Cas de dengue en hausse : Évitez le moustique-tigre, les arnaques aux pièges et aux répulsifs

Aedes albopictus, femelle de moustique-tigre (Aedes albopictus) est une espèce originaire d'Asie du Sud-Est et de l'Océan Indien. C'est son corps, noir tigré de blanc, qui lui a donné son nom. En zone tropicale, il peut inoculer une trentaine de virus, propageant le chikungunya, le virus du Nil occidental, le virus zika, l'encéphalite de Saint-Louis, la dengue.

En 2023, on a comptabilisé 211 cas de dengue importés en Occitanie contre 56 en 2022. L’ARS Occitanie s’alarme pour l’été d’autant que rien depuis le début de l’année 2024, soit en quatre mois, il y a eu plus de 200 cas importés dans la région. Dans la jungle commerciale, Dis-Leur ! fait le point sur les molécules efficaces et des pièges à CO2 agréés.

Avec ces actuelles cataractes de pluie, on peut s’attendre à un boom de naissances de moustiques-tigres d’ici quelques jours… Déjà, les prévisions de l’ARS Occitanie ne sont pas optimistes : le “tigre” est présent partout en Occitanie. Parce que c’est un tueur en série, sans doute le plus meurtrier, et parce qu’il a la capacité de transmettre les virus de la dengue, du chikungunya et du zika (et bien d’autres), les autorités sanitaires le surveillent comme le lait sur le feu, du 1er mai au 30 novembre, sa période d’activité qui se réveille à partir d’une certaine température diurne et nocturne.

“Il n’y a pas, aujourd’hui, en France, d’épidémie de dengue, chikungunya ou zika”

Moustique-tigre femelle au cours d’un repas de sang. Ph. IRD Maxime Jacquet.

Dans l’Hexagone, la plupart des cas sont importés : ils concernent des personnes qui ont voyagé dans une zone géographique tropicale infestée. C’est de retour en France qu’ils peuvent, s’il ont contracté un virus et s’ils sont piqué par un “tigre” que l’insecte peut à son tour être porteur du virus et le transmettre à l’envi à l’occasion de nouvelles piqûres (seules les femelles piquent) pour se nourrir de sang. À ce moment-là, on parle de cas autochtone, celui d’une personne qui n’a pas eu à voyager pour contracter la dengue, par exemple. “Il n’y a pas, aujourd’hui, en France, d’épidémie de dengue, chikungunya ou zika”, certifie l’ARS Occitanie. Pour autant, les cas importés seront toujours plus importants année après année dans un contexte de mondialisation des échanges, comme Dis-Leur ! vous l’a expliqué ICI.

Les cas de dengue importés explosent

En Occitanie, comme en France, “la majorité des cas de dengue signalés en 2023 étaient des cas importés. C’est en lien avec une circulation virale en Guadeloupe et Martinique. Ce nombre a quadruplé dans notre région : 211 cas de dengue importés contre 56 cas en 2022. Par ailleurs, en 2023, 23 cas autochtones de dengue ont été signalés (12 en 2022) dans trois foyers différents, à Perpignan, l’Hérault et le Gard. Le contexte international est favorable à l’importation de cas de dengue.” Et à cause d’une circulation des virus toujours de plus en plus active, depuis le début de l’année 2024, soit en quatre mois, l’ARS a comptabilisé plus de 200 cas importés en Occitanie, soit, déjà, plus de quatre fois le nombre signalé sur la même période en 2023…

Les autorités sanitaires sont tout aussi inquiètes du record de cas importés dans l’Hexagone. Depuis le 1er janvier, près de 1 700 cas importés ont été recensés, contre 131 en 2023 sur la même période, selon le directeur général de la Santé. Évidemment, à chaque fois que c’est nécessaire une enquête épidémiologique est menée dès l’apparition d’un foyer et des centaines de traitements sont menés.

Prudence pendant les vacances en zones infestées

Cage d’élevage de moustiques, CYROI.
Maely Daviles, stagiaire, observe les pontes de moustiques tigre (Aedes albopictus) élevés au laboratoire.

