Première en France : Au MOCO à Montpellier, on prescrit l’art sur… ordonnance !

Des patients en état dépressif peuvent suivre un programme pilote au musée d’art contemporain de Montpellier en partenariat avec le CHU. Sous forme d’ateliers variés gratuits animés par des artistes et inspirés d’expériences positives au Canada et en Belgique.

Tout le monde “sait” qu’avoir une passion ; s’adonner aux mandalas ; aux danses de salon ; aux virolos à moto ou à une simple passion, fût-elle philatélique, est bon pour le mental. C’est ce que Numa Hambursin définit comme une “intuition”. Le directeur du MOCO (musée d’art contemporain), à Montpellier, inaugure une première en France – qui existe déjà au Canada et plus récemment en Belgique, ce qui a inspiré l’expérience montpelliéraine – qui n’est pas une farce. En complément d’éventuelles thérapies, des patients dépressifs se voient prescrire de l’art sur… ordonnance ! La dépression touche près de 2,5 millions de personnes en France.

Les patients suivent des ateliers sur plusieurs semaines. Ils sont suivis par des professionnels de santé. On n’est pas dans quelque chose qui relève de la médiation”

Une ordonnance. Ph. MOCO

Meilleure socialisation, créativité, bien-être… L’art-thérapie qui connaît un engouement sans précédent comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI, peut-elle constituer une solution pour améliorer sa santé mentale ? L’OMS, l’Organisation mondiale de la santé, le préjuge. “C’est un concept porteur d’avenir. C’est le début de quelque chose qui va se développer à grande échelle. L’art sur ordonnance part d’une idée toute bête, précise Numa Hambursin. Une intuition, presque une idée reçue, à propos de laquelle on n’a pas vraiment de preuve. Nous avons conçu avec le CHU de Montpellier une expérimentation. Cela paraît, sur le papier, une plaisanterie. Mais c’est sérieux. C’est mené sous forme scientifique. Les patients suivent des ateliers sur plusieurs semaines. Ils sont suivis par des professionnels de santé. On n’est pas dans quelque chose qui relève de la médiation.” 

Ces ateliers, à chaque fois, c’est du cousu main”

©Aloïs Aurelle – ASO – Bianca Bondi 4

Une poignée de patients dépressifs, suivis par le département d’urgences et post-urgences psychiatriques (Dupup) de l’hôpital universitaire de Montpellier ont, lors de la dernière session, semble-t-il partagé la même conviction. Terre glaise, danse, expression corporelle. En 2022, ce programme unique en France – parcours artistiques d’un mois, mêlant visites d’expositions et ateliers de pratiques artistiques – a mobilisé trois groupes d’une dizaine de patients. Les “stagiaires” étaient, à chaque séance, accompagnés par un étudiant en beaux-arts et d’un interne en psychiatrie. Il y eut l’artiste Bianca Bondi (1), par exemple, dans ces ateliers. En mars prochain, ce sera au tour de Valérie Du Chéné. “Ces ateliers, à chaque fois, c’est du cousu main”, formule Numa Hambursin.

Le MOCO prend tout en charge

©Aloïs Aurelle – ASO – Bianca Bondi

“C’est totalement gratuit pour les participants. C’est le MOCO qui prend tout en charge, grâce à l’aide financière de l’ARS (Agence régionale de santé),la Drac (Direction régionale des affaires culturelles), la ville et la métropole de Montpellier”, où, depuis plus de 800 ans, l’on trouve la plus ancienne faculté de médecine en activité au monde. “Ici, il y a un lien assez naturel entre art et médecine : il y a à Montpellier le fameux musée Atger qui renferme des dessins, notamment du 19e siècle. À cette période-là, on pointait le lien très fort entre l’art et l’enseignement anatomique. Et puis une vision scientiste a séparé ces deux domaines. In fine, on s’aperçoit aujourd’hui qu’ils ne sont pas si séparés que cela philosophiquement.” 

L’objectif ? Que ce programme fasse florès et soit in fine remboursé par la Sécurité sociale

L’objectif ? Que ce programme fasse florès et soit in fine remboursé par la Sécurité sociale. “On s’inscrit sur plusieurs années. “L’idée, c’est d’avoir des résultats sur le long terme et aboutir à des résultats scientifiques”, confie le directeur du MOCO. En Belgique et au Canada, l’expérience“semble très positive mais on n’en est qu’aux balbutiements. Cela apporte des bienfaits, comme une meilleure socialisation mais pas dans un cadre habituel. C’est dans une autre atmosphère, celle d’un centre d’art”. L’idée, déjà, séduit : “Nous avons déjà été contactés par d’autres municipalités pour connaître nos évaluations. Ce sont de grandes villes du Sud.” Au Canada, les médecins traitants peuvent prescrire jusqu’à 50 visites par an à leurs patients. Du grand art !

Olivier SCHLAMA

  • (1) Pour le premier groupe de patients, l’artiste Bianca Bondi a réalisé un workshop-programme d’interventions impliquant des ateliers de pratiques artistiques en mars (sessions de 2h / une fois par semaine), en écho à l’exposition de Max Hooper Schneider Pourrir dans un monde libre au MO.CO. Ensuite, c’est la chorégraphe Anne
    Lopez qui a conçu un atelier de pratique chorégraphique face aux oeuvres, autour de l’exposition Trans(m)issions, sur 4 sessions de 2h sur 4 semaines consécutives entre avril et mai 2022.
  • l’OMS indique que l’engagement artistique et la participation à des activités créatives procurent un large éventail de bénéfices : la promotion du bien- être, de la qualité de vie, de la santé physique et mentale et du capital social. D’ailleurs, tout au long de l’histoire, les Hommes ont utilisé des images, des histoires, des danses et des chants comme rituels de guérison et de soulagement. Pourtant, faire de l’art ne va pas de soi et son développement peut être soit étouffé soit cultivé par toute une série de facteurs culturels et sociétaux. Si l’éducation et la solitude entravent l’accès aux Arts, la dépression reste l’obstacle principal. D’où l’importance de soutenir ces personnes afin qu’elles se sentent plus capables et motivées à s’engager.

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