Réchauffement climatique : La Haute-Garonne prend 32 “mesures exceptionnelles”

Toulouse... Photo : Loïc Bel, CD 31

Alors que la sécheresse frappe toujours, trente-deux actions concrètes dont vingt-deux sont déjà engagées dans de nombreux domaines : c’est le contenu d’une session extraordinaire le 18 octobre du conseil départemental, l’un des départements qui “investissent le plus” dans ce domaine.

Ph : Aurélien Feirreira. CD31

Président du conseil départemental de Haute-Garonne, Georges Méric est clair : “Nous sommes parmi les tout premiers départements qui investissent le plus dans la lutte contre le changement climatique…”

Alors que la sécheresse frappe toujours, et que la préfecture maintient les restrictions (ci-dessous) pas moins de vingt-quatre délibérations, comportant des “mesures concrètes” dans des thématiques de saison – préservation des ressources en eau, protection des espaces naturels, accompagnement à l’agroécologie, renforcement du réseau express vélo, rénovation thermique des logements… – ont été votées par le conseil départemental de Haute-Garonne, sur un total de trente-deux. “C’est difficile d’en faire l’addition comptable car ce sont des dossiers transversaux touchant tous nos services…” Le vice-président chargé de la transition écologique, Jean-Michel Fabre estime que sa collectivité aura mobilisé “quelque 20 M€ par an jusqu’en 2030” sur cette problématique. Ce n’est pas rien.

1,5 M€ contre les fuites d’eau, trois stations d’alerte

“Pour faire quelque chose en France, il faut au moins quatre ans, pour franchir toutes les étapes administratives”, a maugréé Georges Méric, récapitulant les annonces, dépenses et investissements en Haute-Garonne. À commencer par une enveloppe de 1, 5 M€ “pour soutenir les communes face aux fuites d’eau ; création envisagées de retenues agricoles…”

Ph: Romain Saada, CD 31.

Pour protéger l’eau potable, les actions adoptées à la session du 18 octobre sont nombreuses. Parmi lesquelles :“La création de trois nouvelles stations d’alerte est à l’étude sur les rivières du Tarn et de l’Ariège, pour protéger les usines d’eau potable de Villemur-sur-Tarn, Buzet- sur-Tarn et Calmont.” Ces dispositifs sont stratégiques puisque plus de 90 % des Haut-Garonnais sont alimentés par de l’eau prélevée en rivière. Ces stations d’alerte mesurent notamment en continu les ressources en eau potable du département provenant de la Garonne. Cet investissement représente un coût de 550 000 € pour ce département.

Programme d’actions de 800 M€ de travaux

Ce n’est pas tout. La collectivité engage aussi une dépense de 1,5 M€ pour renouveler les réseaux d’alimentation en eau potable en 2023. On estime à 20 % le taux de fuite d’eau dans le réseau d’eau potable en France. Un taux qui peut atteindre 32 % dans les territoires ruraux, d’après le schéma directeur d’alimentation en eau potable réalisé par le conseil départemental en 2020. Ce schéma prévoit un programme d’actions pour un montant d’environ 800 M€ de travaux à réaliser d’ici 2030, dont 50 % consacrés au renouvellement des réseaux, pour réduire donc les fuites et économiser la ressource en eau.

“Au cours de l’été 2022, la canicule et les nombreux épisodes d’incendie ont fragilisé nos territoires et nos ressources, touché la vie des populations et impacté les cultures agricoles. Mais on n’a pas attendu…” Il y a aussi la crise humanitaire et géopolitique du conflit en Ukraine qui a généré une crise énergétique majeure ; l’inflation ; la baisse du pouvoir d’achat (…) L’heure n’est plus à l’alerte mais “à l’action pour répondre aux enjeux environnementaux, dans une société plus durable et plus juste”.

Recharge des nappes phréatiques parmi les solutions

Engagé en 2017, le projet de territoire Garon’Amont, dont Dis-Leur vous a déjà parlé ICI, a fait l’objet d’une grande concertation avec l’ensemble des acteurs du territoire, aboutissant à un plan d’actions de 32 mesures. Le montant global de ce plan d’actions a été évalué entre 14 M€ et 19 M€. Suite à l’épisode de sécheresse de l’été 2022, le comité de concertation Garon’Amont s’est réuni le 10 octobre dernier pour faire le point sur les vingt-deux actions déjà engagées. Des expérimentations pour tester de nouvelles solutions sont en cours, en collaboration avec Réseau 31, le Syndicat mixte d’études et d’aménagement de la Garonne (SMEAG), le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), les syndicats de bassin versant, etc.

