Escalade, bowling, plaine de jeux, trampolines, laser game… En quelques années, ces salles se sont déjà fait une grande place : il en existe déjà 2 500. Montpellier et Toulouse sont bien représentées. Ces activités variées sur une même unité de lieu plait aux familles : en 2023, cela représentait un chiffre d’affaires de 1,3 milliard d’euros. Et ce n’est pas fini ! Une quinzaine d’inaugurations de complexes sont prévues d’ici la fin 2025.
La fillette saute sur ce trampoline à s’en rompre les chevilles de fatigue… Avant de se jeter sur un mur d’escalade attenant. Dans des salles adjacentes de ce lieu multi-activités proposant ces nouveaux loisirs indoor, ce sont des jeux d’arcade et des tables de billard qui se succèdent ; tout près on peut, dans une autre salle incroyablement équipée, surfer des vagues…!
Ce complexe presqu’imaginaire n’existe pas encore mais il est très certainement dans les cartons d’un investisseur qui n’aura pas de peine à y associer des banques pour boucler son budget de plusieurs millions d’euros. Les activités indoor sont la nouvelle poule aux oeufs d’or ! Pour un grand complexe comme il en existe dans la capitale ou alentour, la mise est de 5 M€ à 10 M€ – avec aussi une capacité à investir régulièrement pour renouveler l’offre) mais le retour sur investissement fait baver les investisseurs : de l’ordre de 30 % de taux de rentabilité brute (pour du multi-loisirs), soit deux fois plus que les parcs d’attraction qui débordent de monde !
En 3e position, après le cinéma et le musée !
Ancien directeur de banque, Benjamin Chevalier sait de quoi il parle. Celui qui est le cofondateur de l’enseignement Gravity (désormais deux salles dédiées au trampoline à Toulon) et président de l’association Space qui réunit 300 adhérents de loisirs indoor dans l’Hexagone (représentant plus de 1 000 parcs intérieurs), il s’est laissé convaincre par une opportunité. “Il existe environ 2 500 établissements en France“, confie-t-il. Et ce n’est pas fini ! À ce jour, les loisirs indoor arrivent en 3e position après le ciné (50 % des ménages y vont au moins trois fois par an) et le musée ! Et au coeur on trouve l’inaltérable bowling, qui de porte très bien. Sa force ?C’est que c’est une activité familiale centrale. C’est très vieux comme concept mais, du coup, toutes les générations connaissent, du plus âgé au plus jeune.
Le concept demande un flux important de clients

Le “panier” moyen, les dépenses sur place ne sont pas très élevées en moyenne, de l’ordre de 20 € à 30 €, avec la moitié des clients qui ne se restaurent pas sur place mais il a tendance à augmenter. C’est pour cela que le modèle ne fonctionne vraiment que près d’un flux important de clients. Compte tenu de ce facteur, il est en plein essor comme les promesses économiques qu’il génère : au niveau mondial, on parle d’un marché de 46,5 milliards d’euros avec une croissance insolante de 9 % par an d’ici 2030, dont la moitié se réalise en Amérique du Nord.
C’est à peu près le même rythme de développement pour la France qui rattrape un certain retard. Déjà, le chiffre d’affaires est conséquent : 1,3 milliards d’euros en 2023. “Nous attendons les chiffres de 2024 à fin août mais on sait déjà que la dynamique se poursuit et nous pensons que ce sera encore plus important.” Avec une croissance du chiffre d’affaires de 15 % ces dernières années, c’est carrément une poule aux oeufs d’or.
48 % des Français projettent de tester un loisir indoor
Le nombre de visiteurs serait compris entre 30 millions et 50 millions de personnes. D’après un sondage de l’association réalisé par Opinion Way, qu’il trouve déjà obsolète (!), en 2023, les Français plébiscitent ce genre de loisirs : 46 % des personnes sondées disent avoir déjà au moins une fois fréquenté ce divertissement et presque la moitié (48 %) projettent de s’y rendre un jour. Mais vu le développement annoncé, l’autre moitié de la population qui n’y a jamais mis les pieds pourront se rattraper.
