Dans ces deux communes littorales, se tient la 6e édition d’une manifestation rare. Trois temps forts : film sur Anita Conti, fable poétique d’Alain Damasio et un bateau en papier de 20 mètres de long ! Mais aussi une multitude d’autres rendez-vous. “Notre force, c’est de proposer des spectacles en espaces publics et on s’adresse au grand public” pour parler écologie positivement et en poésie.
Spectacles, ciné-plage, littérature, rendez-vous scientifiques, collaborations artistiques, pauses et balades… Déjà, Pignon sur mer avait investi Collioure en 2021, Port-Vendres en 2022, Elne (qui possède une plage, si si). Cette année, dès demain et jusqu’à dimanche 15 septembre, c’est à Port-Vendres & Collioure que le festival débarque. Deux villes voisines, “comme deux faces si proches, si différentes, si complémentaires d’une même colline qui les relie (ou les sépare, selon) de moins de 1500 mètres : 20 minutes à pied, 5 minutes à vélo…”
Interroger l’environnement en s’appuyant sur la culture
Et surtout un état d’esprit commun de cette manifestation “populaire et intelligente”, selon le mot d’Anne Guiot, originaire d’Argelès, qui dirige Karwan (caravane en persan) organisateur de Pignon-sur-Mer : interroger l’environnement à partir de la mer en s’appuyant sur la culture. Rare ! C’est aussi et surtout un festival gratuit qui ne peut exister que par l’apport d’un budget de 84 000 € alimenté par les deux communes où il se tient. Mais aussi du Parc marin, de la Drac, du département des P.-O. et de la Région Occitanie (1).
Anita Conti, Alain Damasio et un bateau en papier de 20 mètres de long !
Il y aura trois moment artistiques forts : le film projeté sur Anita Conti, première femme océanographe, qui délivre un message puissant sur la surpêche… en 1950 ! Il y aura aussi la présence d’Alain Damasio. Écrivain mais aussi “philosophe, pour Anne Guiot : il a écrit une fable écologique pour la traversée ; c’est passionnant au niveau artistique : on est presque en train d’inventer une forme : c’est une création qui correspond à une performance théâtrale. Il n’y aura pas tant de science-fiction que cela. Et, à la fin, il sollicitera l’avis du public sur une prise de conscience et la foi…” Troisième temps fort, celui “d’un artiste allemand, Frank Bölter, qui va construire un bateau en… papier de 20 mètres.” Un origami géant. “Sa démarche est de travailler sur la récupération de matériaux industriels. On peut donc réutiliser du papier ou d’autres matériaux pour une seconde vie et lui donner d’autres fonctions. Ce n’est pas qu’un geste d’enfance.”
L’éco-anxiété est majeure. C’est regrettable. Nous, on traite de façon plutôt poétique et positive…”
Anne Guiot, directrice du festival
Anne Guiot explique la démarche : “Nous sommes des Méditerranéens ; on vit près de la mer que nous ne connaissons finalement pas si bien que cela. La Méditerranée est une ressource incroyable, ce qui peut être dangereux pour ; elle est aussi et surtout élément constitutif de la planète. En interrogeant la mer, on s’interroge nécessairement sur notre planète”. Et sur nous-mêmes.
“C’est cette prise de conscience qui est vraiment intéressante.” Pour Anne Guiot, cette prise de conscience est désormais dans les esprits “mais de façon angoissée. L’éco-anxiété est majeure. C’est regrettable. Nous traitons de façon plutôt poétique et positive. Pour la première édition du festival, au Racou, je parlais, à l’époque, d’incendies et de sécheresses. C’était dans des pays lointains ; maintenant, c’est ici. On est tristement rattrapés. Ce que tout le monde sait. Surtout ici dans les P.-O. où le risque d’incendie est maximal. Comment ne pas se sentir concernés !?”
