Le préfet de Haute-Garonne a proposé une hypothèse pour réduire la gêne sonore de la plateforme aéroportuaire, en préservant le coeur de la nuit mais avec quelque 400 exceptions dues aux retards. Cette hypothèse ne plaît ni à la direction de l’aéroport ni au collectif de 21 associations de défense qui ne veut aucun vol entre minuit et 6 heures du matin.
“Dans son scénario, le préfet ne propose pas de baisser le nombre de vols de nuit !” Dès la première phrase de sa réaction, la Toulousaine Chantal Beer-Demander est claire. Aussi calme que déterminée, la présidente du Collectif contre les nuisances aériennes de l’agglomération toulousaine (CCNAAT), qui réunit 21 associations de défense du territoire, va plus loin : “Ce que propose le préfet c’est de préserver, d’ici 2026, le coeur de la nuit”, de minuit à 6 heures du matin. Mais avec des exceptions, nombreuses. Le problème, c’est que le nombre de vols va croître de part et d’autre de ces horaires et même de “14 % de 22 heures à minuit !”, a calculé Chantal Beer-Demander qui dénonce “un salmigondis” dans la communication préfectorale : “Je ne vois pas comment avec la hausse du trafic aérien on va baisser les nuisances, surtout quand on laisse voler les avions les plus bruyants de leur catégorie, les Boeing 737-800, et que leurs rotations augmenteront de 20 %…”
“Interdiction des vols au départ et plafonnement des vols à l’arrivée”
Il y a quelques jours, le préfet d’Occitanie a dévoilé ses propositions visant à remédier au problème des nuisances sonores liées à l’aéroport de Toulouse, ville phare de l’industrie aéronautique française. Ainsi, parmi quatre scénarios plus ou moins restrictifs pour le trafic du 6e aéroport de France (7,8 millions de passagers en 2023), le préfet Pierre-André Durand a préconisé, entre minuit et 6 heures, “l’interdiction des vols au départ et le plafonnement des vols à l’arrivée”, à raison d’un quota de 400 vols autorisés à atterrir en cas de retard, distribué entre les différentes compagnies.
La proposition sera transmise au gouvernement et devra faire l’objet d’un arrêté interministériel qui devra, pour être appliquée, “recueillir l’avis de la commission consultative de l’environnement, du public, de l’autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa) et in fine de la Commission européenne”, a-t-il précisé.
“On ne peut pas dire que le préfet ne fait rien…”
L’été 2023 avait connu 590 vols dit “débordants”, c’est-à-dire en retard et ayant atterri entre minuit et six heures du matin alors qu’ils étaient programmés pour atterrir avant. “Certes, on ne peut pas dire que le préfet ne fait rien mais il est toujours conseillé en sous-main par la Dgac, la Direction de l’aviation civile”, explique encore la présidente du Collectif contre les nuisances aériennes de l’agglomération toulousaine.
Chantal Beer-Demander rappelle que c’est grâce à l’action de son collectif qu’elle avait obtenu, en 2022, du Conseil d’Etat “que ce ne soit plus la Dgac qui soit l’autorité compétente parce qu’elle est juge et partie. Et que sa motivation est d’accroître le trafic arien. Depuis 2023, le ministre des Transports a demandé aux préfets de s’occuper de cela.”
Nous demandons une vraie plage de repos la nuit, sans aucune exception, comme c’est le cas pour d’autres plateformes aéroportuaires”
Chantal Beer-Demander présidente du collectif
Dans la ville qui fabrique des avions et qui enregistre quelque 100 000 mouvements d’aéronefs chaque année, plus de 100 000 habitants subissent des nuisances, parfois assourdissantes. “Nous demandons une vraie plage de repos la nuit, sans aucune exception, comme c’est le cas pour d’autres plateformes aéroportuaires.” Et de citer Nantes, Bâle-Mulhouse, Orly, Beauvais, Strasbourg avec “zéro atterrissage et décollage entre minuit et 6 heures du matin. Et d’arrêter de faire payer sur la santé des habitants ce trafic qui profite aux compagnies low cost comme Volotea ou Ryanair… On aurait pu demander entre 22 heures et 6 heures mais bon on comprend aussi que ce ne soit pas facile à organiser…”
Plans d’exposition au bruit et plan de gêne sonore
Sur les 100 000 habitants concernés par le bruit des avions, quelque 50 000 sont reconnus comme tels dans un plan d’exposition au bruit (PEB) spécifique parce qu’ils sont vraiment empêchés de vivre où l’été, par exemple, ils ne peuvent pas profiter de leur jardin tellement les nuisances peuvent être assourdissantes.
Ces habitants concernés habitent principalement Toulouse, au nord et au sud de l’agglomération toulousaine. Ce PEB est un document d’urbanisme qui dit si on peut construire ou pas dans telle ou telle zone. Ces mêmes 50 000 habitants bénéficient en outre d’un plan de gêne sonore qui délimite les zones géographiques où l’on peut, notamment, bénéficier d’aides à l’insonorisation des habitations. La seconde partie des 100 000 personnes concernées par le bruit des avions subissent une “gêne modérée”.
“Conséquences sur l’attractivité de l’aéroport”
“C’est une particularité : 85 % des nuisances sonores de l’aéroport de Toulouse sont subies par les Toulousains.” Chantal Beer-Demander, dont le collectif a organisé maintes manifestation dont une en pyjama à l’aéroport, s’interroge sur le fait que “ni la ville ni la métropole de Toulouse n’ont suffisamment apporté leur soutien aux habitants…”
L’orientation prise par le préfet n’a pas non plus semblé convaincre l’aéroport de Toulouse Blagnac (ATB). “Nous pouvons déjà dire à ce stade que ce scénario entraînerait inévitablement des conséquences sur les capacités de l’aéroport et donc sur son attractivité pour les compagnies aériennes”, a ainsi jugé Philippe Crébassa dans un communiqué le président du directoire d’ATB, refusant de s’exprimer de vive-voix. “L’enjeu de réduction des nuisances sonores est un défi exigeant et collectif. ATB y travaille au quotidien avec toutes les parties prenantes”, a encore souligné l’aéroport dans son communiqué.
Olivier SCHLAMA
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