Et ils ont le choix ! Bowling (comme quoi on sait faire du neuf avec du vieux !) ; laser game, billard, karaoké, quiz, aires de jeux, trampoline, mini-golf… Et même un lieu fou au centre commercial SQY Montigny-le-Bretonneux (Yvelines) : une piste de kartings, certes électriques, qui passe au milieu des magasins ! De quoi venir passer un bon moment en famille sans se soucier de la météo. Quant aux gérants de ces salles indoor, leur souci premier est de savoir renouveler leur offre en permanence au risque de voir cette clientèle accro, mais volatile (regardez le néo-succès des casinos qui invitent le quidam à participer aux lotos de notre enfance !) s’enticher d’une autre salle ou d’un autre loisir.
Grandes agglomérations, villes moyennes

Du pain et des jeux ! Depuis l’aube de l’humanité, on n’a pas trouvé mieux. Les anglo-saxons ont même inventé le terme de “eat entertainment” (littéralement : “nourriture et divertissement”) car ces complexes farcis d’anglicismes sont souvent adossés à une proposition de restauration. Benjamin Chevalier précise “qu’en fonction de la taille de l’établissement, la dépense moyenne commence à 10 € et cela peut aller jusqu’à 40 € ; cela dépend aussi si c’est une salle multi-activités ou pas”.
Pour que ce soit bien rentable, il faut du flux de clients et donc les parcs se situent dans des centres commerciaux où il y a beaucoup de passage et/ou dans de grandes agglomérations. Même si les villes moyennes tirent leur épingle du jeu. “Montpellier et Toulouse sont assez pourvues”, dit-il encore. Comme à Carcassonne (Aude) où l’enseigne Monky prévoir de s’installer sur 7 000 m2 d’ici à la fin de l’été.
“Des loisirs de proximité avec une zone de chalandise situées à maximum 15 à 20 minutes”

Urbaniste de formation, consultant, Vincent Philippe a créé un observatoire des nouveaux lieux de loisirs fin 2017 des salles indoor, Funfaircity. Il dit à propos de cette forme de loisir dans l’air du temps : “Ce sont des loisirs de proximité avec une zone de chalandise situées à maximum 15 à 20 minutes de distance, pose-t-il. Les métropoles sont déjà bien équipées et les petites vont l’être de plus en plus. En centre-ville pour des concepts uni-activité ou en périphérie pour des concepts multi-activités. C’est le cas à Toulouse, par exemple avec des escape et autres expériences immersives sur 500 m2 et des sports loisirs en périphérie, avec des grandes salles d’escalade, karting… Il y a aussi une grande enseigne, Games Factory, principal multi-activités de ce secteur. Comme le groupe M6 qui a acheté un autre, la Boîte aux Enfants qui détient 25 parcs, dont l’un est installé à Toulouse.” Il note l’existence “d’un concept assez unique, spectaculaire, sur plus de 800 m2, dans la Ville Rose : un escape game ouvert, Enigma City. C’est un entrepreneur local qui a développé cela”.
“À Montpellier, le centre commercial Odysseum a été conçu, dès l’origine, avec une vraie portée loisirs”
Montpellier connaît le même dynamisme “avec une spécificité, souligne Vincent Philippe : le centre commercial Odysseum qui a été conçu, dès l’origine, avec une vraie portée loisirs. Avec plusieurs salles et même un planétarium, un aquarium, escalade, un action game de Fort Boyard, aussi. Pas beaucoup de lieux en France ont été conçus de la sorte”. Et d’ajouter qu’il “manque dans la capitale de l’ex-Languedoc-Roussillon un complexe multi-activités de plus de 5 000 m2 qui est certainement dans les cartons d’une grande enseigne”. Qui peut attirer jusqu’à 700 000 visiteurs par an quand il y a restaurants et hôtelleries ! Très important même si cela est dopé par la location de salles pour les entreprises.
