À ce rythme, ce sera bientôt une colonie ! La nuit dernière, préfecture et tous les organismes spécialisés l’ont confirmé : une nouvelle ponte de tortue caouanne a eu lieu sur le lido de Sète, soit cinq cette année dont deux en Occitanie. Ce qui était jusqu’ici de l’ordre de l’exceptionnel, devient un début d’habitude, même si la magie opère toujours !
Il y eut, précurseure, une ponte à Villeneuve-les-Maguelone, près de Montpellier en 2018 avec une soixantaine de bébés tortues qui s’étaient, dès la naissance, jetés dans les bras de la Méditerranée ; puis, en 2022, à Valras-Plage où après quelques 60 jours d’attente, 57 bébés tortues caouanne (caretta caretta) sont sorties de l’oeuf ; et cette année Marseillan-Plage, le 9 juillet et, enfin, ce mardi 17 juillet à Sète ! C’est un promeneur qui a repéré des traces. Il s’agit d’un phénomène exceptionnel.
“Au total, on compte déjà cette année cinq pontes cette année de tortues caouanne : deux en Occitanie (Marseillan puis Sète), trois en Paca (Villeneuve Loubet, Porquerolles, Saint-Cyr-sur-Mer)”, abonde Renaud Dupuy de la Grandrive, responsable du milieu marin d’Agde et de l’Aire marine protégée.
“Elles cherchent de nouveaux territoires, des habitats de ponte…”
On en sait finalement peu sur cette espèce. “Pourquoi viennent-elles pondre chez nous ? On ne sait pas trop. Peut-être que le changement climatique joue un peu sans doute avec réchauffement de l’eau, du sable plus chaud, ce qui favorise éclosion des œufs, la modification des courants marins…?”
D’autres hypothèses courent : “Mais, plus sûrement, elles cherchent de nouveaux territoires, des habitats de ponte… Et puis il y a aussi la bonne gestion des populations de tortues en Grèce (avec plus de 3 000 nids) et de Turquie ces dernières années, dont sont originaires la majorité des tortues caouanne observées dans notre région”, répond le naturaliste. “Cette année il y aussi eu beaucoup de nids en Italie, plus de 160, et en Espagne, plus de 20…”
“Véritable chaîne de réaction, solidaire”
Renaud Dupuy de la Grandrive ajoute qu’il “faudra voir si les pontes sont viables, si les tortillons sortiront vivants”, précise-t-il. Et la réponse sera en septembre ! “C’est une véritable chaîne de réaction, solidaire, qui permet de suivre ces pontes.” Il tient à faire remarquer l’implication des collectivités, des pouvoirs publics et des organismes spécialisés. Et les vacanciers (qui) “sont vraiment respectueux des sites, surtout à Marseillan qui est plus touristique et très curieux. C’est aussi un excellent moyen de sensibiliser sur la plage aux Enjeux biodiversité et changement climatique”.
Plus de 600 tortues caouanne soignées à la Grande-Motte
Créé il y a juste vingt ans, le CESTMed, l’un des rares centres de soins des tortues marines, inaugurait à la Grande-Motte, cet hiver ses nouveaux locaux agrandis qui vont également lui permettre de franchir un cap : aller au-delà de la trentaine de tortues Caouanne accueillies chaque année, comme vous l’expliquait Dis-Leur ICI. C’est un outil indispensable pour cet animal qui bénéficie d’un grand capital sympathie. Symbole de la défense de la biodiversité, la caouanne est par ailleurs un indicateur de la santé de la Méditerranée. Et il va avoir du pain sur la planche !
La préfecture souligne que les acteurs publics locaux se sont pleinement mobilisés pour la protection du nid. À commencer par communes de Sète, d’Agde, l’Aire marine protégée de la côte agathoise, le CEN Occitanie, Sète Agglopôle, et les services de l’Etat ; la Société herpétologique de France (SHF), les observateurs du Réseau tortues marines de Méditerranée française, le personnel du Centre d’études et de sauvegarde des tortues marines de Méditerranée ou encore les acteurs du programme européen Life Turtlenest et le Muséum d’histoire naturelle.
Une ponte qui reste rare
“Les eaux de Méditerranée occidentale sont connues pour être un habitat privilégié des tortues immatures et sub-adultes, souligne-t-on en préfecture. Cependant, l’Observatoire des tortues marines constate depuis peu une activité de reproduction plus régulière avec une ou deux pontes avec éclosion de tortues marines sur le littoral méditerranéen français. Une nette augmentation des pontes de ces tortues est également observée en Italie et en Espagne depuis une dizaine d’années.”
Les programmes de protection de cette espèce et de leurs habitats apportent des résultats
Les raisons restent à identifier par les chercheurs sur le long terme et cette tendance interroge les scientifiques : les nids déposés en Méditerranée occidentale sont-ils viables, la température du sable est-elle suffisante ? Certaines tortues marines seraient- elles en train de coloniser de nouveaux habitats de ponte ? Est-ce la conséquence d’une augmentation de la température de l’eau, des courants ou l’évolution naturelle des habitats de nidification ? D’une manière générale, les politiques et les programmes de protection de cette espèce et de leurs habitats apportent des résultats.
Une forte mobilisation pour protéger le nid
Fort des expériences de 2016 (Saint Aygulf, Var), 2018 (Villeneuve Les Maguelone, Hérault), 2020 (Fréjus, Var) et 2022 (Valras, Hérault), un protocole de protection des nids a pu être rapidement déployé par l’ensemble des acteurs. Le réseau garantit une réactivité d’intervention et de collecte de données sur les tortues marines de Méditerranée, et permet de surveiller l’état de ces populations, d’informer le grand public et de soigner les tortues en difficulté dans les centres de soins habilités du CESTMed à La Grande Motte (Hérault).
Le public est sensible à cet événement exceptionnel et prêt à s’impliquer dans la préservation du nid. Si les embryons se développent normalement, il faudra attendre la fin de la période d’incubation (55 jours en moyenne) pour espérer observer la course des tortillons vers la mer. Laisser faire la nature est souvent le plus indiqué : accompagner sans déranger.
Les tortues marines, des espèces protégées
En France, toutes les espèces de tortues marines sont protégées. Ainsi, toute personne qui intervient sur une tortue marine doit être dûment habilitée par les autorités compétentes. Les tortues caouanne et les six autres espèces de tortues marines présentes dans les mers et océans du monde sont toutes inscrites sur la liste rouge des espèces menacées de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature).
Observer, informer, c’est protéger !
La saison de ponte des tortues caouanne s’étale généralement de juin à mi-août. La maturité sexuelle chez cette espèce est tardive (autour de 30 ans) et elle se reproduit tous les 2 à 4 ans. La taille adulte varie de 90 cm à 1 mètre, pour un poids moyen de l’ordre de 135 kg.
Durant la ponte qui dure parfois plusieurs heures, les tortues sont vulnérables et tout dérangement pourrait leur nuire ou les pousser à faire demi-tour. La réglementation française interdit toute perturbation intentionnelle (manipulation, nuisance lumineuse) de ces espèces protégées.
Aussi, il est très important de respecter certaines règles en cas d’observation de pontes de tortues : respecter une distance de dix mètres pour ne pas la déranger, éteindre toutes les sources de lumières artificielles, ne pas photographier les tortues avec un flash, ne pas toucher les tortues et les œufs.
Olivier SCHLAMA
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Vous avez observé une trace de tortue marine sur le sable, une tortue marine en mer, une tortue morte ou en difficulté ? Transmettez ces informations au:RTMMF (06 64 79 54 23) ou au CESTMed (06 24 47 51 55)
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