Comme, par exemple, la recharge active des nappes qui démarre cet hiver, parfois controversée comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI. Le principe est d’assurer un remplissage complémentaire de la nappe phréatique en hiver et au printemps, via le canal de Saint-Martory, pour apporter un soutien d’étiage naturel supplémentaire en période estivale. L’approche est novatrice à grande échelle (100 km2) pour le soutien d’étiage d’un grand fleuve. De nouveaux volumes d’eau pourront aussi être mobilisés (1).

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Biodiversité et agroécologie. Il y a aussi la “reconquête de la biodiversité” : dans ce domaine, le département de la Haute-Garonne prévoir de classer pas moins de 11 000 hectares en espaces naturels sensibles départemetaux, dont 4 415 hectares sont situés dans la vallée d’Oô et adopter un plan de prévention et de lutte contre les feux de forêt. L’agroécologie ? Le département, là aussi, se propose d’ici 2027 d’accompagner les agriculteurs volontaires en s’appuyant sur un plan d’aide de 2,5 M€ par an, dont le but est “d’arriver à 20 % d’exploitations bio d’ici deux ans, de soutenir les pratiques durables et les circuits courts. Et c’est déjà un succès”, a qualifié Georges Méric.

Augmenter la part du vélo en Haute-Garonne

Ph. CD 31

Vélos et aires de covoiturage. Le but est de se “déplacer autrement qu’en voiture et faire baisser les émissions de CO2. Nous sommes là hors du champ de nos compétences mais dans la droite ligne de soutien aux transports (le conseil départemental a déjà financé à hauteur de 201 M€ les transports de l’agglo de Toulouse et apporté un important soutien financier à la LGV)”.

Depuis 2019, il s’agit de financer sept Réseaux express vélo (REV). D’ici 2015, 51 kilomètres de voies sécurisées pour un investissement de 53 M€ permettront de “multiplier par deux” la part du vélo dans l’agglomération qui n’est que de 3 %. D’ici 2030, le département espère que plus de 20 000 usagers emprunteront le vélo, dont la moitié utilisent leur voiture actuellement. D’autres REV sont à l’étude pour porter le réseau à 100 km pour un investissement de 100 M€. Sans oublier une aide de 3 M€ aux communes pour créer des pistes cyclables de raccordement. Les aires de covoiturage, elles, verront pousser 2 000 places supplémentaires d’ici 2028, s’ajoutant aux 1 138 déjà existantes, départies en 43 zones. “Le but, c’est bien sûr de baisser les émissions de gaz à effet de serre de 46 %”, a-t-il calculé.

Limiter la consommation énergétique

Ph. CD31- Hélène Ressayres

Sobriété. Le département montre l’exemple. “Nous possédons 280 bâtiments en Haute-Garonne dont 100 lycées, soit une superficie de plus de un million de mètres carrés. Les dépenses en énergie de la collectivité représentent 7,5 M€ par an. L’objectif, d’ici 2030, est de diminuer la consommation des bâtiments de 40 %.” Depuis cinq ans, ces dépenses sont analysées de manière précise grâce à l’outil de télésuivi des consommations Ubigreen, qui a été déployé sur près de 150 bâtiments, dont les 100 collèges, ce qui a déjà permis de limiter la consommation de 10 % en trois ans. Il s’agit de baisser, là aussi, la consommation énergétique. “On a déjà lancé, d’ici 2027, la réalisation de sept collèges à énergie positive (qui produisent davantage d’énergie qu’ils n’en consomment) pour un budget total de 420 M€.”

Afin d’accélérer la réhabilitation énergétique de son patrimoine bâti, le Conseil départemental prévoit “d’engager un budget de 100 M€ entre 2023 et 2030 pour améliorer les performances énergétiques des bâtiments et, en les combinant avec les actions sur les équipements et les utilisateurs, aller au-delà de l’objectif règlementaire de réduction de 40 % des consommations fixé par décret. Et prendre en compte l’augmentation des températures estivales en améliorant le confort d’été des occupants et des usagers du service public.

