Lauréate des budgets participatifs de la Région Occitanie, l’association porte, au Vigan, un projet de mutualisation des outils de transformation de ce fruit emblématique, “symbole de l’autonomie et de la résilience”. De quoi tisser des liens avec les producteurs de la châtaigne AOP du nord des Cévennes.
Permaculteur et castanaéiculteur, membre de l’association La Castagnette, au Vigan, au coeur du Gard Cévenol, Alexis Marcotte avance cette définition complète : “La châtaigne, pour moi, c’est un aliment de grande qualité gustative mais aussi un élément de notre patrimoine. C’est le symbole de l’autonomie et de la résilience. C’est le fruit que produit le châtaignier en abondance. Il suffit juste de le ramasser et de le rendre viable économiquement…”
Valorisation des châtaigneraies locales
Avec son association, il ambitionne, de “relancer l’économie de la châtaigne en Sud Cévennes par la création et la mutualisation d’outils de transformation qui deviennent ensuite des biens communs.” Avec notamment, la création d’un “atelier de transformation des châtaignes ouvert à tous et accompagner à la valorisation des châtaigneraies locales. Les châtaigniers, a-t-il écrit dans le dossier envoyé à la région grâce auquel son projet a été désigné par un vote citoyen l’un des 44 lauréats des budgets participatifs de la collectivité avec 30 000 € à la clef, sont implantés dans les Cévennes depuis le Moyen-Âge. Les pentes montagneuses rendant difficile la culture des céréales, le châtaignier a été appelé “arbre à pain” et a permis de nourrir habitants et animaux pendant des centaines d’années…”
La châtaigne c’est des nids de biodiversité (…) l’exemple parfait d’agro-écologie avant l’invention du terme”
Se tourner vers le passé pour le… dépasser. Alexis Marcotte formule : “La châtaigne c’est des nids de biodiversité (…) l’exemple parfait d’agro-écologie avant l’invention du terme”, les châtaigneraies fournissaient des châtaignes, du bois de chauffage et d’œuvre, des feuilles pour les litières des animaux, des éclisses pour la confection des paniers, un pâturage pour chèvres et brebis et ils permettaient la culture du seigle sous ses ramures…
Les châtaigneraies permettent de “conserver des espaces ouverts tout en évitant l’érosion des sols (si compliqués à maintenir sur les pentes cévenoles). Les espaces ouverts ombragés permettent par exemple aux rapaces de chasser, à une flore et une faune variées de se développer… Et des études ont montré dernièrement une très grande variété de champignons présents sur les parcelles entretenues contre un appauvrissement alarmant des parcelles en friche…”
Châtaignes entassées à claire-voie
Jadis, la châtaigne était récoltée à la main, consommée fraîche grillée ou bouillie pendant la saison de récolte et mise à sécher pour le reste de l’année dans des clèdes (sorte de petits bâtiments encore présents malheureusement souvent en ruine) dans toutes les Cévennes. Les châtaignes étaient entassées sur un plancher à claire-voie sur une épaisseur de 50 cm et séchées et fumées pendant un mois par le feu entretenu à l’étage en dessous. Une fois sèches, plusieurs étapes de tri permettaient d’obtenir les blanchettes ou châtaignons conservables à température ambiante pendant des mois et permettant de faire de la soupe pour les humains et les animaux toute l’année.
La Région Occitanie a octroyé 30 000 € à l’association
“À ce jour, nous avons récolté 33 000 € sur deux appels à projets dont 30 000 € de la Région Occitanie”, confie Alexis Marcotte. Nous espérons maintenant obtenir un financement d’un fonds européen via notre communauté de communes. Cela ne va pas aussi vite qu’on le voudrait…” Mais il ne reste pas les bras ballants. Avec d’autres producteurs, “nous sommes en train de réhabiliter une clède, un outil traditionnel mais aussi des moyens plus modernes comme une éplucheuse thermique… Car le plus difficile pour pouvoir utiliser les châtaignes c’est l’épluchage ! pourront ainsi apporter des châtaignes brutes, récupérer des châtaignes épluchées en conserve ou en vrac et décider ensuite de leur utilisation: cuisine, apéritif, crème de marron…”
Une fois l’association équipée, “n’importe qui, professionnel comme particulier, pourrait venir avec ses châtaignes pour les valoriser. Actuellement, nous sommes déjà sept producteurs autour de la Castagnette. Il y a bien évidemment de la culture de châtaigne dans le nord des Cévennes autour de l’AOP et là bas, à deux heure et demie de route, ils disposent déjà d’un atelier de transformation, à la frontière Lozère-Ardèche”.
