Cancer du sein : L’ARS dépiste tous azimuts en Occitanie, pour Cancer Rose, tout n’est pas rose

Cancer du sein, Octobre Rose. Ph. Sarah Cervantes, Unsplash

Le dépistage massif des 50 ans à 74 ans a atteint un plafond de verre : une femme sur deux seulement y participe. Peut-on parler d’un échec ? Alors que commence Octobre Rose, l’Agence régionale de Santé veut dépister encore plus massivement. Le collectif de spécialistes Cancer Rose alerte sur les fausses alertes, sur-diagnostics et effets secondaires de cette méthode.

Octobre Rose a 30 ans. Trente ans de dépistages. Mais les études le prouvent : moins d’une femme sur deux participe au dépistage organisé en France. Le niveau de participation a même tendance à reculer depuis une dizaine d’années. Une étude de Santé publique France pointe notamment un impact persistant de la crise sanitaire liée au covid. 

Cancer du sein : quelque 12 000 décès par an en France

Face au cancer le plus fréquent et le plus mortel pour les femmes (quelque 12 000 décès par an), les Françaises de 50 ans à 74 ans se voient proposer, tous les deux ans, gratuitement, un examen clinique des seins et une mammographie, suivie d’une seconde lecture par un expert si la première est normale ou d’un bilan diagnostic en cas d’image suspecte. Ainsi, quelque 2,6 millions de femmes ont fait une mammographie de dépistage organisé en 2023, soit 48,2 % de participation (contre 44,8 % en 2022). “Une hausse de la participation est donc observée en 2023 mais la participation sur la période des deux années glissantes 2022-2023 (46,5 %) demeure inférieure à celle de 2021-2022 (47,7 %)”, relève l’étude.

Covid, “doute sur l’utilité” et “désertification médicale”

Cancer du sein. Ph. Institut national du cancer.

La France peine à atteindre l’objectif européen d’au moins 70 %. Le niveau de participation a même tendance à reculer dans le pays depuis une dizaine d’années. “Après avoir augmenté jusqu’en 2011-2012 pour atteindre un pic à 52,3 %, la participation au programme est depuis en diminution, pour toutes les tranches d’âge et toutes les régions”, souligne ainsi l’étude. Cette tendance à la baisse est dû, outre le brouillage de la crise du covid, à un “doute sur l’utilité” ou la “désertification médicale”.

“Avec taux de survie de 88 %, ce dépistage est une réussite”

Didier Jaffre, directeur de l’ARS Occitanie. DR

“Nous avons atteint un plafond de verre… rose”, a résume Didier Jaffre. “Il y a eu 60 000 nouveaux cancers (tous confondus) en 2023  et 12 000 personnes qui décèdent chaque année du cancer du sein”, a rappelé le directeur de l’ARS, mais nous n’aurons pas de réponse à notre question lors de cette conférence de presse. Nous ne saurons pas – malgré ce dépistage de masse, et le “nombre de cas de cancers qui s’est multiplié par deux en 30 ans en France” – si l’on peut parler d’un échec de cette méthode de dépistage de masse. Ou pas. Ou plutôt on a obtenu cette réponse-là : “Les habitudes alimentaires jouent, dit Didier Jaffre ; les bonnes habitudes de vie aussi. Si j’étais cynique, je dirais que si on dépiste davantage, on trouve davantage de cancers.” Et : “Avec un taux de survie très intéressant, 88 %, ce dépistage est une réussite.” Visiblement, la question dérange. Nous n’aurons pas non plus de réponse sur le taux d’évolution de la mortalité liée à ce genre de cancer en Occitanie où un million de femmes sont éligibles à ce dépistage.