“Armer notre intelligence avec de la poésie dans l’espace public”
Toujours selon Anne Guiot, parmi les milliers de festivaliers qui seront présents, “ce ne sont pas que des gens acquis à la cause qui se retrouveront dans ces deux communes à suivre et participer à un événement culturel sur les trois prochains jours. Notre force, c’est de proposer des spectacles en espaces publics et on s’adresse au grand public comme sur la plage de Collioure, dimanche, au milieu des baigneurs et des familles, certes pour voir le funambule – si la météo n’est pas trop venteuse… Ndlr– mais aussi voir l’écrivain et philosophe Alain Damasio…”
Mettre en avant des acteurs locaux
Mais aussi : “Cette prise de conscience symbolise bien ce que nous voulons faire armer notre intelligence avec de la poésie dans l’espace public. Une partie est très importante pour nous : mettre en valeur ce qui est déjà actif dans les territoires que l’on rencontre. Que cela ait un rapport à la mer ou à l’environnement. Par exemple, à Collioure, un artiste pêcheur qui pratique la peinture Gyotaku. Pour rendre hommage à une belle prise, de l’enduire à l’encre de seiche ; de la recouvrir de papier de riz et s’en servir pour faire de très belles empreintes. Lui, se sert d’encre classique et de coton, mais c’est le même principe qui est à l’oeuvre.”
Autre exemple de mise en avant lors de ce festival vrai, le Paradis des Bulles, “un centre de plongée éco-responsable. Le responsable a construit son propre bateau avec des matériaux de récupération, qui fonctionne à l’énergie solaire et quand il fait des sorties en mer, c’est nécessairement une sortie à la journée pour éviter de dépenser trop de carburant et de trop polluer. Avec lui, on est amené à regarder tout le paysage marin, au-delà des poissons, y compris la flore. C’est une autre approche. C’est très important parce que cela veut dire que la transition écologique est active. Près de chez nous. Elle est déjà incarnée.”
“Ce festival, qui commence à être connu avec plusieurs de milliers de visiteurs accueillis à chaque édition, nous l’avons créé en 2019 suite à un appel à projets du Parc naturel marin du Golfe du Lion qui reste aujourd’hui un partenaire privilégié”, explique la créatrice de ce festival original, Anne Guiot, monté par Karwan dont le siège social est à Marseille et une antenne dans les P.-O.
Olivier SCHLAMA
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(1) La gratuité de la manifestation est rendue possible grâce au soutien du Parc naturel marin du golfe du Lion et de l’Office Français de la Biodiversité, des villes de Collioure & Port-Vendres, de la direction régionale des Affaires Culturelles (DRAC Occitanie), de la Région Occitanie, du Département des Pyrénées-Orientales mais aussi de nombreux acteurs culturels, scientifiques et associatifs (Eurek’Art, Lieux Publics, In Situ | Co-funded by the European Union, Occitanie Livre & Lecture, Librairie Oxymore, Cinémaginaire, Musée d’art moderne de Collioure, Observatoire Océanologique de Banyuls, la Réserve naturelle de Cerbère-Banyuls, SOS Méditerranée…). Enfin, de partenaires privés (Collioure acteurs économiques) et médiatiques comme Dis-Leur !
Au programme :
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Vendredi 13 septembre :
16 h 30-18 h 30 : Performance collaborative “Jusqu’au bout du monde”, origami XXL de Frank Bölter. Quai de l’Obélisque, Port-Vendres.
18 h 30-19 h 30 : Inauguration de l’exposition Je te salue vieil océan par Cesc Farré & Sylvère Sabarthes au Pavillon des arts, Port-Vendres.
21 h-22 h : Ciné-plage : Voyage de documentation de Madame Anita Conti, film documentaire écrit par L. Hémon & Aurélie Brousse, plage du Boramar, Collioure.
Samedi 14 septembre :
9 h-10 h : Conférence scientifique “Café crème et crème solaire” avec Maeva Giraudo (Ingénieure de recherche en écotoxicologie marine à Sorbonne Université), Didier Stien (Directeur de Recherche au CNRS, exerçant à l’Observatoire Océanologique de Banyuls-sur-Mer) et Clarisse Chevry (Parc naturel marin du golfe du Lion), plage du Boramar, Collioure.
10 h-11 h : Démonstration de peinture gyotaku par Axel Thomas, boulevard du Boramar, Collioure.
