une salle multi-activités dignes de ce nom ; et aussi assez vite un complexe de bien-être aquatique avec quelques lignes d’eau pour nager mais surtout des spas immenses pour du bien-être. Cela manque.

Il y a déjà deux piscines au complexe de préparation olympique sur les hauteurs et on peut imaginer un jour d’y accéder davantage qu’actuellement. Ce sont des équipements en ville ; on peut négocier, voire payer, pour que l’on puisse y avoir davantage accès. Ça existe déjà : le dimanche, c’est possible. Mais ce n’est pas suffisant. On va essayer d’accroitre le partenariat avec le Creps. Que les gens puissent nager, c’est bien, mais il faut comprendre que notre projet ne doit pas s’inscrire que pour Font-Romeu mais dans une même boucle géographique complémentaire : il existe dans la station voisine des Angles un complexe aqualudique ; à Fonprédrouse aussi ; il y a la piscine de Err ou encore les bains de Llo ou les bains de Dorres. Il y a une volonté.

Quand on arrive à Font-Romeu, on est précipités dans la grande descente qui traverse la commune. Va-t-on vers une piétonnisation ? Où  va-t-on se garer ?

Pas à l’entrée. On n’a pas de parking à l’entrée et on n’a plus le droit d’artificialiser les sols. Les sénateurs travaillent pour desserrer la contrainte mais ce que l’on artificialisait entre 2011 et 2021, on ne pourra pas faire plus de 50 % de cela entre 2021 et 2031 pour arriver à zéro en 2050.

Piétonniser la rue principale qui traverse la commune ce sera une bonne chose au moment des pics d’activité. Tous les gens qui empruntent la télécabine ou qui déambulent le soir sont obligés de tenir leurs gamins pour ne pas qu’ils se fassent couper en deux par les voitures ; et puis d’une manière générale, pour ne pas que les voitures n’arrivent pas jusqu’au télécabine ou ne montent pas trop au domaine skiable (c’est une file ininterrompue), la collectivité mobilise un système de ramassage plus performant que celui que nous avons lancé, le Skibus.

C’est-à-dire que nous n’aurons plus recours à des gros bus mais davantage à des petites navettes qui iront irriguer les “radicelles” de la ville, de manière à ce que les gens ne perdent pas de temps pour être ramassés ; que ce système soit plus agile. Le but est d’éviter que trop de voitures ne montent au domaine skiable. C’est de la pollution. Dans les stations, la plus grosse pollution, ce sont les transports.

Il y aura aussi la construction de parkings souterrains.

En plein hiver, il passe quelque 6 000 voitures par jour et entre 200 et 300 poids lourds et bus…”

Piétonniser 24 heures sur 24 heures…? Quel sera le plan de circulation ?

Font-Romeu : le rush permanent… Ici, pour rejoindre les “oeufs” en fin de journée. Photos : Olivier SCHLAMA

Il y aura des déviations. Pour ceux qui ne font que passer (comme les cars scolaires), dès le premier carrefour au droit de l’hôtel l’Ermitage, on va créer un rond-point et ils passeront par la caserne des pompiers, en contournant le centre-ville par la gauche. Il va y avoir des travaux pour corriger un peu la pente. Ceux qui viennent en ville, un peu plus loin, au niveau de l’ex-Régina, ils tourneront là aussi à gauche, en évitant le coeur de ville, et en rejoignant la route d’Egat. Cette voie qui traverse le centre-ville est une voie départementale : nous échangeons actuellement avec les services du département des P.-O.

Et cet axe, on pourra le rouvrir à la circulation à certains moments de la journée si on le veut. En période creuse, on peut même rétablir la circulation. En plein hiver, il y passe quelque 6 000 voitures par jour et entre 200 et 300 poids lourds et bus. Pour des gens qui viennent en vacances, être cantonnés sur des trottoirs plus ou moins encombrés en évitant de se faire accrochés par des voitures et respirer du gazole, c’est quand même un mieux.

Il y aura des travaux de manière quasiment concomitante avec la création des ronds-points.

D’autres équipements sont-ils prévus ?

Il y a un programme d’investissements proposé par le concessionnaire du domaine skiable, Altiservice, avec l’accord de Bolquères et Font-Romeu dans lequel il y a une luge “quatre saisons” qui sera opérationnelle dès l’été prochain. Elle sera à Pyrénées 2000. À gauche de la piste la Gentiane de Pyrénées 2000, va se faire cette luge qui déambulera dans la forêt. C’est un beau projet.

On ne parle plus de télésiège commun réunissant les Angles et Font-Romeu…

Ce n’est pas dans l’air du temps. C’est mon regret. Parce que l’avenir du ski doit être un avenir commun maintenant puisque l’on nous prévoir un temps maudit sur la neige…

Combien d’argent aura été investi au total sur Font-Romeu ?

Pour le projet Coeur de ville, c’est de l’ordre de 6 M€ à 7 M€ ; nous allons aussi vendre des terrains communaux pour certains investissements ; la commune ne paiera pas tout cela.

Que va devenir l’ex-Régina fermé depuis des années ?

Font-Romeu, ph. Olivier SCHLAMA

Ce bâtiment est dans son “jus”, si je puis dire… Il est fermé et inexploitable. On ne peut pas le rouvrir. La commune en est propriétaire. L’endroit où il est placé nous gène dans nos projets. Nous sommes en discussion pour voir ce que l’on peut en faire. Nous sommes là dans le périmètre de plusieurs sites classés (le Grand Hôtel, le Calvaire, la porte de l’église d’Odeillo) qui rayonnent sur 500 mètres. L’ex-Régina plaît à plein de gens, moi le premier, mais qu’est-ce qu’on en fait ? On va devoir passer au pied de ce bâtiment pour faire des parkings souterrains dans notre projet Coeur de ville mais comment allons-nous soutenir ce bâtiment ?

Devenir conseiller départemental, cela vous dirait ?

(Rires). Non, non. Le conseiller départemental qui nous représente, Michel Garcia fait bien son travail. J’aurais 75 ans à la fin de mon premier mandat. Il n’y aucune raison de briguer cette élection. Je n’avais d’ailleurs pas d’avenir politique avant ce mandat de maire.

Pensez-vous que vos prédécesseurs ont perdu du temps dans l’évolution de Font-Romeu ?

Peut-être mais je ne regarde pas derrière. Ils ont sans doute fait ce qu’ils ont pu. Si, à un moment un projet ne s’est pas fait, c’est que peut-être qu’il n’était pas mûr. Et qu’ils mûrissent maintenant…

Votre personnalité, façon arbitre, plaît aux Romeufontains apparemment…

C’est l’un des rôles du maire d’effectuer des arbitrages tout le temps. Presque tous les jours, vous êtes obligé de le faire. On vient beaucoup nous proposer et on arbitre avec de la cohérence dans la progression. Se souvenir de ce que l’on a fait ou pas.

Propos recueillis par Olivier SCHLAMA 

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