Vice-présidente de la Région Occitanie, Claire Fita s’est investie pour les élections européennes sur la liste PS-Place publique que mène Raphaël Glucksmann. Elle recueille de bonnes intentions de vote. Une dynamique qui mord sur les électorats de LFI et de Macron. Le programme ? Trouver 400 milliards d’euros pour réindustrialiser l’Europe et lancer une révolution écologique. Pour ce faire, la liste propose de taxer les riches et les superprofits et lancer un emprunt commun.
La dernière enquête Ipsos avec le Cevipof et l’Institut Montaigne, la Fondation Jean-Jaurès et le Monde est claire : la liste du PS-Place publique (14 %) talonne celle de la candidate Renaissance (17 %) – qu’elle pourra peut-être dépasser d’ici le scrutin du 9 juin – menée par Valérie Hayer et semble prendre – un peu – le large sur LFI, dont la tête de liste, Manon Aubry, semble écrasée par la stature de Mélenchon et ses visées obstinément présidentielles et dont les prises de position sur Gaza, le Hamas et même l’Ukraine lui font perdre électeurs et sympathisants. Toujours selon les dernières intentions de vote, le favori reste, de loin, Jordan Bardella (RN).
Référendum pour ou contre la politique antisociale et antifiscale de Macron
Et puis, Raphaël Glucksmann fait tout simplement une bonne campagne que Claire Fita qualifie de “dynamique“. L’expérience d’un premier mandat européen alliée au fait que des espaces entre les candidats s’ouvrent ainsi à gauche, en font une tête de liste et une liste crédibles, profitant également des difficultés d’Emmanuel Macron. Les Européennes pouvant s’apparenter pour certains électeurs à un référendum pour ou contre sa politique antisociale et antifiscale (réforme des retraites, celle des chômeurs…) Le PS-Place publique mène, lui, une campagne habile, tangible, à l’écoute, qui n’est pas une campagne de militants.
“Clarté et sincérité de Raphaël Glucksmann sont appréciées et notre électorat identifie mieux nos propositions”
“Nous sentons une écoute chez les électeurs”, analyse Claire Fita. Comment l’explique-t-elle ? “Le contexte s’y prête. Ce que nous vivons, cette inquiétude massive quelle que soient les populations – même si j’entends qu’il y a plutôt une défiance vis-à-vis de l’Europe -, la population est ouverte pour écouter ce que représente l’enjeu de ces élections. Je ne dis pas qu’elle est convaincue mais elle est ouverte.”
La candidate ajoute : “Ce qui transpire aussi parmi les gens que nous rencontrons c’est la personnalité, la clarté de Raphaël Glucksmann. Depuis le début de son précédent mandat, ses prises de position, que ce soit au niveau international ; sur le conflit en Ukraine ; les attaques terroristes du Hamas en Israël, etc., sont toujours les mêmes. Il a une parole, toujours identique. Cette clarté et cette sincérité sont appréciées par notre électorat qui arrive à mieux identifier quelles sont nos propositions.”
“Nous sommes pro-européens mais nous avons une vision critique de l’Europe”
Justement, quels sont les thèmes d’une campagne qui s’intitule “Réveiller l’Europe” ? “Derrière cette large ambition, nous affirmons que nous sommes pro-européens, sans ambiguïté, qui s’inscrit dans cette logique de clarté, et un projet de gauche qui veut changer d’Europe. Mais, même si nous affirmons que nous sommes pro-européens, nous avons une vision critique de l’Europe et notre projet c’est une Europe qui protège. Depuis 30 ans, nous vivons dans une Europe ultra-libérale et ce n’est pas la faute de l’Europe ; ce sont bien des choix politiques mis en oeuvre par la droite européenne qui y est majoritaire depuis 30 ans. Nous voulons davantage d’Europe et mieux d’Europe. Elle doit protéger d’abord la paix, notre sécurité ; cela veut dire l’Europe de la défense ; le soutien à la résistance ukrainienne et, par là-même, cela veut dire protéger notre démocratie. En Ukraine, c’est une guerre qu’y fait la Russie et que Glucksmann qualifie de hybride face à l’ensemble des démocraties ; d’attaques de hackers russes sur nos hôpitaux, par exemple. Avec une escalade dangereuse et impressionnante.”
“Je suis petite-fille de réfugié républicain espagnol… Il faut savoir se préparer à la guerre pour concevoir la paix”
Claire Fita ajoute : “Mon engagement dans ces élections européennes, c’est aussi de dire : défendons la paix ; nous sommes la génération de la paix européenne, surtout dans notre région, l’Occitanie, où l’on sait ce que c’est qu’une République qui tombe. Ce fut le cas de l’autre côté des Pyrénées, dit-elle. Je suis petite-fille de réfugié républicain espagnol… Il faut savoir se préparer à la guerre pour concevoir la paix, vraiment.”
“Le RN c’est une trahison que nous voulons dénoncer”
Mais qu’est-ce qui différencie, dans cette élection, la liste PS-Place publique de LFI d’une part, et de celles des macronistes et du RN d’autre part ? “Le RN, c’est simple : il veut moins d’Europe et un repli nationaliste et identitaire. L’un comme l’autre, c’est le chaos et c’est l’affaiblissement de la France. Pour nous, le RN c’est une trahison que nous voulons dénoncer. Sur tous les plans. Au niveau international, face à la Russie, le RN s’est compromis avec le régime. Dans les mots il soutient la résistance ukrainienne mais, dans les faits, il ne soutient aucune force soutenant la résistance ukrainienne. Le RN veut que l’on se relie au gaz russe ; que l’on n’aille pas trop loin sur la fourniture d’armes, nous prédisant une catastrophe. C’est une trahison du patriotisme dont il se revendique. Notre projet, c’est aussi du patriotisme démocratique.”
