Chronique : Ces lieux et personnalités qui marquent notre appartenance à la langue d’oc

Sur Saint-Clair, à Sète. Ph Jordan Saïsset.

Comme le formule dans sa chronique Miquelà Stenta, ex-prof d’occitan à l’université de Montpellier, et présidente du Cercle Occitan de Sète, patronymes et noms de lieux rappelant notre culture pullulent. Dis-moi ton nom…

Dis-moi ton nom… / Diga-me ton nom… Ces illustres – et moindres pour d’autres –  qui portent des noms occitans, le savaient-ils ?

Es que l’occitan es pertot, dins los patronimes, los toponimes, s’ausís (il s’entend) cada jorn, mas mau pronociat, se vei (il se voit) cada jorn, mas mau escrich. Entau es marcat dins lo màrmol (ainsi il est inscrit dans le marbre), incognito, il se promène en passager clandestin.

Incognito, il se promène en passager clandestin

Jean-Paul Sartre, par exemple, viendrait-il à l’idée de quelqu’un de l’appeler Jeau-Paul Tailleur ? E pasmens, un sartre, en òc, es ben un “tailleur”.

Pierre Petitfermier, aquò vos ditz quicòm ? (ça vous parle?) Non ? Voyons : il était du “Sud-ouest” et avait honte de son accent, sociologue bien connu (La Domination masculine, 1994)… E òc, es eu, Bourdieu, de l’occitan bordilh, petit fermier donc.

Le nom d’un ruisseau sec !

Homonyme de Marie, Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’Etat auprès de la ministre des Armées, est venue ce mardi rencontrer les légionnaires installés dans le camp du Larzac. Photo : DR.

Et Louis XV, aurait-il remarqué cette femme jusqu’à en faire sa favorite, s’il avait su qu’elle s’appelait “madame du bas-quartier”, que “barri” en òc es le rempart, le quartier, qu’i vivon lo mande paure sovent de malafachas (d’expédients) ?

Quant à Marie Darrieussecq, c’est un comble pour une écrivaine de porter le nom d’un ruisseau sec !  En effet, d’arrieu sec en gascon, c’est le de (ar)rieu sec ailleurs en Occitanie.

Un serre est une colline

Ph Jordan Saïsset.

Michel Serres, lui, était-il à la hauteur philosophique de Michel Montaigne ? Saique totes dos parlavan la lenga nòstra. Lo primièr disiá “un patois de lavandières des bords de Garonne” ; lo segond escriguèt dans les Essais : “Que le gascon y aille si le françois n’y peut aller”, en parlant des langues. Hauteur”, oui, car “un serre” en òc es une colline, de còps auta (parfois haute), et montaigne es la fòrma francizada au sègle XVI (XVIe siècle) de montanha.

Méfions-nous des traductions rapides !

Mas, mèfi ! Méfions-nous des traductions trop rapides ! La carrièra (rue) Josaiga a Tolosa, jamai es pas estada jos aiga (sous l’eau) ! C’est la rue juive, signalant un quartier du même nom. Dans tel village du côté de Pamiers, la rue de l’Abbé Radou n’a peut-être jamais vu un abbé, encore moins appelé Radou ! Es tot simplament la carrièra de l’abeurador (l’abreuvoir). Ailleurs, la rue de la Calade offre un joli pléonasme : la rue de la rue… pavée, que una calada es efectivament una carrièra empeirada (empierrée).

Ces noms, aussi bien de personnes que de lieux, sont légion ; ils marquent une appartenance à la langue d’oc, à un territoire où elle existait bien avant le français, et aujourd’hui souvent ignorée, faute d’enseignement, de visibilité.

Miquèla STENTA