Conseils et aides contre la précarité énergétique

Ph. CD31, Alis Mirebeau

Rénovation thermique. Afin de lutter contre la précarité énergétique qui “accroît les inégalités”, le conseil départemental engage un plan de lutte contre la précarité énergétique et renforce en parallèle son soutien aux bailleurs sociaux du territoire.
Ce plan, lui aussi adopté par les élus départementaux à la session extraordinaire du 18 octobre, met en œuvre de nouvelles actions concrètes envers les ménages précaires et modestes pour les deux prochains hivers (2022–2024). Au menu, conseils personnalisés et aides financières directes, limités aux plafonds de ressource en vigueur de l’Anah.

Ainsi, en 2021, 650 rénovations énergétiques globales ont été financées à hauteur de 8,5 M€ sur les fonds délégués de l’ANAH et 1 M€ sur fonds propres du département.
Le département prévoit aussi de proposer aux propriétaires occupants qui s’engagent dans des travaux éligibles aux aides déléguées de l’Anah et incluant une rénovation énergétique globale (minimum 35 % de gain énergétique), de bénéficier d’un taux de subventions publiques particulièrement incitatif et homogène pour toute la Haute-Garonne (2).

Système de chauffage subventionné

Aide au remplacement des systèmes de chauffage. Le conseil départemental propose dans ce cas là de mettre en place une aide financière destinée à réduire le reste à charge des ménages haut-garonnais pour le remplacement de leurs anciens systèmes de chauffage polluants et coûteux dont le logement ne peut pas bénéficier d’une rénovation globale. D’un montant de 1 000 à 2 000 € selon les ressources du demandeur, la subvention sera attribuée à l’ensemble des ménages aux revenus très modestes et modestes, et élargie aux ménages intermédiaires selon, là aussi, les critères de l’Anah.

Olivier SCHLAMA

  • La situation hydrologique en Haute-Garonne oblige la préfecture à prolonger les mesures de restriction de prélèvements d’eau jusqu’au 30 novembre 2022. “Du fait de l’absence de pluie automnale significative sur le département et, plus globalement, sur le bassin de la Garonne, et des températures particulièrement chaudes persistantes, les débits de tous les cours d’eau se maintiennent à des niveaux très bas pour la saison, et ce malgré les efforts de gestion et d’utilisation de l’eau entrepris par l’ensemble des usagers depuis plusieurs mois (les premières mesures ont été prises fin juin)”, est-il indiqué.
  • De plus, les barrages permettant de soutenir les débits dans les plus gros cours d’eau ont été fortement sollicités, de façon anticipée, dès le mois de juin et jusqu’à aujourd’hui encore, à des niveaux de lâchers importants. Les stocks résiduels sont actuellement très bas, obligeant à les économiser au maximum.
  • Il est donc nécessaire, pour continuer à préserver la ressource en eau potable et les milieux aquatiques, de prolonger les mesures de restriction au-delà du 31 octobre, de façon inédite et exceptionnelle, en cohérence avec les mesures prises par les préfets des départements limitrophes pour les cours d’eau inter-départementaux, dès le mardi 1er novembre, et ce jusqu’au 30 novembre 2022, sauf à ce que la situation évolue d’ici là.
(1) Un accord de coopération va permettre la mobilisation de volumes d’eau non utilisés sur cinq retenues agricoles dans le bassin du Touch, appartenant au SMGALT (Syndicat Mixte Garonne-Aussonnelle-Louge-Touch) et à deux ASA (association syndicale autorisée) d’irrigants. Sur 20 ans, un volume de 2,6 millions de mètres cubes pourra être mobilisé afin d’assurer le soutien d’étiage sur le bassin du Touch. Cette démarche permettra de réduire le prélèvement du canal en Garonne. En contrepartie, le SMGALT et les ASA d’irrigation bénéficieront de subventions à hauteur de 70 % par l’Agence de l’Eau et de 10 % par le Conseil départemental, pour la réalisation de travaux règlementaires de mises aux normes des retenues et ainsi retrouver leur capacité de stockage maximum.
(2) À savoir : 75 % du coût HT des travaux pour les propriétaires occupants très modestes ; 50 % du coût HT des travaux pour les propriétaires occupants modestes. Ces taux comprennent les aides publiques cumulatives de l’ANAH, du conseil départemental et d’une autre aide éventuelle d’un délégataire hors du territoire de compétence du département. Au sein de ces aides, la part du Conseil départemental augmentera de 25 %.

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