Nîmes : Corrida, une forte implication des collectivités mais un “soutien financier modeste”

Les arènes de Nîmes. Ph. Pixabay

Des citoyens l’ont demandé : la chambre régionale des comptes d’Occitanie l’a fait. Et ses magistrats en concluent que « les contrats successifs de délégation de service public pour l’organisation des spectacles tauromachiques apparaissent très protecteurs des intérêts de la commune”. En clair, que cela ne coûte rien au contribuable. La corrida s’inscrit “sans une tradition de féria plus large qui génère des retombées économiques importantes”. De quoi raviver la polémique avec les anticorrida.

Les magistrats ont accédé à une demande qui tenait à coeur de certains habitants d’Occitanie qui pensaient davantage à une gabegie économique qu’à une bonne affaire pour les collectivités. Ceux-ci avaient pu l’exprimer au cours de la campagne 2023 de participation citoyenne de la Cour des comptes et des chambres régionales. Celle d’Occitanie a donc retenu le thème du soutien public à la corrida. Pour ce faire, les magistrats financiers ont contrôlé comptes et gestion de la commune de Nîmes, de la communauté d’agglomération Nîmes Métropole, des sociétés Simon Casas production et SCP France, délégataires de la ville, de l’Association Centre Français de Tauromachie et de l’Association Française des Aficionados Practicos. La période contrôlée s’étend de 2019 à 2023.

Les collectivités “très impliquées dans la promotion de la culture taurine”

La corrida. Ph. Bolsin, Pixabay

Le rapport entame par une tautologie : “La ville de Nîmes est une place tauromachique de première importance en France. Ses deux férias, celles de Pentecôte et des Vendanges, en septembre, connaissent une large renommée. La commune et la communauté d’agglomération sont très impliquées dans la promotion de la culture taurine du territoire et le maintien des traditions tauromachiques. Les arènes sont propriété de la ville, qui supporte un coût net de 7 M€ sur la période pour le fonctionnement et l’investissement du monument historique. Le rayonnement et l’occupation des arènes dépassent toutefois largement la seule tauromachie.” Notamment pour les Jeux romains ou divers spectacles.

L’édition 2024 de la Feria de Pentecôte a rassemblé de 1,2 million de visiteurs en cinq jours, d’après la mairie de Nîmes. Les magistrats soulignent que “la tauromachie espagnole nîmoise repose sur des acteurs privés et associatifs, en nombre très resserré. Elle est quasi-exclusivement portée par une société privée, SCP France, délégataire sur la période contrôlée, et deux associations, le Centre Français de Tauromachie et l’Association Française des Aficionados Practicos, tous historiquement présents sur la place nîmoise”.

“Exploitation des spectacles tauromachiques déficitaire pour la société exploitante”

Et distribuent les bons points : “Les contrats successifs de délégation de service public pour l’organisation des spectacles tauromachiques apparaissent très protecteurs des intérêts de la commune : la commune perçoit de son exploitant une redevance qui s’est élevée au total, sur la période 2019-2023, à 601 k€. Ce montant couvre largement les dépenses municipales consacrées à l’organisation des spectacles tauromachiques (266 k€ sur la période) et à la promotion de la tauromachie (198 k€).”

De son côté, la communauté d’agglomération Nîmes Métropole a engagé des dépenses pour son festival amateur dédié à la tauromachie Tradition et Aficion, dont le coût de la seule tauromachie espagnole s’est élevé à 477 k€ sur la période 2019-2023, soit 4 % du budget communautaire alloué à la culture.

La CRC pointe aussi “une exploitation des spectacles tauromachiques déficitaire pour la société exploitante ; les exigences fortes de la commune en matière de programmation et de tarification, acceptées par le délégataire, lui laissent peu de marge quant à l’organisation des saisons taurines. Sur la période, les résultats du délégataire sont déficitaires. L’augmentation de ses charges (cachet des toreros, achat des taureaux et sécurité) n’est pas couverte par les recettes.”

“Dans une tradition de feria plus large qui génère des retombées économiques importantes”

Corrida, illustration. Pixabay

Mais “les deux associations, qui œuvrent pour la promotion de la tauromachie espagnole et la formation des jeunes, bénéficient de soutiens publics, nécessaires à leur fonctionnement. Elles doivent à ce titre renforcer leur rigueur juridique et comptable pour rendre mieux compte de l’emploi des subventions attribuées. Réciproquement, la ville comme la communauté d’agglomération doivent veiller au contrôle de l’emploi des subventions octroyées aux deux associations”.

La corrida s’inscrit dans une tradition de feria plus large qui génère des retombées économiques importantes. “Entre 2019 et 2023, les moyens financiers engagés par la commune pour l’organisation des ferias (5,4 M€) ont été 20 fois plus importants que ceux engagés pour les spectacles tauromachiques. Si, historiquement, la corrida a précédé la feria, cette dernière draine aujourd’hui un public bien plus large que les seuls spectacles tauromachiques. En 2023, lors des deux ferias, 100 000 personnes ont assisté à un spectacle tauromachique dans les arènes pour 1,9 millions de participants aux festivités. Les retombées touristiques et économiques sont importantes pour le territoire, sans que la place de la corrida puisse être spécifiquement identifiée.”  Les férias sont parvenues à rassembler un public large parfois très éloigné du public d’aficionados tant et si bien que leur succès est de moins en moins lié à l’organisation de la corrida.

“Retombées touristiques et économiques importantes”

“Entre 2019 et 2023, les moyens financiers engagés par la ville pour l’organisation et la gestion des férias (5,4 M€) ont été vingt fois plus importants que ceux engagés pour les spectacles tauromachiques. La commune a perçu sur cette période des redevances d’occupation du domaine public d’un montant total de 535 k€. Les retombées touristiques et économiques des férias sont importantes pour le territoire, en matière d’hébergement, de restauration et de consommation. En 2023, pour un même nombre de nuits, deux fois plus de taxe de séjour sont collectées lors des férias que hors férias. Cependant, les retombées attachées spécifiquement à la corrida ne peuvent être évaluées.”

Olivier SCHLAMA