Pic du Midi : L’observatoire conforte ses infrastructures et ses chances de décrocher l’Unesco

Meilleure compréhension du changement climatique et des exoplanètes, dans les Hautes-Pyrénées, le plus ancien observatoire au monde vient de se refaire une beauté à plus de 7 M€. De quoi aussi participer de sa transmission “aux générations futures”. Le comité français de l’Unesco s’est rendu ce 28 octobre sur le site qui pourrait être inscrit au patrimoine mondial en 2027, explique Remi Cabanac, de l’Université Paul-Sabatier, de Toulouse et directeur scientifique du pic.

Une fenêtre sur l’univers. L’Hexagone compte quatre réserves de ciel étoilé, pionnières, dont la “Tour Eiffel” du genre : celle du Pic du Midi. Toutes ensemble, elles font exemple. Et veulent se fédérer pour être reconnues et faire tâche d’huile en France. Défendre une pleine alternance nuit-jour, c’est, outre la beauté de la voie lactée, lutter contre le trop plein de lumière artificielle qui génère beaucoup d’effets néfastes sur la biodiversité et donc sur l’homme.

Le Pic du Midi, dans les Hautes-Pyrénées. Photo : Olivier SCHLAMA

Cette fois, le Pic du Midi, dans les Hautes-Pyrénées, aimante toute la lumière sur lui : l’observatoire du Pic du Midi est candidat pour un classement au patrimoine mondial de l’Unesco. Perché à 2877 mètres, c’est un site emblématique qui, avec son observatoire, fête ses 150 ans dont 25 ans d’ouverture au public. Le site, qui réalise 10 M€ de chiffre d’affaires, vient de recevoir un 4e avis favorable du Comité français du patrimoine mondial (CFPM). Et ce, après un 1er avis favorable consacré à la démonstration de la valeur universelle exceptionnelle du Pic du Midi et de son observatoire. Tout comme un 2e avis “très favorable” sur les périmètres et les protections du bien.

“Le pic du Midi est un observatoire avec des données depuis 150 ans. C’est inégalé et très important”

L’observatoire du Pic du Midi. Ph. Observatoire

Après plusieurs années de travaux dans des conditions géographiques et climatiques particulières, les nouveaux espaces scientifiques du pic du Midi ont été inaugurés ce jeudi 30 octobre 2025 par Pierre-André Durand, préfet de la région Occitanie, préfet de la Haute-Garonne, Carole Delga, présidente de la région Occitanie et Odile Rauzy, présidente de l’université de Toulouse.

Directeur scientifique du projet, Rémi Cabanac, de l’université de Toulouse Paul-Sabatier, dit : “Cet observatoire a deux domaines d’activité. L’astronomie, nocturne et diurne, avec l’observation du soleil et des étoiles, de leur naissance à leur mort, à travers l’étude de propriétés très particulières, comme leur champ magnétique, et on essaie de mieux comprendre comment se sont formés les systèmes exoplanétaires, hors du système solaire. D’autre part, nous y étudions l’aérologie et l’étude de notre système solaire. Le pic du Midi est important dans l’observation des faits objectifs : il apporte des données objectives. C’est un observatoire qui observe depuis longtemps, en particulier autour de nous. Nous avons de longues séries de données, depuis 150 ans. C’est inégalé et très important. On peut mesurer différents paramètres comme les températures et donc observer l’évolution du climat. » Le site reçoit entre 130 000 et 150 000 touristes par an, dont la plupart s’y concentrent l’été. L’idée, c’est de mieux répartir les visiteurs dans l’année. Et on peut même y dormir !

Repousser le front des connaissances. Et assouvir l’envie de prédire l’avenir de notre monde…”

En un siècle et demi, il prouve lui aussi que le climat se réchauffe à cause des activités humaines polluantes. Cet apport fondamental n’est possible que parce que l’on observe depuis longtemps. Et c’est aussi vrai dans le domaine de l’astronomie. En 100 ans, en observant les objets célestes, on a une très longue période de mesures qui nous permet d’avoir des bases fondamentales sur l’évolution des étoiles. De quoi repousser le front des connaissances. Et assouvir l’envie de prédire l’avenir de notre monde…”

Inauguration des travaux de l’observatoire du pic du Midi. Ph. DR

Cette inauguration des travaux (lire ci-dessous) intervenait, jeudi, deux jours après la dernière audition de la candidature du pic du Midi au patrimoine mondial de l’Unesco. Et l’Université d’expliquer : que celle-ci traduit “l’importance de l’entrée de la science comme valeur universelle de l’humanité, une science d’observation et de mesure de l’environnement dont les données permettent de mieux comprendre l’évolution de l’univers dans lequel nous vivons. La connexion avec le territoire qui entoure le pic du Midi ainsi que la présence de l’Université de Toulouse au sommet de ce lieu emblématique viennent compléter la synergie qui dure depuis plus de 150 ans”.

“Le label Unesco pourrait lui être décerné mi-2027”

Le directeur scientifique confirme le lien entre les travaux réalisés depuis des années et la candidature au label de patrimoine mondial de l’Unesco.C’est exactement ça. L’idée c’est de protéger le pic du Midi. Et la capacité de ce site vivant à observer. La construction du fameux bâtiment Dauzère (ci-dessous) est la brique fondamentale qui nous permet de consolider cette fameuse valeur universelle exceptionnelle telle que l’Unesco la définit.” La prochaine étape ? “Le dossier vient d’être déposé au ministère de la Culture. la 4e et dernière audition a eu lieu le 28 octobre. Nous attendons le retour pour savoir si le pic du Midi sera choisi sur la liste d’ici la fin de cette année pour un dépôt à l’Unesco en 2026. Le label pourrait lui être décerné mi-2027 si tout va bien, après 18 mois d’évaluation.” Cette candidature avait connu une accélération l’an passé grâce à la mobilisation de tous les acteurs du territoire, le Syndicat mixte pour la valorisation touristique du Pic du Midi et l’Université de Toulouse au sein du GIP, mais aussi les collectivités locales, les associations.

