Paris 2024 : L’espéré mais incertain effet waouh des JO sur l’économie française

Le site des épreuves de surf, à Teahupoo, en Polynésie. Ph. Paris 2024.

L’impact économique serait a priori de 9 milliards d’euros sur… dix-sept ans. C’est le résultat d’une étude commentée notamment par la ministre Olivia Grégoire que Dis-Leur décrypte.

Neuf milliards d’euros – 8,9 milliards exactement – d’impact économique rien que sur la région parisienne. C’est l’hypothèse “médiane”, entre les estimations basses – 6,7 milliards d’euros – et hautes – 11,1 milliards d’euros – du Comité d’organisation des Jeux de Paris (Cojop) a révélée. À un peu plus de deux mois des JO de Paris 2024, le point d’étape sur le bilan des actions engagées et les dernières données sur l’étude d’impact économique des Jeux menée par le Centre de droit et d’économie du sport (CDES), est signifiante. Cette étude est la seule existante qui se base sur les chiffres officiels et à jour provenant, entre autres, du comité d’organisation et de la Solideo, la Société de livraison des ouvrages olympiques.

“L’impact économique des JO fera profiter d’autres régions qui en seront innervées”

La piscine olympique de Saint-Denis. Ph. Paris 2024

Livrée à J – 73 jours de la cérémonie des JO, le 26 juillet prochain, cette étude ne concerne que l’Ile-de-France (il aurait fallu faire une étude ante et post dans chaque territoire), première région française “mais, évidemment, l’impact économique des JO fera profiter d’autres régions qui en seront innervées, ne serait-ce que pour le tourisme : certains visiteurs profiteront des JO pour prolonger leur séjour en France… De plus, elle ne tient compte que des investissements strictement liés aux JO et qui lui sont nécessaires. Par exemple, nous n’avons pas pris en compte l’ensemble des investissements au Grand Palais”. Le produit intérieur brut (PIB) de la région parisienne est en effet équivalent à environ un tiers du PIB français. L’Insee avait évalué le PIB de l’Île-de-France à 765 milliards d’euros en 2021 (Lire ci-dessous).

Cinq milliards d’euros d’achats

“Cette étude servira, par ailleurs, et pour la première fois, de point de comparaison pour d’autres grands événements sportifs”, a expliqué Christophe Lepetit. Le responsable des études économiques au Centre de droit et d’économie du sport (CDES) a aussi que les engagements de Paris 2024 sont dépassés avec 88 % des marchés (de la construction et de l’organisation) dévolus aux entreprises françaises et à 79 % pour les TPE et PME et même des sociétés de l’ESS. Selon la Solideo, 2 655 entreprises de toutes tailles de l’Hexagone (dont 200 de l’ESS), réparties dans 85 % des départements, en ont profité pour remplir leurs carnets de commandes. Ainsi ont été comptabilisés quelque 5 milliards d’euros d’achats, dont 2,7 milliards rien que pour Paris 2024.

Un “tremplin” pour des entreprises locales

Certains chefs d’entreprises présentés disent tout le bien de ce “tremplin” qu’offre les JO pour leur activités mais ce n’est évidemment pas vrai pour tous : les équipes, dans certains secteurs requièrent des capacités et des emplois formés… Plusieurs patrons de start-up ont dit tout le bien qu’ils pensent de cette “aubaine“. On est passés de 3 salariés à 35 salariés, dont 4 personnes issues de l’insertion. C’est un boost énorme, et un énorme label pour notre jeune structure”, s’enhardit Marius Hamelot, PDG de Le Pavé, entreprise d’Aubervilliers en charge de la fabrication des sièges en plastique recyclé du centre aquatique olympique et de l’Adidas Arena. Soit 11 000 sièges au total. “Nous avons recyclé déjà 700 tonnes de plastiques issus du polystyrène des portes de frigos, par exemple, a-t-il précisé, ou des bouchons de shampooing. Notre objectif pour 2026, c’est de recycler 7 000 tonnes de plastiques ; nous avons d’ailleurs ouvert une nouvelle usine totalement automatisée en Bourgogne….”

Chiffre d’affaires et salariés multipliés par deux

Même son de cloche hyper-positif d’Alain Ferrand, PDG d’Hansen Marine, constructeur de ports de plaisances, de bâtiments flottants ou bassins de courses pour le canoë, par exemple, en Seine-et-Marne. “Ces commandes des JO sont un vraie tremplin pour notre société. Notre chiffre d’affaires a doublé ces deux dernières années, pour atteindre 7 M€. On a multiplié le nombre de nos salariés par deux pour atteindre 30 personnes. En deux ans, nous sommes passés de gros artisans à industriels. Les JO nous ont offert une visibilité importante vis-à-vis de gros donneurs d’ordre et Île-de-France et en France. La société va complètement se restructurer. Nous avons de belles perspectives pour 2025 et 2026 : nous espérons +50 % de chiffre d’affaires tous les ans, notamment grâce à la location de pontons pour des triathlons, des compétitions d’aviron, etc. C’est tout le stock que nous avons fourni pour les JO de Paris qui sera ainsi loué et nous avons des demandes partout en Europe : Belgique, Suisse, etc.”

Incertitudes sur le tourisme

Ph. Paris 2024

Mais attention, cette addition rondelette – qui a été réalisée avec le concours de l’OCDE et du CIO, notamment – est à décrypter : d’abord, “il ne s’agit pas de mesurer la rentabilité de l’événement. Le ratio coût-bénéfice fera l’objet d’une autre étude après les JO”. D’autre part, ces 9 milliards d’euros sont lissés sur dix-sept ans, de 2018 à 2034. A ce jour, et c’est logique, l’organisation et la construction représentent la majeure partie des dépenses (70 %).

