A 69 : Coup de théâtre, le tribunal de Toulouse donnerait raison aux opposants ce lundi !

A69 Castres, Viaduc Agoût, juin 2024. Ph. Atosca.

Selon nos informations, le rapporteur public du tribunal administratif de Toulouse proposerait l’annulation de l’autorisation pour des raisons environnementales. Même si tel était le cas, un appel reste possible. Mais, suspensive, la décision stopperait les travaux !

Le tribunal autorisera-t-il ou non ce long ruban de bitume à se dérouler ? C’est clair comme de l’eau de roche pour le directeur général d’Atosca, la société d’autoroute censée relier, malgré toutes les oppositions, dans un an, Castres (Tarn) à Verfeil (Haute-Garonne). Martial Gerlinger ne semblait pas perturbé, ce mercredi matin, sur le recours au fond en justice prévu ce lundi 25 novembre.

“Pour tous ces référés, la justice n’a pas émis de doutes sérieux. Et cet argumentaire utilisé dans ces référés a été à peu près repris contre l’autorisation…”

“Je ne suis ni inquiet ni pas inquiet, a-t-il répondu lors d’un point presse. On attend la décision du juge. Ce que je peux dire c’est que nous avons eu toute une série de référés-suspension en vue de stopper le chantier. Et que pour tous ces référés, la justice n’a pas émis de doutes sérieux. Et cet argumentaire utilisé dans ces référés a été à peu près repris contre l’autorisation et ce, dans trois recours sur le fond qui arrivent ce lundi au tribunal…” Accessoirement, sur la question des tarifs, le DG d’Atosca a complété : “Je n’ai pas été contacté à ce stade sur une discussion à ce sujet. Même si je m’étais signalé disponible.”

La démonstration de la raison soi-disant impérative “n’a pas convaincu le rapporteur public”

Martial Gerlinger a insisté sur “la mise en oeuvre de mesures environnementales” fortes avec des dizaines d’ouvrages destinés à la (petite) faune et sur l’emploi (un millier de personnes à l’oeuvre sur le chantier). Or, selon nos informations, le rapporteur public du tribunal administratif de Toulouse aurait prôné – on le saura publiquement ce lundi – l’annulation du projet ! Via l’annulation des deux autorisations environnementales de l’A 69 et l’A 680.

Il se serait basé sur, explique un proche du dossier, le “défaut de raison impérative d’intérêt public majeur ; c’est une notion rattachée à la dérogation sur les espaces protégés. Et c’est qui touche vraiment à l’opportunité du projet. Et dans la mesure où l’on a des espèces protégées et des habitats d’espèces protégées tout le long du tracé et le fait de considérer que la dérogation est illégale pour défaut de raison impérative, cela fait “tomber” toute décision environnementale.

Quand on obtient ce genre de dérogation, il faut en démontrer la raison impérative, qui va “au-delà de la notion d’utilité publique d’un projet. Il faut donc une raison impérative dès lors que l’on touche à des espèces protégées.” La démonstration de la raison soi-disant impérative “n’a pas convaincu le rapporteur public”. alors, certes, les référés ont été auparavant évincés mais une ordonnance de référé n’a pas l’autorité de la chose jugée. Si lundi, le juge du tribunal administratif suit le rapporteur public, l’autorisation sera annulée et comme la décision est suspensive – même frappée d’appel -, les travaux seront stoppés !

Pas de moratoire comme le demandait LFI

Ce ruban de bitume est plus que jamais d’actualité, y compris au parlement. La “cartouche” parlementaire semble avoir fait flop contre cette autoroute. En tout cas l’action de Anne Stambach-Terrenoir. Dans le cadre de la niche parlementaire de son parti, la députée LFI de Haute-Garonne entretenait un espoir de blocage de l’A 69 à travers la proposition de loi en vue d’un moratoire de dix ans sur les projets autoroutiers et les deux fois deux voies. Ce ne sera pas a priori nécessaire.

Cette proposition qui passait ce jour en commission du Développement durable et de l’Aménagement du territoire, à l’Assemblée nationale est passée à la trappe : “(…) La macronie et l’extrême droite suppriment main dans la main, s’insurge-t-elle sur X, la PPL visant à instaurer un moratoire sur les projets routiers et autoroutiers destructeurs et d’un autre temps ! Ils plongent la France dans un chaos environnemental et économique.”

L’autoroute A 69 pour fin 2025 ?

Enfin, à propos du tracé de l’A 69, Martial Gerlinger a précisé : “Il n’y aura pas de barrières de péages traditionnelles mais il y aura quatre portiques pour quatre sections payantes.” Atosca maintient sa date d’ouverture “fin 2025” de cette autoroute de 53 km entre Castres et Verfeuil. “L’année 2025 sera l’année de la préparation des flux libres, système nouveau en Occitanie ; il y aura la discussion sur les tarifs et continuera à s’inscrire pour tous les travaux connexes de l’autoroute.”

Enfin, il y a Jean Tarlier. Député du Tarn, favorable à l’ouverture de l’A 69, il présidait jusqu’à la dissolution brutale de l’Assemblée nationale la commission d’enquête parlementaire sur le montage juridique et financier de cette autoroute, réclamée par les écolos en espérant que ce projet serait tué dans l’oeuf. Déclaré d’utilité publique en 2018 et classé priorité nationale, le chantier de l’A 69 va-t-il devenir un nouveau Sivens ? Le tracé a été le théâtre d’affrontements violents. Malgré les retards, les travaux ont commencé et se poursuivent, le Conseil d’État ayant refusé, en juillet, d’ordonner leur suspension… dans l’attente d’un jugement au fond, lundi : le tribunal administratif de Toulouse risque de donner raison aux opposants.

Olivier SCHLAMA

Ce que révèleraient les 80 témoignages de la commission d’enquête avortée

Dans un article daté de ce mercredi 20 novembre, Le Point dévoile que bien que les travaux de la commission aient été interrompus, suite à la dissolution, plus de 80 personnes ont été auditionnées – et la lecture de leurs témoignages est éclairante. “(…) Selon Mediapart, l’État avait signé une concession de cinquante-cinq ans particulièrement avantageuse pour le concessionnaire, qui incluait des aides publiques juteuses accordées de manière opaque. Des mois plus tard pourtant, la lecture des témoignages apportés aux députés par l’ensemble des acteurs établit l’inverse. Sur le montant des aides, d’abord : la subvention publique a été divisée par dix entre les premières estimations et le contrat final, passant d’une estimation de “plus de 200 millions d’euros” en 2018 à… 23 M€ dans le contrat de concession, expliquera Fabien Balderelli, sous-directeur des financements innovants au ministère de la Transition écologique.”

Plus incroyable encore : “Le contrat désavantagerait plutôt le concessionnaire, le représentant de l’État soulignant une “asymétrie” du contrat de concession de l’A 69 “en sa défaveur”, les clauses de partage des fruits permettant de modérer ses gains en cas de succès de la concession, sans qu’aucun mécanisme ne per mette de réduire ses pertes dans le cas inverse. Une clause prévoit même l’interruption possible de la concession dès la vingt-septième année, si les recettes dépassent les prévisions.”