À l’hôtel de Région, à Toulouse, soirée hommage ce lundi pour ce résistant universaliste arménien qui entre jeudi au Panthéon. Dans ce contexte, la présidente de la région lance “une grande démarche de mémoire, nommée Occitanie Terre de Résistances”. L’occasion, aussi, de “résister à la petite musique de l’extrême-droite”.

“Une République peut tomber ; on a connu ça de l’autre côté des Pyrénées…”, alerte d’emblée Carole Delga, faisant référence aux conséquences possibles de l’arrivée d’une extrême-droite au pouvoir en France. La présidente de la région Occitanie a voulu organiser un hommage à Toulouse, parallèlement à l’entrée au Panthéon -temple républicain, dernière demeure de grands noms de l’histoire de France – de Missak Manouchian, ce mercredi 21 février 2024, 80 ans jour pour jour après son exécution, à 37 ans, avec une vingtaine de ses camarades résistants, au Mont-Valérien. Missak Manouchian est issu d’un pays, l’Arménie, qui a subi un génocide et qui lutte pour son existence.

“Résister à cette petite musique de l’extrême-droite”

Citant notamment le Mémorial de Rivesaltes qui fêtera ses dix ans en 2025, “l’Occitanie est terre de résistances” et qui est fidèle à cette “filiation”, Carole Delga ne pouvait pas ne pas faire le rapprochement avec “cette petite musique {de l’extrême-droite, Ndlr} à laquelle il faut résister”. Cette panthéonisation de Missak Manouchian et Mélinée, sa compagne, à laquelle la région Occitanie s’associe donc sur son territoire est une façon plus large de défendre les “opprimés, les muselés…” Et de “dénoncer le racisme…” De recourir à l’universalisme prôné par le grand socialiste Jean Jaurès. Ce lundi soir, elle a dit : “Honorer et faire perdurer la mémoire de Missak Manouchian et ces immigrés qui ont tant fait  pour la France” dans une salle du conseil régional remplie de six cents personnes.

“On ne pourrait pas inventer une personnalité aussi romantique, aussi internationaliste”

Missak Manouchian (prononcer – chian) est orphelin du génocide à 9 ans, en 1915 ; son père meurt dans ses bras. Direction le Liban où il est recueilli dans un orphelinat et où il apprend le Français. Il “choisit” la France, adhère au PCF en 1934, “amoureux de la langue et des valeurs françaises (…) Il avait soumis deux demandes de naturalisation en 1933 et 1939. En vain. On ne pourrait pas inventer une personnalité aussi romantique, aussi internationaliste”, a souligné Hasmik Tolmajian. L’ambassadrice d’Arménie, comme les autres grands témoins réunis devant la presse ce lundi, n’a eu de cesse de répéter que “la France est un idéal qui incarne le berceau des valeurs universelles, des droits de l’homme”.

C’est dans ce contexte que Carole Delga a annoncé une initiative : “En Occitanie, j’ai décidé de lancer une grande démarche de mémoire, nommée Occitanie Terre de Résistances. Des rendez-vous mémoriels jalonneront ces deux prochaines années pour rendre hommage à l’ensemble de ces héros de la Résistance. Prendre le temps de se souvenir et surtout de transmettre, en emmenant encore cette année 150 lycéens au mémorial du camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau ou encore grâce au travail mené par les équipes pédagogiques avec la jeunesse au Mémorial du Camp de Rivesaltes, qui célébrera ses 10 ans en 2025.”

L’héroïsme tranquille

Autodidacte, Missak Manouchian est menuisier mais il est aussi poète. Il traduit les grands auteurs français en arménien. Très attaché à la Révolution française, il choisit la France des Lumières, pas celle mortifère de Vichy. Il a dirigé les FTP-MOI de la région parisienne (Francs-tireurs et partisans main d’oeuvre immigrée), un réseau de résistance française. Ce que l’on a appelé de leur part “l’héroïsme tranquille”.

“Qu’est-ce qu’être Français ? C’est un projet qui nous dépasse tous. Universel”

C’est un étranger apatride qui donna sa vie à la France, le seul étranger, un résistant héroïque, pendant la Seconde Guerre mondiale, entre donc au Panthéon. “Etre français, c’est un attachemet aux valeurs, un projet qui fait société”, ont répété chacun avec leurs mots, tour à tour, Carole Delga, Pierre Ouzoulias, historien et sénateur PCF des Hauts-de-Seine, d’origine arménienne. “Qu’est-ce qu’être Français ? C’est un projet qui nous dépasse tous. Universel”, a-t-il énoncé. Le musicien et compositeur André Manoukian – “pas celui des sacs !” – a expliqué le parcours de sa famille depuis le génocide.

“Fantasme fasciste d’une nation purement ethnique”

La France est “un trésor avec ses valeurs que le monde entier nous envie”, dénonçant “le fantasme fasciste d’une nation purement ethnique”, porté par l’extrême-droite, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI. L’Occitanie, dans tout ça ? Elle contribue à véhiculer ces valeurs. Manoukian raconte  que son idéal musical est de “marier la musique de l’Orient et de l’Occident”. Ce ne sera pas facile “mais il y a une route”. Il y en a d’ailleurs déjà eu une, de route, soutient-il, remontant au 8e siècle avec Ziriab, musicien savant kurdo-perse, et son instrument, l’oud qui deviendra le luth, en passant par Cordoue et la France, ensuite, au cours des siècles. Il fait aussi accroire que le mot bien occitan troubadour vient également de deux mots dont l’un est arabe.

“Les hommes sont semblables avant d’être différents”

Cette panthéonisation avait été imaginée grâce à la mobilisation d’un comité formé par Jean-Pierre Sakoun, président d’Unité Laïque. Reçu le 30 mars 2022 par le cabinet de Macron, le comité reçoit l’assurance de cet hommage qui sera annoncé le 18 juin 2023. Pierre Sakoun loue ceux qui oeuvrent pour “un projet politique commun” prônant l’humanisme, l’universel. Universel, cela veut dire que les hommes sont d’abord semblables avant d’être différents…”

Olivier SCHLAMA

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