Insolite : Dans les Pyrénées, ils sont fous ces Grand Tétras !

Un Grand tétras. Photo Thomas GRIEHSON-PFLIEGER de Pixabay

Particulièrement sensible à l’altération de son habitat et aux activités humaines, la population pyrénéenne du Grand tétras comprendrait actuellement environ 4000 spécimens (dont environ 50% des mâles). On a observé récemment un comportement anormal, dû à un “dérèglement hormonal” chez certains de ces mâles. Un état temporaire qui ne doit surtout pas inciter à chercher un rapprochement. Pour les spécialistes, un  seul conseil : “Ne vous approchez pas !”

Ce comportement anormal d’agressivité ou de manque de méfiance envers l’Homme reste temporaire, sans doute lié à une trop forte imprégnation de l’homme dans un environnement naturel très (trop ?) fréquenté. Il correspond principalement à la période de reproduction, alors que le pic hormonal est à son apogée.

Déranger l’oiseau peut mettre en péril le cycle de reproduction

“Il est essentiel de ne pas sur-solliciter ces oiseaux : en voulant profiter de ce comportement hors normes pour les observer, vous les dérangerez à coup sûr, même sans le vouloir (…) Ces dérangements, comme pour les autres oiseaux, entrainent une dépense d’énergie excessive qui peut mettre en péril ses capacités de survie et de reproduction”, explique Franck Reisdorffer, chargé de mission Faune et interactions avec les activités humaines pour le Parc national des Pyrénées.

“Ce n’est pas un état permanent de l’oiseau, c’est en général lié à la saison de reproduction, souligne Franck Reisdorffer. Là, c’est vrai que cela démarre très tôt, mais c’est une situation que nous avions déjà observée les deux dernières années. On connaît le phénomène, mais on ne sait pas vraiment ce qui le déclenche chez certains oiseaux, à certains moments et pas à d’autres…”, poursuit-il.

Ce qui est sûr c’est que le Grand tétras est particulièrement sensible à l’altération de son habitat et aux activités humaines, la population pyrénéenne du Grand tétras est plus sensible, sans doute en raison d’une présence humaine qui grandit d’année en année. Alors que c’est beaucoup moins vrai dans des habitats qui sont mieux préservés.

Image d’illustration. Photo RENATE de Pixabay.

L’an dernier, deux “coqs fous” ont été tués par des randonneurs

Le Grand tétras étant un animal plutôt discret, il n’est pas facile de faire le bilan des “coqs fous” qui sillonnent le massif. Pour le spécialiste, “on a constaté deux cas sur le territoire du parc. Sur le plan statistique on pourrait supposer une base de 1 pour 100, mais je crois quand même qu’on est loin d’avoir une vingtaine de cas actuellement. Deux signalés dans les Pyrénées-Atlantiques, un dans les Hautes-Pyrénées. peut-être un du côté de la Haute-Garonne. L’important c’est qu’ils puissent passer cette période le plus tranquillement possible.”

En effet, l’année dernière, deux cas se sont terminés par la mort des oiseaux, confrontés à des randonneurs peu au fait de la nature et de ses contraintes. L’état dans lequel se trouvent les Grand tétras touchés par ce “déréglement hormonal” leur impose une grosse dépense d’énergie, à un moment où ils sont le plus souvent en manque de nourriture. Or, l’oiseau va avoir besoin dans quelques mois de toute son énergie pour participer au cycle de reproduction…

“C’est vrai que ce sont de gros oiseaux, qui peuvent être impressionnants (*), souligne Franck Reisdorffer. mais le seul vrai danger il est pour l’oiseau, pas pour l’humain. Le seul conseil qui vaille, c’est de dire qu’il ne faut pas se rendre sur les lieux où ils ont été repérés. Et encore moins s’en approcher si vous le croisez.”

La fréquentation humaine, un risque qui ne cesse d’augmenter

Ainsi, la fréquentation sans cesse grandissante des sites naturels par une population humaine pas toujours très respectueuse constitue le principal risque pour les Grand tétras, comme pour l’ensemble de la faune locale. “Le public est malheureusement trop souvent déconnecté de la réalité de ce qu’est la faune sauvage. Il y a des règles simples de bonne conduite à respecter : rester sur les chemins, dans les sentiers. Le Parc naturel n’est pas un parc animalier. on peut avoir la chance de croiser des animaux dans leur élément naturel, mais il faut éviter de trop les solliciter.”

Comme le souligne le site du Parc national des Pyrénées : “Le dérangement d’un Grand Tétras au même que tout dérangement de la faune sauvage notamment en zone cœur du Parc national des Pyrénées, constitue une infraction comme « trouble ou dérangement volontaire des animaux » sanctionnable au titre du code de l’environnement.”

Quelques secondes d’observation valent-elles la survie d’un Grand Tétras ? Pour ceux qui aiment (vraiment) la nature, la réponse est contenue dans la question !

Philippe MOURET

(*) Le Grand tétras, appelé aussi Coq de bruyère, se caractérise par un bec fort et par une caroncule rouge vif (excroissance charnue comme celle qui pend à la base du bec des dindons), très visible au-dessus de l’œil. Son dos est noir, ses ailes brunes avec une tache blanche, le poitrail d’un vert bleu brillant. Sa queue, qui s’arrondit comme celle d’un dindon lors de la parade, est constituée de grandes plumes noires parsemées de taches blanches. Il pèse entre 2,5 kg et 5 kg pour les mâles. Son envergure peut aller jusqu’à 130 cm. Les populations présentes dans les Pyrénées appartiennent à une sous-espèce particulière : Tetrao urogallus aquitanicus. D’un naturel discret et très farouche, le Grand tétras se révèle très bruyant pendant la période des amours au printemps. Le Parc national constitue un des derniers gros bastions de sa présence (plus de 10 % des effectifs pyrénéens).

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