D’où les appels à la prudence si vous devez voyager en zone tropicale cet été. Il faut porter des vêtements amples et qui couvrent bien bras et jambes ; appliquez-vous des répulsifs (attention, c’est la jungle, lire plus bas !). Si vous le pouvez, dormez pendant vos vacances avec une moustiquaire et utilisez des insecticides. Sachez, aussi, que le moustique n’apprécie pas du tout ni les courants d’air, ni les ventilateurs ni même les clim’ qui le dessèchent…

Évidemment, si vous avez une fièvre à votre retour, ce n’est sans doute pas la grippe que l’on attrape… l’hiver : consultez votre toubib ! “De retour de voyage, continuez à vous protéger des piqûres de moustiques. Pour vous et pour les autres : vous pourriez être porteur sain d’un virus”, conseille Amandine Cochet épidémiologiste à la cellule Occitanie de Santé publique France. Evidemment, il faut limiter les eaux stagnantes chez soi (un bouchon suffit !) : le “tigre” est un piètre insecte volant : il ne dépasse pas les 150 mètres d’exploration autour de lui. Sans si vous l’avez trimbalé dans votre valise…

Seules quatre molécules répulsives fonctionnent !

Du BTI. ph. OSC

Pour choisir un répulsif, c’est la jungle. Sachez que seules quatre seules molécules fonctionnent vraiment : le Deet, IR 3535, kbr 3023 et le citriodiol. Peu importe le nom commercial des produits à appliquer sur la peau ; il faut qu’il y ait au moins l’une de ces quatre molécules dans la composition des sprays ou des produits vendus en pharmacie. Ne pas se fier aux autres produits – il n’y a pas encore de législation ! – aux noms commerciaux bien tentants…!

Il existe aussi un seul produit homologué en Europe, le BTI (bacillus thuringiensis israelensis) que l’on trouve dans le commerce comme les jardineries. Son action est efficace dans la mesure où l’on place ces petites pastilles 36 heures maximum après une pluie. Cela peut être sous une terrasse, un petit bassin, récupérateurs d’eau, etc. C’est inoffensif pour les animaux et l’homme.

Les fausses solutions répulsives

Les appli pour smartphone qui diffuseraient des ultrasons ? Foutaise. Bracelets colorés imprégnés de perlimpinpin ? Itou. La citronnelle ? Il en faudrait littéralement des tonnes pour éloigner ces piqûres volantes. Et avec quelques plans… ? Eh bien, ça a l’effet inverse… attirant même les populations de “tigre” ! Quant aux serpentins et tortillons, sorte de fumigène, ça fonctionne. ça fonctionne. Mais attention, on ne connaît pas forcément leur composition mais c’est souvent toxique. A n’utiliser donc qu’en extérieur !

Les pièges à CO2 sont mieux réglementés

Ugo Giovanelli, patron de Isola Bella, à Sète, utilise un piège avec du CO2. Photo : Olivier SCHLAMA

Au vu de ce contexte, vous pourriez être tenté par l’achat de l’un des pièges à CO2 aussi sophistiqués que coûteux. Attention à ceux qui promettent monts et merveilles, comme l’exprimait il y a deux ans, Johanna Fite dans une interview à Dis-Leur !. La responsable de la mission d’expertise sur les vecteurs à l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) avait participé au premier rapport d’expertise sur le sujet. Il restait beaucoup de questions en suspens. En 2022, aucune des machines utilisant du CO2 commercialisées en France ne disposait d’une autorisation de mise sur le marché. Elles ne sont désormais qu’une poignée à avoir franchi ce cap, dont Dis-Leur vous révèle les noms ci-après.

Contactée, Johanna Fite rappelle que “le CO2, l’acide lactique et les autres substances utilisées pour attirer les moustiques femelles sont des substances biocides. Les pièges les utilisant doivent donc être conformes à la réglementation européenne sur les biocides et bénéficier d’une autorisation de mise sur le marché (AMM). L’instruction du dossier de demande d’AMM auprès de l’anses d’un produit permet d’évaluer l’efficacité du produit, mais aussi les risques éventuels pour l’être humain et l’environnement.”

Une poignée de sociétés sont agréées

Pour les pièges à CO2, donc, à ce jour, une poignée de sociétés – trois – ont reçu une AMM, notamment : BG CO2 (Biogents AG) ; Mosquito Magnet (Favex) ; Bam Leurre Moustiques traditionnels (Techno Bam). “Les périodes de tolérance sont passées. En principe, on ne doit plus trouver de pièges à CO2 sans AMM sur le marché. Et, normalement sur l’emballage des produits agréés il y a un numéro AMM.”