“Sentiment de déclassement, le désespoir…”
Comment expliquer qu’une partie de la jeunesse adhère aux thèses du RN ? “C’est vraiment, je pense, le sentiment de déclassement, le désespoir et la situation concrète de nos population qui se dégrade ; un prix de l’énergie qui a énormément augmenté ; un pouvoir d’achat en berne et pour nous tous. Y compris pour l’alimentation : en deux ans, quand on faisait des courses pour 70 €, il nous en faut au moins 100 € pour le même nombre d’aliments, etc. Ces difficultés sont à la source de cela. Et puis nous avons un gouvernement français qui ne se positionne pas sur une quelconque justice sociale ou fiscale. Quand on dit à la population qu’il suffit de traverser la rue pour trouver du travail, c’est un manque de considération des difficultés, ce qui est inadmissible. Qui met en colère. Et, moi, je suis en colère.”
“Avec Raphaël Glucksmann, l’espoir à gauche renaît et il renaîtra davantage si nous arrivons à concrétiser le 9 juin”
Ou quand on dit aussi : “C’est la faute aux chômeurs”. “C’est ça. Cette stigmatisation est insupportable. Ce contexte faut aussi monter les extrêmes. Il faut aussi nous aussi à faire notre autocritique ; nous n’arrivons pas à proposer une alternative suffisamment crédible.” Mais “avec Raphaël Glucksmann, l’espoir à gauche renaît et il renaîtra davantage si nous arrivons à concrétiser le 9 juin. Y compris si le Parti social démocrate devient le premier au Parlement européen. C’est de ce premier parti qu’émergera le président(e) de la Commission européenne. Aujourd’hui, c’est la droite qui dispose d’une vingtaine de sièges en plus que le Parti social démocrate. Cette alternative est possible et c’est notre liste qui peut permettre cette alternative”.
La différence avec Macron : la justice sociale et fiscale
Et quelles sont les différences avec la liste Macron ? “C’est la justice sociale et fiscale. Pour arriver à porter un projet ambitieux sur la révolution écologique, notamment, notre liste dit : le pacte vert, c’est une avancée mais ce n’est absolument pas suffisant. C’est essentiellement sur des contraintes alors qu’il faut passer à la vitesse supérieure et investir massivement. Il faut un plan massif à 400 milliards d’euros. Notamment en matière de réindustrialisation. La différence fondamentale, c’est que ce ne sont pas les mêmes personnes qui la paient ! Nous disons qu’il faut des moyens supplémentaires. Macron n’est pas dans cet état d’esprit.”
Réindustrialisation et révolution écologique
“Nous, nous expliquons aussi comment nous voulons financer cette réindustrialisation et cette révolution écologique (énergies renouvelables, panneaux photovoltaïques, notre train à hydrogène, l’éolien flottant…) il faut 400 milliards d’euros par an. D’abord, nous voulons taxer les riches ; les riches, ce sont les multimillionnaires et les milliardaires : cela rapporterait 200 milliards d’euros de recettes par an en Europe. Aurore Lalucq, députée européenne, avec un autre député, ont lancé une Initiative citoyenne européenne (ICE) et nous sommes en train de récolter des signatures (il en faut certes un million sur 400 millions d’habitants, dans au moins sept pays européens, Ndlr) pour demander à la Commission de répondre à leur interpellation en vue de taxer les riches.” Et tenter de forcer les États à mettre cette mesure en place.
“Un emprunt commun, de 100 milliards d’euros, comme nous l’avons fait pendant la crise sanitaire”
Seconde proposition de la liste menée par Glucksmann ? Taxer les superprofits : “Cela rapporterait 100 milliards d’euros supplémentaires. Et ça la liste Renaissance y est opposée. Ce qu’ils proposent, mais c’est un détournement, c’est de le faire au niveau mondial. Faisons-le déjà au niveau européen ; surtout que l’on sent bien au niveau des autres États certains l’ont mis en place. Troisième source de financement, un emprunt commun, de 100 milliards d’euros, comme nous l’avons fait pendant la crise sanitaire.” A gauche, Claire Fita ne “compte pas d’ennemis. Nous avons des propositions différentes avec les autres composantes de la gauche“. “La vraie différence avec LFI, précise-t-elle, c’est sur l’international et l’Ukraine et leur attitude de ne pas vouloir condamner le Hamas comme organisation terroriste, etc. C’est inacceptable. Sur l’Ukraine, nous sommes convaincus qu’il faut aller jusqu’au bout. Nous sommes convaincus qu’elle fera partie demain de l’UE…” Avec les Verts, nous “avons la même ambition écologique mais il est vrai que nous sommes convaincus qu’il faut cette réindustrialisation”.
Quand on entend Claire Fita et Raphaël Glucksmann, on pense à Jaurès et Delors… “Exactement“, sourit-elle. Pour ressusciter cette gauche humaniste ? “Tout à fait”, répond la candidate.
Olivier SCHLAMA