Ces loisirs indoor ont accompagné la sortie du covid
Ces loisirs indoor, qui ont accompagné, depuis 2023, la sortie du covid, “ont vu leur activité exploser, comme l’explique Benoît Samarcq, directeur d’études chez Xerfi et auteur justement d’une étude sur le sujet qui prévoit une quinzaine d’inaugurations en France de complexes multi-activités sont prévues d’ici la fin 2025 (1). “Jusque-là on connaissait le bowling, le laser game, la plaine de jeux pour enfants, salle de trampoline. Et maintenant il y a tous les nouveaux acteurs, notamment à thèmes, color room (ateliers d’expression à travers la peinture, Ndlr), brick room (ateliers de construction, notamment en Lego, Ndlr) qui s’installent bien en centre-ville ; le karaoke, aussi ; et dans les centres commerciaux on trouvent de gros acteurs de loisirs indoor, français : karting, bowling, laser game, trampoline...”
Seul secteur qui évolue depuis dix ans

Benoît Samarcq va plus loin. “Au-delà du chiffre d’affaires de ce secteur, 1,3 milliard d’euros, ce qui est intéressant, c’est sa dynamique qui a plus que doublé entre 2015 et 2024. Ce qui est énorme. Il existe très peu de postes de dépenses réellement “arbitrables” des ménages qui aient cette évolution. La mode a fait – 30 % par exemple ; l’équipement de la maison est variable avec une progression sur le petit électroménager mais sur le loisir, c’est le seul secteur qui évolue ainsi depuis dix ans.”
Est-ce une tendance comparable à ce qui s’est passé Outre-Rhin ou Outre-Atlantique ? “On est plutôt bien avancés par rapport à pas mal de pays européens. Ceux qui sont en avance, ce sont les pays anglo-saxons, notamment les USA où il y a une transformation qui a débuté plus tôt dans les centres commerciaux, entre autres. On parle de retail entertainment. Et comme il n’est pas facile, réglementairement, de créer un grand complexes, on le fait davantage dans des centres commerciaux. Il suffit d’y intégrer une offre de restauration…”
Énormément de petits entrepreneurs se sont lancés. Il y a aussi des réseaux de franchises qui tendent à se structurer et qui prennent de plus en plus d’ampleur”
Quelle est la physionomie de ce marché ? Benoît Samarcq, directeur d’études chez Xerfi, répond : “On est avant tout dans un monde d’indépendants. Énormément de petits entrepreneurs se sont lancés. Il y a aussi des réseaux de franchises qui tendent à se structurer et qui prennent de plus en plus d’ampleur. Avec, notamment, l’émergence du groupe Hadrena qui a fait une levée de fonds en 2024 de 140 M€ (propriété avec 150 sites en Europe et aux USA de l’homme d’affaires controversé Pierre-Edouard Stérin, proche de l’extrême-droite, avec l’ambition d’en compter un millier en 2030, Ndlr). Il est présent dans toute la France et il a racheté trois des principales enseignes de complexes de loisirs Speedpark, Games Factory et Koezio, en plus de leurs marques (Eclipso, Koezio, Fort Boyard Aventures, Kojump, Activate). C’est un secteur qui attire les fonds d’investissements et les investisseurs.
“Les dépenses de loisirs sont sanctuarisées, elles sont une priorité”

Les ménages font-ils un arbitrage financier clair dans leur budget pour privilégier les loisirs ? Oui, malgré la crise, on ne se prive pas sur les loisirs. En revanche, on fait des économies sur ses vêtements et l’équipement de son logement, en achetant à vil prix sur Tému et Shein… “Clairement, note-t-il. Et, en plus, il y a aussi l’alternative de la seconde main avec Vinted, le Bon Coin ; Claire’s ; Action qui a multiplié ses magasin en deux ans… Les dépenses de loisirs, elles, sont sanctuarisées. Elles sont une priorité.”
