Hérault : 42 000 salariés appelés à prendre soin de leur santé grâce à une appli dopée à l’IA

Ph. Jakob Owens, Unsplash

Lombalgies, tendinites, douleurs cervicales… Le service de santé au travail héraultais Aipals, comme d’autres, a fait le choix d’une application proposée par une start-up, Récov’Up, dont la solution est reconnue par l’Agence nationale de sécurité du médicament. Son principe : une auto-évalution, avec conseils et exercices personnalisés. Le but est de traiter les TMS sans attendre. Pour en limiter l’aggravation et, de fait, le coût et l’absentéisme. Pour l’instant, seuls ses 42 000 salariés adhérents en profitent.

Ah ! les lombalgies, tendinites, cervicales en souffrance chronique… Ingénieure conseil prévention à la Carsat Languedoc-RoussillonArmelle Marlet, ne s’aide, elle, que d’une calculatrice. En octobre 2023, elle nous rappelait qu’en 2021 “plus d’un arrêt de travail sur deux était lié à de la manutention manuelle, c’est légèrement supérieur au niveau national. Par ailleurs, 85 % des maladies professionnelles sont des troubles musculo-squeletiques (TMS), dont 78,5 % sont des affections périarticulaires, et 4,5 % des affections lombaires charges lourdes, en accord avec ce qui est observé au niveau national.”

Épaule, poignet, hernies discales…

La spécialiste précisait : “Cela représente environ la moitié des accidents de travail ; il s’agit essentiellement de lombalgies, de mal de dos. Quant aux maladies professionnelles – c’est le salarié qui doit en faire la déclaration – c’est principalement pour des pathologies de l’épaule (rupture de la coiffe des rotateurs, par exemple) ; du poignet (syndrome du canal carpien) et, enfin, s’agissant des maladies professionnelles, pour beaucoup ce sont des hernies discales”.

Sachant que 42 % des salariés en France – presque un Français sur deux ! – a bénéficié d’un arrêt maladie l’année suivante, en 2022, selon Malakoff Humanis. Cela s’explique principalement par les dégâts psychologiques occasionnés par les confinements de la crise sanitaire pendant laquelle personne ou presque ne s’est arrêté, de fait, puisque nous étions tous confinés. À remarquer : les 16 ans-34 ans – les jeunes actifs – sont sur-représentés avec 46 % d’entre-eux qui ont bénéficié d’un arrêt maladie cette année-là.

Un outil de prévention ciblant les TMS. Les patrons peuvent la proposer et nous pouvons aussi la proposer dans le cadre des visites médicales à tous les salariés”

Diane Laruel, directrice d’Aipals

40 852 cas de TMS ont été reconnus en 2021, soit +16,4% par rapport à l’année. Diane Laruel, directrice du service de santé (médecine du travail) au travail Aipals – 4 000 entreprises adhérentes et 42 000 salariés suivis dans l’Hérault – s’est associée à la start-up Recov’Up en contrat de recherche-développement, “dispositif médical reconnu par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)”. L’idée, c’est de miser sur la prévention. “Nous suivons principalement des salariés des secteurs de l’industrie, des transports et de l’intérim. Et une partie travaillant dans les services.”

Cette application pour smartphone – gratuite pour l’usager – se veut “un outil de prévention ciblant les TMS. Les patrons peuvent la proposer et nous pouvons aussi la proposer dans le cadre des visites médicales à tous les salariés, même si nous allons faire une action auprès des intérimaires, une population difficile à suivre au niveau de la prévention ; il y a beaucoup d’accident du travail”, précise Diane Laruel.

Conseils sur le sommeil, l’alimentation, les addictions…

Diane Laruel, directrice du service de santé au travail Aipals.

Le travail, c’est peut-être la santé. Mais il peut aussi ne pas l’être. “On nous demande de faire de plus en plus de faire de la prévention primaire. Cette application propose sous forme de capsules audios des actes de prévention, des exercices… Il y a des choses intéressantes par exemple pour les caristes. Il y a des conseils sur le sommeil, aussi, l’alimentation, etc. Des messages sur la prévention des addictions, les risques routiers, et sur tous les risques les plus courants en entreprise. Il existe aussi un questionnaire médical.” 

Quelle valeur ont-ils ces conseils et exercices ? “Cette appli consultable totalement anonymement, a été conçue avec un médecin du sport associé à un kinésithérapeute et à un centre de recherche en intelligence artificielle : en fonction des choix, l’application va “pousser” des informations dans le domaine qui nous intéresse.” Sur l’environnement de travail, aussi.