L’incertain tourisme compte, lui, pour environ 30 %. Incertain parce qu’il risque d’y avoir ce que l’on appelle un effet d’éviction que personne ne sait chiffrer. Quésaco ? Certes, les plus optimistes s’attendent à voir déferler quelque 16 millions (!) de touristes – dont deux millions d’étrangers) sur les sites olympiques (soit sept fois la population parisienne) mais certains ne vont-ils pas, au contraire, fuir face à la foule annoncée et au prix des locations (on parle d’une moyenne de 2 000 € par logement loué) ?

Olivia Grégoire : “La France veut rester première destination touristique au monde”

Justement, la ministre des PME et du tourisme, Olivia Grégoire, lors d’un point presse à Paris a rappelé que la “France a battu deux records en accueillant en 2023, pour la première fois, plus de 100 millions de visiteurs et 63,5 milliards d’euros par an, l’équivalent de 8 % du PIB et 5,5 % de l’emploi salarié (15 % en Paca) ; ce sont des recettes inestimables. C’est tout sauf un supplément d’âme. C’est un poumon économique du pays. La France est la première destination mondiale et veut le rester. Comme disait Nietsche : “Devient ce que tu es”. Pour sûr, les gens garderont longtemps des étoiles dans les yeux. C’est une exposition formidable. On veut rester aussi attractifs. Le plus dur n’est pas d’être premier mais de le rester”, dit-elle. Et quoi de mieux que de le montrer “à 4 milliards d’habitants, soit la moitié de la planète” ?

Faible phase d’héritage

Josiane Itier porte la flamme olympique sur les quais millavois ce lundi 13 mai. (Photo Département de la Lozère)

Quant à la phase d’héritage des JO 2024, elle représente assez peu, finalement de l’impact économique anticipé : de l’ordre de 8 % à 17 % au maximum des 9 milliards investis. Alors, certes, là aussi, certains estime que l’après-JO apportera son lot de touristes qui voudront fouler les rues parisiennes toutes auréolées de la reine des compétitions planétaires, entre un million et demi et deux millions de personnes seraient tentées de venir à Paris après avoir vu les images des retransmissions télé. A voir. Comme le casse-tête des transports et du stationnement…

La vision de la ministre est, elle, sensiblement plus ampoulée, citant les quelque 30 000 artisans et compagnons qui ont travaillé ou travailleront sur les JO et au total 181 000 salariés dont 62 000 sur le seul tourisme. L’héritage ? “Important“, a-t-elle encore déclaré. “On parle d’un effet à longue traine, sur dix ans. Ce ne sont pas des équipements en carton-pâte mais de plus de 5 500 terrains de sport ; 4000 logements ; 18 bassins construits ou rénovés…”

Accompagner les start-up pépites du tourisme

Olivia Grégoire a aussi rappelé l’existence et la montée en puissance d’une structure, France Tourisme Tech qui accompagnera entre dix et quinze start-up, des pépites de l’économie du tourisme de demain. Elles proposent de lutter contre le gaspillage alimentaire ; des expériences immersives ; il y en a même une qui se propose de s’occuper de nos lourdes valises en fin de séjour, avant de rejoindre train ou avion, pendant que vous visitez le Louvre ou même un monument de Paris. “Une solution innovante.” Pour paraphraser le patron de la société de billeterie, les JO, “c’est l’expérience d’une vie”.

Mais, peut-être, aussi, que l’on n’est pas obligés de tout quantifier, après tout. La fierté nationale. Voire la cohésion d’un pays qui n’a pas de prix. Sinon, la France devrait récolter entre quarante-trois et soixante médailles. Inestimables.

Olivier SCHLAMA

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Un impact économique sur dix-sept ans…

Précaution à prendre dans l’interprétation des résultats. L’impact économique des Jeux de Paris a été établi sur une période de 17 ans intégrant les phases de préparation (2018-2023), de déroulement (2024) et d’héritage (2025-2034). Il serait donc erroné de comparer les chiffres d’impact économique des Jeux de Paris 2024 à une seule année de PIB de l’Île-de-France. Il faudrait plutôt les comparer à 17 années de PIB. Cette mise en perspective ne fait que renforcer la nécessité de ne pas limiter l’analyse de l’impact des Jeux à leur seule dimension économique et de l’élargir au sujet de leur héritage, c’est-à-dire leur mise au service de grandes causes sociales, territoriales ou environnementales.

Une vigilance à conserver

Enfin, les auteurs de cette étude souhaitent rappeler qu’une étude d’impact économique ne peut à elle-seule légitimer l’accueil de l’évènement et les dépenses consenties dans ce cadre. Sur le plan politique, une telle légitimation doit être réalisée au regard des objectifs des parties prenantes. Sur le plan conceptuel, il faudrait pour cela raisonner en termes de coût d’opportunité, c’est-à-dire comparer à quel niveau se situe l’impact économique des Jeux comparativement à l’impact économique d’autres projets et faire la preuve que l’investissement dans les Jeux a un résultat éco- nomique net supérieur à celui de toutes les autres options aux- quelles on a renoncé. Plus qu’une étude d’impact économique des Jeux, c’est un calcul “coûts-bénéfices” qui serait nécessaire afin de pouvoir conclure à la légitimité de leur accueil.

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