Les loisirs indoor jouent une belle partie
Mais ce modèle ne va-t-il pas être qu’un feu de paille…? Comme le fut l’explosion des salles de fitness, désormais aux mains de grands groupes qui ont fait le ménage avec des offres low cost, qu’il faut de l’argent et un pilote économique hyper-précis ? “C’est notre hypothèse dans notre étude, avance Benoît Samarcq : des acteurs de plus en plus gros vont émerger comme pour les salles de sport ; d’autant plus que l’on a tendance à voir sortir de terre des concepts de plus en plus importants et qui nécessitent beaucoup l’argent. Cela ne veut pas dire que les petits indépendants vont disparaître. Cela restera relativement accessible d’ouvrir certains concepts comme un laser game ou un karaoke, par exemple. De même un bowling familial.” Il ajoute : “Les ménages préfèrent moins dépenser de biens de consommation mais pas globalement rogner sur leurs dépenses de loisirs : les stades de foot sont pleins ; les parcs d’attraction cartonnent ; les concerts, c’est pareil.” Et les loisirs indoor jouent une belle partie.
Olivier SCHLAMA
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Le groupe Xerfi est en France le leader des études économiques sectorielles.
800 escape room ont ouvert en dix ans…
Résumé de Benoît Samarcq, directeurs d’études chez Xerfi, cabinet spécialisé.
Que dit l’étude de Xerfi sur les activités indoor ? “Dire que le marché des salles de sport et loisirs indoor est en pleine forme est un doux euphémisme. Ces dix dernières années, plus de 800 escape rooms ont ouvert leurs portes tandis que le nombre de complexes de foot à 5 a presque doublé et que plusieurs réseaux de salles d’escalade ont émergé. Et les nouveaux concepts fleurissent à l’image des quiz rooms et autres action games. Il faut dire que les dépenses des Français en activités privées récréatives et sportives, qui ont bondi de plus de 40% depuis 2019, devraient dépasser les 12 milliards d’euros en 2024.”
Pour ce spécialiste, “ce n’est pas fini. Car les moteurs ne manquent pas entre la réorientation des dépenses des ménages vers les loisirs, les prochaines ouvertures de complexes, les innovations des acteurs ou encore le potentiel de la clientèle BtoB. Une quinzaine de complexes multi-activités d’au moins 5 000 m2 devraient ainsi sortir de terre d’ici fin 2025, selon le recensement des experts de Xerfi. Ces perspectives de croissance alléchantes ne laissent pas les investisseurs indifférents et pourrait à terme donner le coup d’envoi de la consolidation du secteur.”
Course à l’innovation
Une course à l’innovation qui concerne tous les segments du marché : les bowlings s’équipent de grands écrans LED au-dessus des pistes, certains circuits de karting intègrent la réalité augmentée, tandis que les parcs de trampolines proposent des parcours inspirés des parcours ninja. Pour diversifier leur offre, les exploitants de concepts peuvent notamment se tourner vers des licences ou franchises de jeux proposant des concepts clés en main. Plusieurs quiz games (Quizz Boxing, Quiz Room, etc.) et action games (Prison Island, Experimental Park, etc.) se déploient actuellement sous ce format.
Fin de partie pour un parc à thème en Occitanie
A Beziers, on attend toujours de savoir si le projet de parc d’attractions sur le cinéma et les jeux vidéo aboutira un jour, sachant que le président du département de l’Hérault n’en veux plus… En attendant, les parcs d’attraction, ailleurs, deviennent de vraies destinations touristiques comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI.
En tout cas, il n’y aura pas comme imaginé jusqu’en 2018, le tout premier parc à thème en Occitanie. Le conseil régional d’Occitanie avait pourtant obtenu les conclusions encourageantes d’études de faisabilité techniques qui ne signalaient rien de rédhibitoire à sa création. Restait à trancher sur le choix de la thématique et le montage financier d’un dossier majeur pour le tourisme régional. Carole Delga, présidente de la région avait affiché sa volonté en novembre 2016 devant les professionnels du tourisme régional réunis à Albi, de susciter la création d’un parc de loisirs. “Quand on regarde la carte de France, il y a un grand blanc, c’est en Occitanie”, avait-elle explicité. Après cette amorce, des spécialistes de la Région avait rencontré les six grands noms européens dans ce domaine, sans l’obligation de les astreindre à une thématique précise.
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