Canigou : Les mesures s’affinent : La “montagne sacrée” a “gagné” 4 cm en 20 ans

Le Canigou a été mesuré par les géomètres experts des P.-O. Ph. DR

Culminant à 2 784,70 mètres, le Canigou n’aurait en fait pas grandi. C’est la méthode qui s’est perfectionnée, selon Emmanuel Cretin-Maitenaz de l’Ordre des géomètres-experts des Pyrénées-Orientales qui a mené expédition il y a une semaine, à pied et à dos d’ânes.

Par les temps qui courent, prendre de la hauteur ne peut pas faire de mal, même en dehors de la politique. C’est ce qu’ont fait les géomètres-experts des Pyrénées-Orientales. L’un d’eux, Emmanuel Cretin-Maitenaz, préside la chambre départementale du syndicat des géomètres qui représente 60 % de la profession des P.-O.. Vingt ans après une première mesure, ces spécialistes en sont arrivés à la conclusion que le Canigou mesure très précisément 2 784,70 mètres de hauteur.

La mesure davantage précise qu’il y a vingt ans

C’est la seconde fois que l’on mesure, dans une époque récente, le Canigou. Il y a vingt ans, en 2004, avec les technologies de l’époque (le GPS) qui étaient sensiblement les mêmes mais qui s’appuyaient sur un réseau de stations permanentes de moindre finesse. “Il y a vingt ans, le Canigou avait été mesuré avec une grille de calculs et un modèle mathématique un peu différent.” Moins efficient.

Le Canigou avait perdu… 15 mètres en deux siècles

Suivant les mesures de l’époque, le Canigou mesurait 2 784,66 mètres, soit quatre centimètres de moins que la mesure d’il y a une semaine. La montagne sacrée des Catalans a-t-elle vraiment grandi de quatre centimètres ? Pas forcément. C’est juste que la mesure est plus précise. Rappelons qu’en deux siècles, selon un reportage de France 3 de 2004, le Canigou avait perdu… 15 mètres sur les précédentes mesures, forcément très imprécises du XVIIIe siècle ! Là aussi, ce sont les progrès de la science qui avaient permis d’affiner la mesure.

 

Emmanuel Cretin-Maitenaz précise : “Si on utilisait la même méthode qu’il y a 20 ans, le Canigou mesurerait en fait 2 784,67. En vingt ans, la mesure n’aurait donc bougé à la hausse que d’un centimètre. On a, en fait, confirmé la mesure de 2004 et on obtient un delta de 1 centimètre, sans pouvoir dire si c’est le Canigou qui a bougé. Autant dire qu’il n’a pas grandi.” Avec le modèle de calcul actuel, sa mesure s’est affirmée et il a “gagné” 4 centimètres. Une hauteur que la montagne mesurait déjà sans doute à l’époque. “Même si le résultat annonce quatre centimètres d’écart, on a tendance à conclure que la hauteur du Canigou n’a pas bougé”, confie Emmanuel Cretin-Maitenaz.

Constellation de satellites

Des ânes pour gravir la montagne sacrée du Canigou. ph. DR.

C’est un événement de promotion de la profession, totalement bénévole, qui met “un éclairage sur notre profession qui fait dans la mesure, la base de notre métier. Mais pas seulement : 50 % de notre activité s’inscrit dans le juridique, d’aménagement du territoire”. Il reprend : “Nous sommes allés mesurer avec précision la hauteur du Canigou, les 13 et 14 juin derniers. Et nous en faisons la restitution aujourd’hui. Pour ce faire, les géomètres se sont appuyés sur “des constellations de satellites. Tout le monde connaît le GPS des téléphones mobiles ou dans la voiture avec lesquels on a une précision métrique. Avec nos instruments, la précision est au centimètre. Pour cela nous comparons les mesures instantanées en les comparant avec celles de stations connues en relation avec les satellites.”

A pied et à dos d’ânes

Le sommet en 3 D. ph. DR.

Les géomètres-experts ont dû, pour mesurer le sommet du Canigou, en faire l’ascension – via Los Masos de Valmanya et de Fillols – parce qu’il “faut justement mettre en place l’appareillage, sur trépied, à un endroit déterminé. On a laissé tourner presque quatre heures nos instruments“. Ils sont montés à pied en chargeant des ânes qui portaient leurs instruments de mesure. En parallèle de cette mesure médiatique du Canigou, on en a aussi profité pour effectuer la mesure modélisée en 3 D du sommet. “On a pris des millions de points pour qu’ils restituent la géométrie parfaite de ce sommet emblématique des Catalans.”

La technologie est de pointe, du laser, notamment qui a été utilisée. “C’est du lidar que l’on a utilisé à partir de drones. On a aussi eu recours à la photogrammétrie, à base de photos”, poursuit Emmanuel Cretin-Maitenaz . Les géomètres ont l’habitude de ces mesures spectaculaires, comme celle du Mont-Blanc, lui y a droit tous les deux ans. Un cas à part : “Il possède une calotte glaciaire dont l’épaisseur, changeante, en fait bouger la hauteur régulièrement. Ce n’est pas le cas du Canigou.” Encore plus inédit : “On envisage éventuellement en 2015 de matérialiser et prolonger une borne sous l’eau à la frontière franco-espagnole. Aujourd’hui, il y a une borne dans une grotte, du côté du Cap de Creus.”

Olivier SCHLAMA

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