Vous retrouverez ICI l’intégralité des décisions sur le site de l’Anses.  Johanna Fite précise que l’on peut également retrouver le contenu des AMM (qui donne les usages autorisés et les conditions  associées, ainsi que les noms commerciaux des dispositifs) en tapant le nom du  dossier dans l’onglet de recherche. Ce bizness est juteux. Certains scientifiques, à l’instar de Frédéric Simard, rappellent que le piège à CO2 c’est aussi une façon d’attirer le moustique-tigre chez soi, y compris ceux de ses voisins ! Et pour faire barrage, il faudrait que chaque voisin en ait un, de piège.

Les autres pièges ne sont pas soumis à autorisation

Un moustique-tigre c’est moins d’un centimètre… Ph O.SC.

Il y a aussi des pièges sans CO2 qui peuvent être commercialisés sans AMM. Mais quelle est leur efficacité réelle ? Johanna Fite dit : “Il n’y a pas eu d’études sur ces produits-là. L’Anses n’a pas encore rendu d’avis sur ces pièges sans CO2 qui ne sont pas soumis à autorisation de mise sur le marché. Les pièges sans CO2 miment les gîtes larvaires, ce sont de petites quantités d’eau qui vont attirer les femelles (avec des phéromones, par exemple, Ndlr) pour quelles y pondent et qu’elles puissent être piégées soit avec un insecticide, un adhésif… Pour qu’elles soient attirées dans le piège, il faut que les autres “réserves” d’eau soient éliminées pour qu’elles n’aient pas le choix pour pondre. Un piège demande aussi d’éliminer tout autre gîte possible. Cette lutte mécanique et individuelle est essentielle.”

Ils nous ouvrent les yeux sur  l’histoire de l’évolution

Quand ils nous vrombrissent à l’oreille, la nuit, ils ne se contentent pas de nous mettre les nerfs en pelote. En nous réveillant, les moustiques nous ouvrent les yeux sur  l’histoire de l’évolution, toujours en marche perpétuelle, et celle de la mondialisation qui s’accélère. Rien que dans les 300 hectares de la forêt de Massane, dans les Pyrénées-Orientales – une goutte d’eau à l’échelle planétaire – , on compte 3 500 espèces d’insectes sur les trois millions recensés dans le monde. C’est l’éminent biologiste Gilles Boeuf, qui fut président du Muséum d’histoire naturelle de Paris, et, accessoirement, du Parc marin du Golfe du Lion, qui rend ainsi intelligible et fascinant cet univers grouillant.

Incarnation de la mondialisation

L’EID Méditerranée avec l’Agence nationale pour la démoustication teste des pièges à moustiques tigre. Photo : Dominique QUET. MAXPPP.

Le moustique, quelle que soit son espèce, c’est l’ennemi public numéro 1 : il se reproduit frénétiquement, est présent partout, s’adapte à tout. Indétrônable. Bref, c’est l’incarnation de la mondialisation doublé d’un tueur en série. Ce qui donne des frissons et pas seulement à cause des fièvres qu’il peut transmettre. Le moustique est, de loin, le porteur de maladies le plus dangereux, pouvant donner chikungunya, dengue, fièvre de la vallée du Rift, fièvre jaune, Zika, encéphalite japonaise, fièvre du Nil Occidental, filiariose lymphatique. Sans oublier le paludisme, 400 000 trépas par an… La dengue ? Elle menace juste plus de 2,5 milliards de personnes sur la planète dans une centaine de pays… Une malédiction fascinante.

Projet unique à Montpellier

Parmi eux, 3 500 espèces connues de moustiques, eux-mêmes génies de l’adaptation, comme l’explique le scientifique dans le livre passionnant de l’écrivain Erick Orsenna, Géopolitique du Moustique. Ils viennent de la nuit des temps (250 millions d’années) mais ne s’attardent pas sur terre : ils vivent en moyenne 30 jours. Ils ont colonisé les cinq continents, Groenland compris. Et tuent en silence 750 000 personnes sur la planète chaque année.

Frédéric Simard de l’IRD Montpellier et porteur d’un projet dans le cadre de l’unité de recherche spécialisée, Mivegec. “L’idée c’est de voir comment il s’est adapté et comment il vit chez nous pour mieux adapter la lutte”, dit-il. Où la technique de l’insecte stérile est amenée à prendre une grande place. Et permet d’imaginer des villes “vertes” comme Toulouse et Montpellier avec le minimum de désagrément.

Olivier SCHLAMA

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