“Les mammobiles vont peu à peu couvrir l’ensemble des départements, après l’Hérault. A commencer par l’Ariège, le Gers, l’Aude, le Gard ou la Haute-Garonne”

PH. Elen Sher, Unsplash

Pour autant, Didier Jaffre fait accroire : “Mieux vaut prévenir que guérir… Il faut convaincre l’ensemble des femmes de se faire dépister et le plus précocement possible pour de meilleures chances de guérison, avait-il expliqué auparavant. C’est simple, fiable et gratuit. Encore trop peu d’entre-elles sont dépistées. Nous allons d’ailleurs lancer des actions envers des populations précaires, isolées ; dans les quartiers sensibles ou dans les campagnes. Les mammobiles vont peu à peu couvrir l’ensemble des départements, après l’Hérault. A commencer par l’Ariège, le Gers, l’Aude, le Gard ou la Haute-Garonne.” Ce n’est pas tout. Philippe Trobadas, directeur de la CPAM de l’Hérault et coordonateur de la gestion du risque en Occitanie, explique à son tour que les 13 CPAM (caisses d’assurance maladie) vont contacter davantage de femmes. Il y a aussi le soutien financier à 43 associations pour un totale de 168 000 €.

“Le taux de dépistage est de 56 % en Occitanie mais ce taux n’augmente pas. C’est une vraie difficulté pour nous”

“Le taux de dépistage est, chez les femmes de 50 à 74 ans, de 56 % en Occitanie mais ce taux n’augmente pas. C’est une vraie difficulté pour nous ; nous sommes revenus à des chiffres que nous connaissions avant le covid. Il faut convaincre plus efficacement”, a dit Philippe Trobadas. C’est pire dans les quartiers sensibles et les zones rurales qui encaisse un recours au dépistage 12 points inférieur à la moyenne régionale. Avec une nouveauté de ce dépistage de masse tous azimuts : “La CPAM, à Albi, précise-t-il, a ouvert une plateforme d’appels à destination des femmes concernées sur les 13 départements.” Vingt conseillers s’y relaient pour dire tout “l’intérêt du dépistage”. Laurence Pochard, représentante des usagers pour France Assos Santé a évoqué parmi les autres freins au dépistage un sondage faisant où les femmes qui le refusent invoquent plusieurs raisons : “Elles ont peur du résultat ; que ça fait mal ; qu’elles n’ont pas d’antécédent de cancer dans leur famille et qu’elles n’ont pas le temps.”

“Les femmes doivent bénéficier d’une information claire sur le dépistage du cancer du sein et ce n’est pas le cas !”

Cécile Bour. Photo : DR.

À quel sein se vouer ? Radiologue, née à Alès, auteure de livres abordant cette thématique, Cécile Bour a, elle, sa religion, elle qui n’est pas découragée de prêcher dans le désert qui l’est, certes, de moins en moins. Son mantra : “Les femmes doivent bénéficier d’une information claire sur le dépistage du cancer du sein et ce n’est pas le cas ! Pourquoi malgré ce dépistage de masse, il y a toujours quelque 12 000 décès par an en France ? Parce que le dépistage de masse ne marche pas. Pourquoi, aussi, ne parle-t-on pas des gros effets secondaires ; des sur-diagnostics et des examens finalement souvent inutiles parce qu’ils traitent de fausses alertes ?” Comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI. Chiffres à l’appui, elle réaffirme “qu’avant 50 ans, ce n’est pas un examen utile. Il faut que les femmes aient accès à une information loyale”. C’est même une erreur.

“Pour ce dépistage d’Etat, c’est compliqué de faire machine arrière et de dire : “Désolé, on s’est trompés…”

Pourquoi Cécile Bour et ses collègues toubibs du collectif Cancer Rose, qui ont créé un site internet avec des outils d’aide à la décision, ne sont pas davantage écoutés….? “Il y a au moins trois phénomènes, dit-elle. Le premier c’est que les médecins croient vraiment au dépistage de masse et ne vont pas plus loin dans la réflexion. Le deuxième phénomène, c’est que pour ce dépistage d’Etat, c’est compliqué de faire machine arrière et de dire : “Désolé, on s’est trompés… Et, enfin, cela fait un peu complotiste mais c’est la vérité : il y a tout un lobby autour de ce mois d’Octobre Rose : le Ruban Rose, c’est une entreprise commerciale ; il y a du sponsoring partout… A quoi sert véritablement l’argent récolté ? On ne le sait pas.”

Olivier SCHLAMA

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