L’Aude et l’Occitanie sont particulièrement exposées aux risques liés au réchauffement. À ce titre, Carole Delga et Hélène Sandragné, présidente de Région et du département de l’Aude, réclament la reconnaissance de ces feux comme aléas climatique. Et demandent, au-delà des mesures prises, que joue la solidarité nationale et même au niveau européen pour que notre région bénéficie de financements à la hauteur de l’enjeu.
“Il y aura un avant et un après l’incendie des Corbières”, affirment Hélène Sandragné et Carole Delga. A partir de constat, les deux collectivités qu’elles président, le département de l’Aude et la Région Occitanie, s’associent pour l’avenir des Corbières dans un plan conjoint sur deux ans. Pour rendre ce territoire davantage résilient. Avec des mesures urgentes et d’autres pour le plus long terme.
“Ce mégafeu, cet été, marque un moment de bascule qu’il faut prendre en compte”

Un plan unique en France pour “préserver l’habitabilité de nos territoires ; un plan porteur d’espoir ; ce mégafeu, cet été, marque un moment de bascule qu’il faut prendre en compte. Les effets du changement climatique sur notre mode de vie sont bien présents et il faut repenser notre mode de vie ; l’aménagement de nos espaces ; il faut de la résilience. Il faut pouvoir continuer à vivre dans ces territoires dans un environnement préservé”, formule Hélène Sandragné. Les deux collectivités ont mobilisé chacune une enveloppe de 10 M€. En premier lieu, pour venir en aide aux communes, aux viticulteurs, agriculteurs, entreprises, acteurs du tourisme et de l’artisanat ou encore aux associations touchées par les incendies survenus dans l’Aude entre le 5 et le 15 août. Soit 20 M€ au total.
27 mesures et un plan “d’habitabilité” pour l’Aude
Ce plan conduit à mise en place de 27 mesures votées en commission permanente exceptionnelle par les élus de la Région Occitanie, le mardi 9 septembre et un plan dit “d’habitabilité” pour l’Aude qui sera soumis à la prochaine session du conseil départemental de l’Aude, le 26 septembre.

“Politiquement, notre vision est commune pour ce territoire, mais aussi plus largement pour le pourtour méditerranéen. Nous sommes lucides : nous ne pouvons pas continuer comme avant. La résilience, l’habitabilité doivent nous guider pour bâtir un modèle de développement qui prenne en compte l’impact du dérèglement climatique.” Cela se fera en “collectif”, en associant les acteurs du territoire (caves coopératives, professionnels, associations…), les intercommunalités à commencer par la communauté de Lézignan Corbières Minervois, les communes et les PNR, ont indiqué les deux présidentes avant de détailler les mesures communes prises dans le cadre de leurs compétences respectives.
Restructurer des espaces boisés, la question de l’eau

Il y a d’une part des actions pilotées par le département et la Région et avec d’autres opérateurs : le déploiement d’un plan d’actions dédié Eau Aude, en lien avec le Réseau 11 et le Syndicat mixte des milieux aquatiques et des rivières, pour faire face notamment aux tensions sur la ressource, sécuriser l’approvisionnement en eau potable des communes vis-à-vis de la sécheresse ou encore préserver la qualité des milieux aquatiques et la fonctionnalité des bassins versants face au risque d’inondation. Mais aussi l’amélioration des équipements de défense de la forêt contre les incendies (DFCI). Hélène Sandragné a mis l’accent justement notamment sur cette thématique.
Elle dit : “Le département va prendre le pilotage avec le soutien de la région et l’Etat et des partenaires de la défense de la forêt contre les incendies.” Cela comprend la restructuration des espaces boisés et traiter aussi la question de l’eau : “Avec Carole nous étions engagées dans ce que l’on a appelé l’Appel de Bages sur ce fameux tronçon littoral qui doit bénéficier d’un apport d’eau sur nos côtes. Il est évident que les Corbières doivent avoir un apport d’eau ; pas partout ; pas n’importe comment mais il va falloir accompagner la création d’ouvrages ; des retenues collinaires dans des dimensions acceptables pour la préservation de l’environnement ; il va falloir envisager des forages avec des études préalables.”
Aides à l’agriculture, aménager les abords de villages…