10 h-12 h : Atelier cyanotype par Véronique Armand de l’Atelier du rêve, dôme centre d’art, Port-Vendres.
10 h 30-11 h 30 : Visite guidée de l’exposition Plein soleil, Collioure 1945-1985 par Juliette Klein, guide conférencière, musée d’art moderne de Collioure.
10 h 30-12 h 30 Performance collaborative Jusqu’au bout du monde : origami XXL de Frank Bölter, esplanade et plage du Faubourg, Collioure.
11 h-12 h : Conférence “Les résultats de 50 ans de protection du milieu marin” par Virginie Hartmann (responsable scientifique de la Réserve naturelle marine de Cerbère-Banyuls), salle maritime du Château Royal, Collioure.
14 h-15 h 30 : Rencontre littéraire “L’écologie pour Alain Damasio”, animée par Valérie Hernandez (journaliste), hangar de l’ancienne Criée, Anse Gerbal, Port-Vendres.
Balade éco-théâtrale Greenwalk par la compagnie En Transition. Départ devant la médiathèque (1 rue Henri Dunant), jusqu’au quartier de la Citre, Port-Vendres.
16 h 30-18 h : Rencontre littéraire autour d'”Héliosphéra, fille des abysses” de Wilfried N’Sondé et “La meilleure vie” de Coralie Garandeau, animée par Brice Torrecillas (journaliste), à la librairie Oxymore, rue Arago, Port-Vendres.
18 h-18 h 45 : Spectacle Pulse par la compagnie Kiaï, quai de l’Obélisque, Port-Vendres. 19 h-20 h 30 : Découverte du bateau du Paradis des bulles, quai Fanal, Port-Vendres. 20 h 30-23 h : Ciné-Plage avec “Nausicaä de la vallée du vent” de Hayao Miyasaki, plage du Boramar, Collioure.
Dimanche 15 septembre :
8 h 30-10 h : balade dessinée avec Lisa Vilacèque du musée d’art moderne de Collioure. Départ du Musée d’art moderne de Collioure jusqu’à la crique de l’Oli (Réservations)
8 h 30-10 h : balade littéraire avec Wilfried N’Sondé. Départ de la librairie Oxymore à Port-Vendres jusqu’à la crique de l’Oli. (Réservations).
9 h-11 h 30 : Pôle Grand Large : d’un atelier à l’autre, fabrication de la maquette de la goélette Miguel Caldentey, diorama commenté sur le Miguel Caldentey, visite du Miguel Caldentey, démonstration de peinture gyotaku, quai Pierre Forgas, Port-Vendres.
9 h 30-11 h : Brunch des sables par le camion Chavanne, crique de l’Oli, Collioure. 10 h -11 h : Spectacle Enfin ! par la compagnie En transition, crique de l’Oli, Collioure. Visite du jardin Denat et découverte de la permaculture, rendez-vous à 9 h 45 devant la Tour d’Avall, Collioure.
11 h-12 h : Atelier du Laboratoire ambulant du Biodiversarium, tour d’Avall, Collioure. Visite guidée de la Vinaigrerie La Guinelle à Cosprons.
11 h 30-13 h : Performance dessinée en musique par Laurent Bonneau (illustrateur) et Laurent Sastre (musicien), cave du domaine Claire Mayol, Port-Vendres.
14 h 30-15 h 30 : Atelier du Laboratoire ambulant du Biodiversarium Tour d’Avall, Collioure.
14 h 30-16 : Rencontre littéraire autour d'”Horizons climatiques – Rencontre avec neuf scientifiques du G.I.E.C.C” d’Iris Amata-Dion & Xavier Henrion, en présence de l’auteur, salle maritime du Château Royal de Collioure.
16 h-16 h 45 : Théo Sanson et Alain Damasio, Sur le fil de leurs pensées. Traversée funambule et théâtrale, plage du Boramar, Collioure. Possibilité de voir le spectacle depuis la mer à bord des barques catalanes de Collioure ou des Llaguts de rems de Port-Vendres (dans la limite des places disponibles). Embarquement à 15 h 30 au port de Collioure.
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