Il y a 150 ans, le 12 septembre 1874, mourait l’historien et homme politique François Guizot qui fut l’une des personnalités les plus influentes du XIXe siècle, en France et en Europe. Son image dans la mémoire nationale est faite d’ombre et de lumière. Né sous Louis XVI le 4 octobre 1787, Guizot a connu tous les régimes jusqu’à la Troisième République. La loi de 1833, qui oblige chaque commune à recruter un maître et à ouvrir une école primaire de garçons, et la création du corps des Inspecteurs généraux des monuments historiques, constituent une part de son héritage.
Libéral en politique, mais sceptique à l’égard du suffrage universel et conservateur sur le plan social, il a aussi été rendu responsable de la chute du roi Louis-Philippe. Ce souvenir a occulté d’autres aspects de sa personnalité et de sa pensée, où s’unissent l’engagement politique et la vie intellectuelle – “le plus philosophe des politiques et le plus politique des philosophes”, disait de lui le républicain
Jules Simon.
Son père, Girondin, a été guillotiné sous la Terreur
Originaire de Nîmes, François Guizot est issu de la bourgeoisie moyenne et grandit dans la foi protestante qui sera essentielle pour lui. Son père, un Girondin, meurt guillotiné sous la Terreur. François passe une partie de sa jeunesse à Genève. Il débute sa carrière comme journaliste avant d’être nommé dès l’âge de 25 ans professeur d’histoire à la Sorbonne.
Il y enseigne l’histoire de l’Europe et en particulier l’histoire de l’Angleterre, modèle à ses yeux des gouvernements libres. Il publie les premiers volumes d’une œuvre historique considérable, notamment une Histoire de la civilisation en Europe et une Histoire de la civilisation en France.
Nommé Secrétaire général du ministère de l’Intérieur en 1814, François Guizot s’engage en politique sous la Restauration dans l’opposition libérale. En janvier 1830, il est élu député du Calvados. Ardent défenseur du régime parlementaire, il entre au gouvernement dès l’avènement de Louis-Philippe, d’abord comme ministre de l’Intérieur, puis comme ministre de l’Instruction publique. Le “moment Guizot”, selon la formule de l’historien Pierre Rosanvallon, constitue un temps fort dans l’histoire de l’Éducation nationale.
Ministre des Affaires étrangères, président du Conseil…
Ministre des Affaires étrangères de 1840 à 1848, il fait bâtir le Quai d’Orsay, fonde la première “Entente cordiale” avec l’Angleterre et, plus largement, promeut en Europe l’union des régimes libéraux face aux puissances autocratiques. La conquête de l’Algérie se poursuit, et Tahiti passe sous protectorat français.
François Guizot prend la présidence du Conseil à partir de septembre 1847, confirmant sa position de principal ministre avant que la chute de la Monarchie de Juillet ne mette fin à sa carrière politique . Opposant notoire au régime autoritaire du Second Empire (1852-1870), il continue cependant d’exercer une forme de magistère, notamment au sein de l’Institut dont il est membre (*).
Pour Guizot, les libertés politiques et parlementaires ont pour compléments indispensables les libertés intellectuelles, celles qui s’acquièrent grâce à l’instruction primaire, mais aussi dans l’indépendance des académies, garantie par le statut de l’Institut de France. La Coupole est donc le lieu le plus approprié pour commémorer l’historien et homme d’État, à l’occasion des 150 ans de sa disparition. La cohérence de sa pensée et de son action y prend tout son sens, autour du principe cardinal de la liberté qui a conservé dans le temps une évidente actualité.
Conférences autour de “l’héritage intellectuel de Guizot”
Organisé par France Mémoire, la mission des commémorations nationales, en partenariat avec l’Association François Guizot, cet événement aura lieu le 10 décembre 2024 à 15h. Cinq orateurs se succèderont sous la Coupole de l’Institut de France pour évoquer, devant un public constitué d’académiciens, de professeurs, d’étudiants, et de divers auditeurs, l’héritage intellectuel de François Guizot. Une version développée de ces travaux sera disponible dans un ouvrage publié aux éditions Calmann-Lévy.
La veille, lundi 9 décembre, le prix Guizot-Institut de France sera remis en Grande salle des séances. Il est attribué tous les deux ans à l’auteur d’une grande œuvre d’histoire, d’étude du monde contemporain, des sociétés ou d’analyse politique.
Ph.-M.
(*) Fondé en 1795 par la Première République, après la suppression par la Convention des académies royales, l’Institut a été chargé de promouvoir la vie intellectuelle dans tous les domaines des sciences, des lettres et des arts. Il a d’abord été organisé en trois “classes” (le terme d’académie ne sera repris qu’en 1816) : Sciences physiques et mathématiques, Littérature et beaux-arts, Sciences morales et politiques. Sous le Consulat, Napoléon Bonaparte supprime la classe des sciences morales et politiques, où ses adversaires politiques étaient nombreux. Lorsqu’il devient ministre de l’Instruction publique, Guizot rétablit les sciences morales et politiques à l’Institut (octobre 1832). Il est donc le fondateur de la cinquième académie formant l’Institut de France. Il en est élu membre, avant d’être admis à l’Académie des inscriptions et belles-lettres et à l’Académie française.
Pour aller plus loin :
Et aussi :
https://www.guizot.com/fr