Chambre des comptes : Face aux difficultés financières, l’avenir de la corrida est posé

Arènes de Nîmes. Ph. Hongbin, Undsplash

Saisie par le public, l’institution vient de rendre un rapport éclairant : ces manifestations sont en déficit structurel et le soutien public est modeste, à hauteur de 19 000 euros par an en moyenne et par commune.

La corrida vit-elle, dans le Midi, ses dernières éditions ? Pour la chambre régionale des compte d’Occitanie (CRC), qui a publié un rapport éclairant portant sur Les soutiens publics à la corrida, ici, la question est posée. Ce rapport fait suite à une demande citoyenne, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI. Cette enquête unique en son genre s’est appuyée sur le contrôle d’un échantillon représentatif de six communes occitanes accueillant des spectacles de corrida et de novillada (tauromachie espagnole) : Nîmes, Béziers, Vic-Fezensac, Céret, Saint-Gilles et Bellegarde.

Sur 52 villes au total accueillant ces manifestations dans leurs arènes, 21 sont situées en Occitanie

L’enquête a cherché à répondre aux questions suivantes : quel est précisément le soutien public (subventions, logistique…) au secteur de la tauromachie espagnole ? Comment ce secteur est-il organisé ? A-t-il un modèle financier équilibré ? Quelles relations entre tauromachie espagnole et ferias ? Et ses magistrats spécialisés en ont conclu à la fragilité de son écosystème.

Premier enseignement, corridas et novilladas d’Occitanie bénéficient d’un soutien public modeste. L’Occitanie occupe une place importante dans la tauromachie espagnole : sur 52 villes au total accueillant ces manifestations dans leurs arènes, 21 sont situées en Occitanie. Ce sont ainsi 56 spectacles de tauromachie espagnole qui ont été produits dans la région en 2023, dont plus de la moitié dans quatre arènes, Nîmes, Béziers, Vic-Fezensac et Céret. Les ferias qui se déroulent parallèlement ont rassemblé 100 000 spectateurs à Nîmes, 40 000 à Béziers et 20 000 à Vic-Fezensac.

“Ces soutiens restent modestes, à hauteur de 19 000 euros par an en moyenne et par commune”

Les magistrats de la CRC analysent : “Si les organisateurs des spectacles de tauromachie espagnole sont des acteurs privés, associations ou sociétés, les communes et les intercommunalités leur apportent des aides financières ou logistiques. Elles peuvent également soutenir des acteurs associatifs œuvrant en faveur de la promotion de la tauromachie ou acheter des places de spectacles. Mais ces soutiens restent modestes, à hauteur de 19 000 euros par an en moyenne et par commune, soit 0,12% de leurs charges de gestion annuelles. Les situations communales sont toutefois disparates, ainsi en 2023, Béziers a engagé 103 000 € de dépenses, quand Nîmes percevait des produits à hauteur de 24 000 €.”

“Coût d’entretien est important surtout pour celles classées monument historique comme à Nîmes ou Béziers”

L’institution précise : “Les arènes, lieu emblématique de la culture taurine, sont généralement propriété communale, et leur coût d’entretien est important surtout pour celles classées monument historique comme à Nîmes ou Béziers. Mais les coûts d’entretien de ces arènes ne peuvent être rattachés aux seules manifestations de tauromachie espagnole, les communes cherchent d’ailleurs à diversifier les activités se produisant dans les arènes (spectacles, concerts…) afin d’optimiser cet équipement.”

Les difficultés rencontrées par les organisateurs de spectacles de tauromachie espagnole les poussent à se regrouper, ce qui rend le marché de moins en moins concurrentiel”

Une fois ceci posé, la chambre pointe “un équilibre financier difficile à atteindre pour les organisateurs. Les déficits récurrents dégagés ces dernières années par les organisateurs de spectacles de tauromachie espagnole posent au final la question de leur devenir. Les difficultés rencontrées par les organisateurs de spectacles de tauromachie espagnole les poussent à se regrouper, ce qui rend le marché de moins en moins concurrentiel. Dans ce contexte, si les communes se disent attachées à la culture tauromachique, le cadre d’exercice qu’elles définissent (exigences de qualité, contraintes fixées, volonté d’un engagement financier minimal) contribue à éroder la rentabilité économique du secteur et accroît le risque, pour les communes qui voudraient poursuivre cette activité en se substituant au secteur privé déficient, de devoir renforcer leur niveau d’engagement financier”.

Au final, “ferias et tauromachie espagnole, deux événements difficiles à dissocier, mais aux coûts et aux retombées très distincts”.

La corrida intégrée dans des festivités plus larges

Les ferias, fêtes populaires qui incluent généralement des manifestations taurines mais ne se limitent pas à cela, sont le plus souvent organisées par les communes dont l’engagement, notamment financier, est alors important. Le nombre de spectateurs de ces festivités est nettement supérieur à celui des spectateurs dans les arènes : il est vingt fois plus important à Nîmes ou Béziers, deux fois plus important
à Vic-Fezensac. Si la corrida a historiquement précédé la feria, il est ainsi difficile aujourd’hui d’évaluer son impact dans le succès des ferias.

Enfin, si les retombées économiques des ferias sont significatives pour le territoire, quoique difficiles à évaluer, celles directement liées à la tauromachie espagnole restent faibles : le nombre d’emplois directs est marginal et les cheptels de taureaux de combat restent très minoritaires par rapport à ceux de la race camarguaise.

Olivier SCHLAMA