Le site a vu le jour en 1870 grâce à un naturaliste

Pic du Midi Terrasse Photo : ®HPTE Paul Compère

L’État et la Région réaffirment leur engagement aux côtés des équipes scientifiques du pic du Midi pour leur permettre de maintenir et de renforcer leur excellence, internationalement reconnue d’un site qui a vu le jour en 1870, grâce à l’initiative privé d’un naturaliste, Louis Ramond de Carbonnières, dont la société s’est finalement rendu compte qu’elle n’avait pas les reins assez solides financièrement. Le site est devenu la propriété de l’Etat en 1882, devenant un observatoire national, géré par l’Université Paul-Sabatier de Toulouse. Ces recherches contribuent à une meilleure compréhension des effets du changement climatique et participent à accompagner la transition environnementale, enjeux majeurs pour l’avenir du territoire.

Ces nouvelles structures scientifiques ont bénéficié d’un financement à hauteur de 7,66 M€ dont 2,02 M€ de l’État (1,52 M€ du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire), 3,5 M€ de la Région (dont 3 M€ de fonds Feder). La maîtrise d’ouvrage des chantiers a été assurée par l’Université de Toulouse en coordination avec l’OMP. Au total, la Région a apporté 7,5 M€ de soutien au pic du Midi dont 3,5 M€ pour les bâtiments et 4 M€ pour les équipements.

Olivier SCHLAMA

Chantier exceptionnel à 2 877 mètres

Le pic du Midi de Bigorre a accueilli, en parallèle des activités de recherche de l’Observatoire Midi-Pyrénées (OMP) et des activités touristiques, d’importants travaux initiés en 2021. Ces chantiers concernaient l’extension de la structure d’accueil des scientifiques et la création d’un bâtiment pour les équipements scientifiques de ré-aluminure du miroir du télescope Bernard Lyot (TBL). Après l’achèvement du clos-couvert de Dauzère-Soler en 2022 qui a marqué une étape importante des travaux, ces derniers se sont poursuivis jusqu’en 2024.

Augmenter les capacités d’accueil

La nouvelle structure Dauzère-Soler a permis de produire une extension du bâtiment Dauzère afin d’augmenter les capacités d’accueil des scientifiques et des nouvelles expérimentations. Elle a nécessité la construction de trois étages supplémentaires et accueille désormais une salle de pilotage et d’acquisition, destinée aux observations de toutes les coupoles du site, une salle de travail en groupe et une trentaine de couchages pour les scientifiques.

La terrasse du bâtiment Dauzère-Soler est aménagée pour accueillir une plateforme environnementale, permettant la rationalisation et le développement des activités de recherche de l’atmosphère. La structure est également adaptée à l’accueil de colloques et de manifestations de culture scientifique. Dauzère fait référence à Camille Dauzère, responsable du site entre 1920 et 1937, en hommage à son rôle dans le développement de l’observatoire. Soler renvoie à Pierre Soler, en reconnaissance de son implication comme directeur de l’Observatoire Midi-Pyrénées, poste qu’il a occupé à partir de 2011 et jusqu’à son décès en 2017.

Opérations de ré-aluminure du miroir de deux mètres du télescope

Le chantier TBL-SPIP prévoyait quant à lui l’extension du bâtiment abritant le télescope Bernard Lyot (TBL) afin de repositionner les opérations de ré-aluminure du miroir de deux mètres du télescope. Ce second bâtiment, qui a été construit en extension du TBL, a également permis de libérer le rez-de-chaussée du télescope pour l’installation du spectropolarimètre infrarouge SPIP, livré en octobre 2025 et qui permettra dès sa mise en route la recherche d’exoplanètes.

Un challenge à 2 877 mètres s’est imposé pour ce double chantier exceptionnel. D’abord, les travaux ont dû être réalisés en tenant compte des activités touristiques et scientifiques du site, notamment pour ne pas nuire aux observations.
Aussi, face aux différents défis de l’altitude, de la topographie et des conditions météorologiques, toutes les équipes ont dû faire preuve d’adaptabilité.

Les charges héliportées même avec un Super Puma

Chaque saison de travaux a été réduite entre juillet et septembre, pouvant parfois aller de juin à octobre, avec des conditions qui restaient difficiles : neige, gel, vents violents, brouillard épais, températures extrêmes ou encore zone sismique maximale. Le seul moyen pour les femmes et les hommes de rejoindre le sommet est le téléphérique, tandis que les charges ont dû être héliportées. Il a même fallu solliciter les services d’un hélicoptère Super puma à l’été 2022 pour des charges particulièrement importantes.

Ces chantiers, qui ont pu être menés grâce au soutien du contrat de plan État-région (Cper) 2015-2020, ont permis de renforcer la dynamique du site du pic du Midi de Bigorre portée par l’OMP, tout en respectant sa dimension architecturale originale. Avec ces extensions, le site augmente sa capacité d’accueil et d’hébergement scientifique de plus de 500 mètres carrés.