“Dès que l’on sort du cadre gérable, l’application vous dit de ne plus rien faire et d’appeler un médecin”

Diane Laruel, directrice du service de santé (médecine du travail) au travail Aipals, a testé cette application d’auto-évalution. “Oui, je ne suis plus toute jeune ; l’appli permet d’évaluer la mobilité par exemple. Et propose des exercices qui tiennent compte de vos paramètres personnels et de même d’améliorer votre mobilité. Cela prend 30 seconde ou plusieurs minutes : on peut faire l’exercice recommandé à une pause, c’est jouable d’intégrer cela à sa vie quotidienne.”

Ph. Toa Heltiba. Unsplash

Il y a aussi une partie qui s’appelle espace de soins : “Dès que l’on ressent une douleur, pareil : l’appli vous donne des exercices à faire. Souvent, quand quelqu’un a mal, il dit : “j’attends, ça va passer” ; la deuxième étape, c’est d’aller voir le médecin qui prescrit des anti-inflammatoires. Ça ne passe toujours pas ; puis, le kiné. Et, au bout d’un mois, la douleur s’est installée et c’est plus compliqué à soigner. Avec cette appli, dès que la douleur apparaît, on peut répondre à des questions avec des conseils validés scientifiquement. Et dès que l’on sort du cadre gérable, l’application vous dit de ne plus rien faire et d’appeler un médecin.” Personnellement, “je fais les exercices et c’est magique”, confie Diane Laruel. Dès que j’ai une douleur, par exemple au genou, je vais voir les conseils que donne cette application.” Il y a aussi toute une partie sur les préventions des addictions. Comment être accompagné, etc.

“Nous allons travailler avec des entreprises-tests pour évaluer l’impact sur la santé des salariés”

L’Aipals a rejoint d’autres services de santé engagés dans cette démarche “mais on est tous en phase test. En fonction des retours, ce dispositif pourra évoluer. La start-up Recov’Up travaille aussi avec de grosses entreprises ; dans les Ehpad, aussi, avec des résultats très positifs”. Y a-t-il grâce à cette application moins d’arrêts de travail ? “Nous débutons à peine. Nous allons justement travailler avec des entreprises-tests pour évaluer l’impact sur la santé des salariés.”

Si on le désire, son médecin et son kiné peuvent accéder aux exercices que vous avez faits, sur demande du salarié-patient qui se sert de l’appli via le net. Pas évident quand on sait que joindre son médecin est aussi difficile, parfois, que de faire entrer un chameau dans le chat d’une aiguille… “Environ 10 % des professionnels de santé concernés acceptent de regarder avec attention ce que font leurs patients. C’est pas mal…”

L’enjeu est pour l’entreprise de gagner en productivité

Ph. DR.

L’appli est encore trop jeune (six mois pour les quatre services de santé au travail en Normandie, Corrèze, Dordogne, Cher et donc l’Hérault, un 6e, à Mulhouse, y adhèrera bientôt) pour savoir si elle a une efficacité sensible sur la baisse du nombre d’arrêts de travail ou d’absentéisme. “Mais on note, déjà, des évolutions positives” : on le sait quand les salariés-utilisateurs le signalent dans l’application.

Comment se rémunère la start-up ? “Au travers de notre contrat de recherche-développement, confie Diane Laruel. Le coût est intégré dans la cotisation des entreprises.” L’enjeu est aussi, pour l’entreprise, de gagner en productivité. “Un TMS pour un dirigeant, affirme Recov’Up, c’est en moyenne un coût de 25 512 €”… “On peut voir cela comme cela”, réagit, Mehdi Roudesli, dirigeant de Recov’Up, médecin du sport, qui a aussi passé dix ans à la tête d’un centre de santé.

“L’éducation à la santé, c’est l’égalité devant la santé”

Mehdi Roudesli, dirigeant de Recov’Up, médecin du sport.DR.

Il dit du haut de son expérience : “L’intérêt, c’est la prévention. De ne pas avoir à dire, c’est un peu tard… Si vous étiez venu avant, la solution ne serait pas la chirurgie, par exemple. En quelques mois, la santé peut se détériorer” et une chronicité s’installer. Mehdi Roudesli va plus loin et affirme que cette application dopée à IA “lutte aussi contre le renoncement de soins. Le but par exemple c’est d’informer le salarié, de lu glisser les bonnes infos, quand il ressent une douleur ; piquer la curiosité des gens”. Plutôt que d’attendre une hypothétique guérison. Ou pire s’en remettre aux aléas d’un rebouteux. “L’éducation à la santé, c’est l’égalité devant la santé”, professe celui qui s’adresse davantage aux TPE et PME. “Les grandes boîtes utilisent déjà des solutions internes…”

Olivier SCHLAMA

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