Juste incroyable : le maire de Moulézan serait renvoyé en correctionnelle pour avoir, selon le Canard Enchaîné, usurpé l’identité de 700 personnes et faire pencher la balance en faveur du projet de cinq machines, au coeur du Bois des Lens. Le préfet a saisi le président tribunal administratif pour annuler l’enquête publique et en lancer une seconde. Lequel a accédé à la demande.
Depuis seize ans, Pierre Lucchini – “Je ne communique pas sur le sujet”, répond-il – le maire de Moulézan (Gard) s’échine à vouloir implanter des éoliennes dans le Bois des Lens (lire ci-dessous). Un premier projet de deux fois seize machines avait été retoqué par le Conseil d’Etat, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI. Et ce, malgré l’opposition de la quasi-totalité des élus alentour et de la présidente du département du Gard, un second projet de cinq éoliennes confié, cette fois, à Total Energies – qui fait miroiter 100 000 euros de revenus annuels – en était au stade de l’enquête publique que le commissaire-enquêteur avait validée avec des réserves le 15 décembre 2023. Notamment l’implantation de deux citernes de 30 mètres cubes accessibles pour les pompiers pour anticiper sur le risque d’incendie.
Même la Ligue de protection des oiseaux !
Selon le Canard Enchaîné, le maire de Moulézan sera jugé le 13 mai prochain par le tribunal correctionnel de Nîmes pour faux et usage de faux et usurpation d’identité. C’est-à-dire ? L’élu aurait, toujours selon nos confrères, reconnu avoir bourré, avec de faux avis, le registre numérique ouvert à tous les citoyens pour commenter ce projet d’éoliennes et faire pencher la balance vers le oui. Alertés, les gendarmes seraient remontés jusqu’à l’ordinateur du maire de Moulézan ! Résultat, sur 2 400 contributions à l’enquête publique, 700, auraient dénombré les pandores, toutes favorables aux éoliennes, se seraient révélées purement fictives. Inventées ou usurpées. Comme celle de la Ligue de protection des oiseaux, la LPO ! Le maire aurait même usurpé l’identité d’autres élus et même de… gendarmes !
Le préfet saisit le tribunal administratif
Le préfet du Gard ne pouvait pas faire une demande aussi claire cet après-midi : “L’enquête publique concernant le projet d’implantation d’éoliennes, écrit le préfet par communiqué, sur la commune de Moulezan présente des anomalies ainsi que des points nécessitant d’être approfondis. Aussi, Jérôme Bonet, préfet du Gard, a demandé au président du Tribunal Administratif de Nîmes de bien vouloir désigner une commission d’enquête afin de reprendre l’enquête publique dans son intégralité.” Ajoutant : “Le président du Tribunal Administratif a fait droit à cette présente demande.”
Une manif de 400 personnes samedi dernier
Les membres du collectif de défense du Bois des Lens se disent “profondément choqués par cette annonce et indignés par ces actes frauduleux qui devraient conduire à l’annulation de l’enquête publique, voire à l’abandon pur et simple de ce projet aux impacts sociaux et environnementaux de plus en plus inacceptables”.
De son côté, le président du collectif du Bois des Lens, Thierry Gaugne, rappelle qu’il avait écrit au préfet à l’issue de l’avis positif de l’enquête publique. Une démarche enrichie par une prise de position identique “de l’ensemble des associations environnementales et naturalistes du Gard, France nature environnement et la LPO du Gard”, certifie Thierry Gaugne. “On a aussi appris que le préfet avait convoqué la commission des sites qui n’a curieusement pas émis d’avis. On attendait que la Dreal réétudie le dossier…” Pas sûr que ce projet voie le jour : “Sur 1 000 avis positifs, 700 étaient faux”, rappelle dans un sourire le président du collectif qui organisait une manif à laquelle avait participé quelque 400 personnes.
8 500 hectares avec des espèces protégées
A 15 kilomètres de Nîmes, s’étend un poumon vert sur 8 500 hectares : le Bois des Lens. C’est là, à Moulézan, que Total Energies veut ériger un parc de cinq éoliennes de 150 mètres de haut. La grande majorité des élus sont défavorables au projet qui a été soumis à enquête publique. Et ce, alors que le même collectif d’habitants avait déjà gagné la bataille juridique pour un précédent projet au même endroit.
C’est une forêt méditerranéenne typique qui a déjà réchappé jadis à un projet similaire nécessitant un “joli” déboisement… Cible d’un revendeur national d’énergies, et maintenant de vent (Total Energies), on l’appelle joliment Bois des Lens mais l’appellation le sous-estime. Il s’agit d’un vrai massif de 8 500 hectares – plus étendu que l’étang de Thau, avec “une riche faune et flore” en son sein. Un massif forestier remarquable abritant des papillons rares, des grenouilles en voie d’extinction, des espèces de chauve-souris protégées et une poignée d’aigles de Bonelli, l’un des rapaces les plus menacés.
Il y a aussi de la jalousie : des éoliennes rapportent de l’argent à ma commune. Cela va nous rapporter entre 80 000 et 100 000 € par an”
Pierre Lucchini
Celui qui est aussi vice-président de l’agglo de Nîmes, Pierre Lucchini, expliquait à Dis-Leur ! le 12 août 2023 : dans cette histoire, “il y a aussi de la jalousie : des éoliennes rapportent de l’argent à ma commune. Tout compris, cela va nous rapporter entre 80 000 et 100 000 € par an. Il y aura des emplois d’abord pendant la construction. Total Energies va privilégier les emplois locaux pour déboiser, couler le béton, manipuler de la ferraille… Ensuite, un berger va s’occuper de l’entretien avec son troupeau autour des éoliennes. Et quand elles seront montées, il y aura aussi des emplois pour les entretenir. Si tout se passe bien, le parc qui entre dans le plan climat de l’agglo de Nîmes se montera en un an.”
“Légitimer l’agressivité de certains de nos concitoyens à l’égard des représentants de la République”
De son côté, Laurent Burgoa, sénateur LR et maire-adjoint à Nîmes et conseiller départemental, rappelle que la première enquête publique est caduque”. Et par ailleurs se dit toujours “opposé à ce projet qui va dénaturer notre garrigue. Je considère qu’au moment où certains critiquent les élus, l’attitude du maire (si elle est confirmée par le juge pénal) ne donne pas une bonne image des élus et pourrait légitimer l’agressivité de certains de nos concitoyens à l’égard des représentants de la République”.
Olivier SCHLAMA
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