Depuis six ans, la campagne #jaipasecole de l’Unapei permet aux parents et à leurs enfants présentant un trouble du neuro-développement (troubles du développement intellectuel, spectre de l’autisme), ou de polyhandicap, de s’exprimer sur le manque d’accès à une scolarisation adaptée à leurs besoins spécifiques. Cette campagne souligne une réalité trop souvent ignorée : “Cette rentrée, comme chaque année, des milliers d’enfants n’auront pas accès à la scolarisation, ou seulement de manière partielle.”
Malgré les annonces formulées par le Gouvernement dès 2019, pour “une école pleinement inclusive”, la scolarisation des enfants en situation de handicap se confronte à de nombreux obstacles, faute de professionnels, de formation, d’accessibilité des locaux, d’adaptation de la pédagogie ou encore de places disponibles au sein des établissements et services spécialisés.
Mais les enfants en situation de handicap restent invisibles, même dans les statistiques nationales, il est impossible de connaître le nombre exact de ceux qui ne peuvent exercer leur droit à l’éducation. “Afin de mettre en lumière les réalités quotidiennes de ces enfants, l’Unapei et les associations de son réseau réalisent chaque été un état des lieux de la scolarisation des enfants qu’elles accompagnent.”
La situation dans l’Hérault, un exemple parmi (trop) d’autres
Dans l’Hérault, par exemple, l’Unapei 34 a tenté d’évaluer leur nombre en mesurant les heures de cours dont bénéficient les enfants accompagnés au sein de ses établissements et services. Et “le constat est alarmant” constate l’association.
Ainsi en juin 2024 dans l’Hérault, sur 305 enfants accueillis au sein des établissements et services de l’Unapei 34 (33 établissements et services dans l’Hérault, 1300 personnes accompagnées, 860 professionnels) : 27,21% n’ont aucune heure de scolarisation; 39,67% n’ont que 0 à 6h de scolarisation; 7,87% n’ont que 6 à 12h de scolarisation; 25,25% ont plus de 12h de scolarisation. Et cela malgré l’importance de celle-ci pour maintenir leurs acquis et développer de nouvelles compétences.
Sur 700 enfants en attente de place dans le département de l’Hérault, 258 enfants sont inscrits sur la liste d’attente de l’Unapei 34, ce qui signifie qu’ils se trouvent “soit sans solution, soit avec une solution partielle, soit avec une solution qui n’est pas adaptée à leurs besoins d’accompagnement dans leur vie quotidienne.” Ces situations entraînent de graves conséquences pour les enfants qui se trouvent freinés dans leurs apprentissages, leurs interactions, leurs jeux … Tout ce qui devrait pourtant permettre à chaque enfant de se développer et d’évoluer.
Le département de l’Hérault, souligne-t-on à l’Unapei, “ne fait hélas pas exception” : classes inadaptées, services périscolaires inaccessibles, manque d’accompagnement, aucune solution… “les témoignages dressent une situation alarmante. Le manque de solutions de scolarisation a également de graves conséquences pour les parents, qui doivent constamment chercher une solution pour leur enfant tout en jonglant avec leur vie professionnelle, familiale et sociale.”
Quelles pertes de chance d’apprendre,
d’échanger, de se développer
et de s’épanouir…
comme chaque enfant !”
“A l’échelle de notre association départementale, les chiffres sont effarants. Nous voudrions pouvoir proposer plus d’heures de scolarisation à tous les enfants, et permettre à plus d’enfants d’être accompagnés pour enfin répondre au projet de vie des jeunes et de leurs familles, mais nous manquons cruellement de moyens : le ratio entre les besoins en scolarisation et le nombre d’enseignants est très largement insuffisant ! Les pénuries de professionnels dans le secteur médico-social, c’est aussi cela : des enfants qui n’ont que quelques heures d’enseignement par semaine, et d’autres, aucune heure. Quelles pertes de chance d’apprendre, d’échanger, de se développer et de s’épanouir… comme chaque enfant ! Pour ces enfants et pour leurs familles, il y a urgence !“ déclare Bernard Dessimoulie, président de l’Unapei 34.
Les témoignages déposés par les familles désemparées sur la plateforme marentrée.org reflètent la détresse et l’injustice subie par ces enfants (*) … : elles sont près de 950 à avoir témoigné, quand leurs voix seront-elles entendues ?
Philippe MOURET
(*) Un extrait du témoignage de la mère d’Aya, 12 ans, porteuse d’un trouble du spectre de l’autisme : “Aya n’est plus scolarisée depuis mai 2022, après avoir été déscolarisée de l’école publique en 2018 et d’une école privée pour enfants autistes. C’était difficile pour ma fille qui « n’entrait pas dans le moule » et on dépendait beaucoup de la volonté et de l’implication de chacun. Depuis qu’elle n’est plus scolarisé, ce qu’elle avait appris est tombé à l’eau : les comptines, écrire son nom, faire des activités…
A la suite de ça, Aya était toute la journée à la maison. Nous avons tenté de trouver des solutions en recrutant nous-même des professionnels à domicile : éducateurs, moniteurs… l’année dernière, je me suis retrouvée avec un IME à la maison. Aya est sur liste d’attente pour une place depuis 2018. Pourtant, elle fait énormément de progrès avec les professionnels, son éducatrice, son orthophoniste…”
Questions scolaires :
Enseignement : Manif’ à Toulouse pour défendre l’école à la maison
École : Un film lotois pour montrer que parfois (aussi), ça marche !
Éducation : Plus de 800 personnes réunies à Colomiers pour “réparer l’école”