Transport maritime : Eol’Lien réinvente le cabotage responsable

Frédéric Dijol aimerait acheter cette goélette qui servait à des sorties de plongées pour livrer des produits entre les Baléares, Barcelone et Sète. Photo : DR.

Un Montbazinois de 37 ans projette d’affréter une goélette pour transporter d’ici fin 2021 des produits entre les Baléares, Barcelone et Sète et les livrer près des ports… Il participe à l’appel à projets lancé par la région Occitanie dans le cadre de ses budgets participatifs.

Travaillant actuellement dans l’immobilier et appelé à se déplacer, Frédéric Dijol, 37 ans, a eu le déclic en empruntant régulièrement l’autoroute A 9, percluse de trafic et parcourue de semi-remorques polluants remontant d’Espagne ou s’engouffrant vers la péninsule ibérique. À parfois quelques centaines de mètres à peine du rouleau de bitume hyper-fréquenté, pas un bateau de commerce à l’horizon si ce n’est des super tankers ou des porte-conteneurs internationaux.

La Grande Bleue a bel et bien oublié son riche passé de cabotage. Frédéric Dijol en reprend l’idée qu’il veut moderniser. Diplômé de l’école des Mines d’Alès, il espère participer au retour en grâce du cabotage “raisonné”, “hybride”, à défaut de totalement “propre”. Il cherche à recomposer avec ce passé où l’on savait ce qu’était le transport raisonné des marchandises.

300 000 euros pour acheter et aménager une goélette

Son projet qui a “avancé grâce au confinement puisque j’ai pu lui consacrer pas mal de temps”, porte le joli nom de Eol’Lien, pour vent et lien entre les hommes. Il a besoin d’argent pour acheter un premier bateau. Forcément. Une belle goélette lui a tapé dans l’oeil mais, même si pour des spécialistes ce n’est pas très onéreux, 150 000 euros ne se trouvent pas sous le sabot d’un cheval. Surtout qu’il en faut tout autant, 150 000 autres euros, pour “adapter le bateau aux normes exigeantes de la marine marchande” et pour pouvoir charrier 10 tonnes de marchandises, le doter de propulsion solaire, à hydrogène, d’un moteur thermique, d’éoliennes, etc. Mais le jeune homme est confiant. Il participe même à l’appel à projets lancé par la région Occitanie dans le cadre de ses budgets participatifs. Il espère bien sûr en devenir lauréat.

Pas totalement à voile

“J’ai demandé le maximum par projet : 50 000 € à la Région Occitanie. Je me mets aussi en recherche d’aides et subventions.” Au départ, le porteur de projet avait imaginé un bateau 100 % propre, à la voile exclusivement. Mais pour une première ligne de cabotage, le transport uniquement à la voile ne permet pas de garantir des dates précises d’arrivée. Or, le transport réclame de la fiabilité. C’est pour cela que Frédéric Dijol opte pour une solution hybride. Un bateau à voile, certes, mais aussi à moteur. “Si on peut économiser 50 % d’essence, c’est déjà cela d’économiser pour la planète.”

Le projet a des atouts à faire valoir : il est sensiblement moins polluant ; le bateau n’occasionnera pas d’accident ni ne sera pris dans un bouchon comme sur la route. Mais il a encore de la route à faire. Il reste en concurrence avec les camions…”

Jean-Marc Samuel
Frédéric Dijol. DR.

Le projet a de quoi faire dessiller les yeux d’intérêt : actuellement, 80 % des bateaux qui traversent la Méditerranée transportent… du gas-oil. À ce jour, il n’y a aucune alternative au transport par camions sur la route en Méditerranée française surtout que nous pouvons nous connecter au réseau fluvial : les marchandises peuvent être ensuite acheminées via le Rhône, le canal du Midi, etc. Nous avons d’ailleurs une piste avec l’armateur de la péniche la Tourmente, Jean-Marc Samuel.”

Ce dernier qui préside la Fédération agir pour le fluvial et qui organise un festival sur le canal du Midi, Convivencia, confirme. Celui qui prépare également un projet de péniche à hydrogène pour participer à l’évacuation des déblais de la future 3e ligne de métro à Toulouse, ajoute que “le projet a des atouts à faire valoir : il est sensiblement moins polluant ; le bateau n’occasionnera pas d’accident ni ne sera pris dans un bouchon comme sur la route. Mais il a encore de la route à faire. Il reste en concurrence avec les camions. La facture à présenter aux clients ne soit pas trop élevée.”

Un client potentiel d’huile d’olive aux Baléares, spiritueux à Valence, une épicerie bio à Sète…

“Le cabotage tel que je le vois c’est, pour la première ligne commerciale, de relier dans un triangle Palma, à Barcelone et Sète d’ici fin 20121. Puis, Valence à Rome.” Comment arriver à décrocher des clients ? Tout simplement en se rapprochant de ceux qui partagent la même philosophie.“Mon but n’est évidemment pas de concurrencer les grandes routes commerciales ni les cargos. Mais de créer une route alternative pour des petits trajets maritimes pour des gens qui produisent de l’agriculture bio ou raisonnée. J’ai par exemple un client potentiel d’huile d’olive aux Baléares ; idem pour des spiritueux du côté de Valence. Mon projet s’appuie également sur la distribution de ces produits transportés non loin des arrivées du bateau : par exemple, je suis en contact avec une épicerie bio à Sète pour éviter là aussi. Parallèlement, “j’aspire à être tutoré, aidé, par l’école des Mines d’Alès”.

Vers un projet plus grand de 100 tonnes transportées

En réalité, ce projet est le première étage d’un projet plus abouti. Frédéric Dijol ambitionne de lancer dans quelques années, dans une seconde phase, un bateau plus grand capable de transporter, lui, 100 tonnes de marchandise le long des côtes de la Méditerranée, soit l’équivalent de quatre semi-remorques. Avec un équipage réduit de quatre personnes. Il est certain que la réussite et la viabilité du premier projet sera un atout sérieux pour réaliser le second. “Mais je suis tenace !” dit-il.

Olivier SCHLAMA

Les budgets participatifs avec Dis-Leur !