Transports : ZFE, dis-moi ton “Crit’Air” et je te dirai qui tu es

Photo d'illustration SENIVPETRO de Freepik

Ce n’était certes pas le moment d’en rajouter. Dans un été particulièrement chaud et pas seulement sous les parasols, rajouter une couche de mécontentement social risquait de faire exploser le thermomètre ! Au coeur du réchauffement (social et climatique) les ZFE-m, ces Zones à faible émission mobilité qui voient une France coupée en deux, avec un macaron pour bien différencier le bon grain (Crit’Air 1 et 2)  de l’ivraie environnementale (Crit’Air 3, 4 et 5)…

Lorsque la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a organisé du 17 avril au 14 mai 2023 une consultation -qui a recueilli un nombre record de 51 346 réponses- particuliers et entreprises, se montraient très largement opposés à la mise en place des ZFE, respectivement à 86% et 79%.

Consultation : https://www.vie-publique.fr/en-bref/289581-consultation-une-majorite-de-non-aux-zones-faibles-emissions-zfe

Toulouse et Montpellier “territoires de vigilance”

Finalement, un Comité ministériel pour le déploiement des zones à faible émission s’est réuni ce mois de juillet. A son issue, le ministre de la Transition écologique a précisé que seules cinq métropoles restent à ce jour concernées par le calendrier de durcissement des restrictions de circulation, contre onze initialement. Il s’agit de Lyon, Marseille, Paris, Rouen et Strasbourg.

Les six autres métropoles concernées, dont font partie Toulouse et Montpellier, deviennent quant à elles des “Territoires de vigilance” qui ne sont plus soumis à l’obligation de renforcer les restrictions actuellement en place…

L’annonce de ce ralentissement des contraintes a fait des heureux en Occitanie (comme partout en France). Notamment du côté du Medef de Haute-Garonne dont le président Pierre-Olivier Nau a exprimé sa “satisfaction.”

Souffle d’air pour les entreprises, surtout les artisans

Le Medef 31 “se réjouit particulièrement du report de l’interdiction des véhicules classés Crit’Air 3 à 2029. Cette décision, fruit d’une mobilisation tant nationale que locale, représente une victoire pour le syndicat patronal et les branches professionnelles qui auraient été fortement impactées par cette mesure…”

“L’interdiction des véhicules Crit’Air 3 aurait eu des conséquences considérables sur de nombreuses entreprises et branches professionnelles de la région toulousaine. Ces véhicules, souvent utilisés par les artisans, les commerçants et les PME, représentent un outil de travail essentiel pour ces acteurs économiques. Le report de l’interdiction à 2029 offre un délai supplémentaire permettant aux entreprises de s’adapter progressivement aux exigences environnementales, sans compromettre leur activité” souligne le syndicat patronal.

Jean-Luc Moudenc, co-auteur d’un rapport qui allie “transition écologique et justice sociale”

Par ailleurs, un rapport rédigé sous la coordination d’Anne-Marie Jean, vice-présidente de l’Eurométropole de Strasbourg, et de Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse et président de la métropole, a été remis à Christophe Béchu, minisre de la Transition écologique. Ce rapport est présenté comme “riche de 25 propositions pour allier transition écologique et justice sociale.”

Ce rapport, explique le maire Toulouse, n’entend “pas remettre en cause les ZFE-m, mais les rendre plus acceptables et supportables socialement, surtout à un moment où une grande partie de nos concitoyens est confrontée à des problèmes de pouvoir d’achat”.

Et de souligner que les conditions économiques actuelles “n’ont plus rien à voir avec celles de 2019”, époque à laquelle a été actée la création des premières ZFE-m, dans le cadre de la loi d’orientation des mobilités (LOM). “Notre obsession est d’aider nos concitoyens à être acteurs de la transition plutôt que de subir la contrainte“, assure Jean-Luc Moudenc (qui fait partie des élus ayant déjà mis en place des dérogations “petit roulur”).

Les principaux obstacles à la généralisation des ZFE-m

Ainsi, grâce à des élus de terrain, le gouvernement va peut-être mieux appréhender la question cruciale de la mobilité dans les régions. La consultation menée par le Sénat révélait en effet les “cinq principaux obstacles à la généralisation des ZFE-m” :

  • Le coût d’acquisition trop élevé des véhicules propres (pour 77% des particuliers et 58% des entreprises).
  • Une accessibilité insuffisante de la métropole depuis la périphérie périurbaine ou rurale (51% des particuliers).
  • Une généralisation trop rapide des restrictions de circulation (47% des particuliers et 36% des entreprises).
  • Le manque de clarté du système Crit’air (47% des particuliers et 29% des entreprise).
Voir le site officiel de la vignette Crit’Air : https://www.certificat-air.gouv.fr/
  • L’insuffisance des moyens de transport alternatifs au véhicule individuel (42% des particuliers).

Dans toutes les catégories socioprofessionnelles, le coût trop élevé des véhicules “propres” est le premier obstacle rencontré par les ZFE-m : 97% des particuliers possèdent un véhicule à moteur, et 83% d’entre eux n’envisage pas de le remplacer avec la mise en place des ZFE-m. En raison de la vignette Crit’air, 42% pourraient à terme se voir refuser l’accès au centre-ville.

86% des professionnels utilisent un véhicule diesel et 41% sont concernés par les restrictions de circulation dans certaines ZFE-m. Ils sont 70% à juger insuffisantes les aides à l’acquisition d’un véhicule propre. Se disant “fondamentalement engagé en faveur de la transition écologique”, le Medef de Haute-Garonne “reconnaît l’importance de réduire les émissions polluantes dans les zones urbaines, mais souligne également qu’il est “essentiel de prendre en compte les réalités économiques et les besoins des entreprises pour garantir une transition réussie et équilibrée.”

Parmi les mesures “raisonnables” de plus en plus évoquées après le coup de chaud provoqué par l’instauration peu réfléchie des ZFE, figure notamment la proposition du sénateur Philippe Tabarot (LR, Alpes-Maritimes) de “ne pas pénaliser les véhicules bien entretenus et conformes aux normes d’émissions.” Autant de réflexions qu’il aurait sans doute été judicieux d’étudier avant d’instaurer d’autorité ces zones de la discorde…

Philippe MOURET

La Fabrique des Mobilités propose son “Livre blanc pour des ZFE-m saines et justes” : à découvrir en ligne : https://wiki.lafabriquedesmobilites.fr/wiki/Pour_des_ZFE-m_saines_et_justes_-_Anticiper_la_transition_des_mobilit%C3%A9s

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