Hélène Sandragné évoque aussi parmi “les mesures majeures, le soutien à l’agriculture par la Région et notre département à travers des aides spécifiques sur les friches, des financements d’équipements. Et puis autre chapitre il y a aussi la restructuration et l’aménagement des abords de villages que nous pouvons réaliser avec l’aide d’organismes satellites, tels que le CAUE ou l’agence technique départemental qui apporte toute son ingénierie”. La présidente évoque évidemment le tourisme ; de l’environnement ; de la biodiversité. Nous allons faire une expérimentation dans un domaine départemental qui a brûlé, dans les Corbières : grâce à nos pépinières, nous allons expérimenter de nouvelles essences résistantes au réchauffement. On peut imaginer ensuite modéliser cela et que cela puisse être utiliser ailleurs”.
Remise en état des massifs forestiers
Il y a également des actions pilotées par le département avec l’appui de la Région à l’instar de la remise en état des massifs forestiers : défense contre les incendies : pistes, infrastructures, points d’eau, zones de débroussaillement. Et aussi : replantations après l’évacuation des bois brûlés en lien avec la pépinière ; de l’aide aux communes avec mise à disposition d’ingénierie ; le déploiement de la campagne de l’Agence du tourisme ; Aude (Re)venir, c’est soutenir à laquelle la Région s’est associée pour promouvoir la destination touristique Aude et les produits de ce territoire via la marque Occitanie Sud de France ; la gestion des dons avec l’association Aude solidarité pour laquelle la Région verse une subvention.
Accompagnement des caves viticoles
Parmi les mesures annoncées, on peut évoquer la réorientation d’expérimentations pour la prévention et la reconstruction de l’activité économique sur le périmètre du PNR Corbières-Fenouillèdes via le projet européen transfrontalier USE4FOREST (SUDOE) visant à créer des pares-feux “productifs” dans les Corbières.
Et, enfin, il y a dans ce plan des actions pilotées par la Région avec l’appui possible du département de l’Aude comme l’accompagnement des caves viticoles et des agriculteurs sinistrés par des avances remboursables ; mais aussi le versement d’une aide spécifique à l’association audoise des agriculteurs sinistrés non-prise en compte par l’Etat et pour couvrir en partie les pertes subies ; des aides à la trésorerie seront ajoutées pour les vignerons coopérateurs et les vignerons indépendants lors de la commission permanente du 3 octobre 2025. ET, bien sûr, la promotion des produits du territoire avec la marque Occitanie, Sud de France, etc.
“Demander à l’Etat une reconnaissance des incendies comme aléas climatiques”
Mais pour autant qu’elles soient indispensables, ces mesures sont insuffisantes face à l’ampleur du défi. Et à la spécificité des risques en Occitanie liés au réchauffement climatique. Carole Delga et Hélène Sandragné en appellent donc “un engagement fort de l’État pour assurer un soutien durable et une stratégie de résilience. Le département et la Région souhaitent ainsi demander à l’Etat une reconnaissance des incendies comme aléas climatiques au titre des indemnisations agricoles et viticoles ; des financements pour maintenir le pélicandrome de l’aéroport de Carcassonne, et avoir du matériel supplémentaire pour le Sdis de l’Aude ; la fourniture de téléphones satellitaires sur le court-terme et une couverture sur ces territoires sensibles, sur le long terme ; une aide exceptionnelle de 1 M€ pour le Syaden, le syndicat des énergies renouvelables et de l’électricité afin de rétablir les liaisons et de procéder à l’enfouissement de réseaux dans les zones de protection liées au projet Unesco forteresses royales”.
Nous n’y arriverons pas seuls. Nous avons besoin de la solidarité nationale parce que la sécheresse est durable et que nous sommes frappés par d’autres aléas climatiques”
Ce n’est pas tout. La demande auprès de l’Etat comprend également un élargissement du fonds d’indemnisation agricole (8 M€) au-delà des territoires touchés par le mégafeu de l’Aude ; un avenant au contrat de plan Etat-Région pour que l’Occitanie puisse faire face au changement climatique ; la solidarité européenne en mobilisant la réserve de crise et en construisant une Pac, Politique agricole commune, adaptée aux spécificités méditerranéennes.

“Nous n’y arriverons pas seuls. Nous avons besoin de la solidarité nationale parce que la sécheresse est durable et que nous sommes frappés par d’autres aléas climatiques”, concluent Hélène Sandragné et Carole Delga. La présidente de Région ajoute : “Nous n’y parviendrons pas sans la solidarité nationale et européenne. L’Occitanie est la région française la plus exposée aux risques climatiques. Elle a besoin de sécuriser sa ressource en eau, de bénéficier de moyens et d’infrastructures pour absorber une croissance démographique ultradynamique et de sortir d’un enclavement géographique qui la pénalise. C’est pourquoi j’en appelle solennellement au président de la République. Je demande un plan national Occitanie Résilience appuyé par l’Union Européenne. Avec les élus et les acteurs locaux, nous porterons plusieurs demandes auprès de l’Etat dans les prochaines semaines”, réaffirment-elles en réclamant, toujours, la création d’une zone de défense en Occitanie. Aujourd’hui, nous dépendons de Marseille et Bordeaux…
Revoir le financement des Sdis
Et aussi “revoir le financement des Sdis et prendre en compte la valeur du sauvé”, comme nous l’expliquait ICI le 2 septembre Hélène Sandragné. Il y a quatre semaines tout juste se déclarait un incendie historique dans l’Aude. Déterminée, Hélène Sandragné, présidente du département, demande à l’Etat que les règles de financement évoluent et que les assurances paient davantage. Selon le colonel Christophe Magny, directeur du Sdis 11, la valeur du sauvé sera sans doute très importante. Sachant que 45 000 hectares et 12 villages et plusieurs centaines d’habitations ont été préservés.
Olivier SCHLAMA