“Cela nous est apparu légitime et évident de relancer cette culture”
Il ajoute : “Personnellement, je me suis lancé dans la châtaigne il y a deux ans parce que je me suis installé dans un endroit où il y a une châtaigneraie. Je trouvais dommage d’abandonner cette culture. Mais c’est une culture qui prend beaucoup de temps, notamment de main d’oeuvre. Nous, nous pensons qu’avec ces outils de production partagés, c’est possible de tenir économiquement. C’est le point commun entre les sept producteurs réunis dans l’association. Aujourd’hui, il faut amener ses châtaignes pour les transformer dans une entreprise à deux heures et demie de route et il faut y apporter au moins 300 kilos… Sur notre territoire du pays viganais, nous avons déjà un moulin, le Coudoulous, qui permet, déjà, à n’importe quel particulier de valoriser ses olives. On voudrait faire de même avec nos châtaignes. Cela nous est apparu légitime et évident de relancer cette culture.“
Les planètes s’alignent donc. Surtout que, depuis un an, existe un label AOP pour la châtaigne. Ce qui va aider les producteurs de la Castagnette, de quoi échanger, agrandir leur réseau. Et être plus forts, ensemble. “Tout à fait, opine Alexis Marcotte. Dites-vous, qu’actuellement, la France… importe de la châtaigne ! Notre pari est que ces outils encouragent les producteurs et particuliers à remettre en valeur leurs châtaigneraies et permettent de réintroduire la châtaigne dans notre alimentation courante.”
Label AOP pour la châtaigne des Cévennes
Depuis le 16 janvier 2023, la Châtaigne des Cévennes, production historique des châtaigneraies cévenoles, est officiellement reconnue en appellation d’origine protégée (AOP), une protection à l’échelle européenne qui vaut également reconnaissance. Ce label couronne un savoir-faire historique respectueux de l’environnement au cœur du massif des Cévennes. “Adaptée au climat méditerranéen, la production de châtaigner s’étend sur le massif étendu des Cévennes : Gard, Lozère et Hérault et quelques communes de départements périphériques.”
La culture du châtaignier a aussi façonné le paysage cévenol : des murs de pierres sèches sont construits dans les fortes pentes pour former des terrasses équipées de canaux d’irrigation et d’évacuation. Traditionnellement, la châtaigne est épluchée et séchée dans des bâtiments nommés clèdes ou sécadous. Les savoir-faire des producteurs résident dans l’expertise des terrains, des arbres et la maîtrise des techniques de greffages.
70 opérateurs : arboriculteurs et ateliers de transformation pour une production estimée à 120 tonnes en 2022
“Les fruits destinés à l’élaboration de la Châtaigne des Cévennes proviennent d’une trentaine de variétés et de cultivars locaux. Le débroussaillage chimique est interdit. Seuls les engrais organiques sont autorisés. Les châtaignes sont récoltées après la chute naturelle des fruits, soit directement au sol ou sur filet. Le traitement insecticide post-récolte sur le produit est interdit”, précise l’Inao qui a fait le calcul : on compte plus de 70 opérateurs : arboriculteurs et ateliers de transformation pour une production estimée à 120 tonnes en 2022.
Bientôt une caravane ou remorque grilleuse de châtaignes
Ce n’est pas tout pour l’association la Castagnette : “Il est aussi question de la mise en place d’une caravane ou remorque grilleuse de châtaignes. Afin que les actions de l’association puissent être développées, diffusées et mises en pratique, l’achat d’une remorque permettant de griller des châtaignes et de faire des crêpes à la farine de châtaigne sur les marchés et les foires nous apparaît nécessaire et tombant sous le sens. Que pouvons nous imaginer de mieux que parler châtaignes et châtaigneraie autour d’un cornet de marrons grillés ou d’une crêpe à la farine de châtaigne et crème de marron ! Cela permettrait d’apporter de l’information clients et de fournir un petit revenu à l’association pour lui permettre de se développer. D’autre part, le financement de journées de formation et d’expertise autour des châtaigneraies nous aiderait également à lancer le projet de manière plus efficace.”
Autre versant de ce projet collectif : accompagner les propriétaires ou gérants de châtaigneraies désirant remettre en valeur celles-ci : organisation de journées de formation sur l’entretien, la rénovation et le greffage d’une châtaigneraie, expertise des châtaigneraies en place…
Olivier SCHLAMA
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Lauréate de “Mes solutions pour le climat et l’alimentation”, dernier budget participatif de la région Occitanie, l’association la Castagnette veut donc renouer avec l’utilisation de la châtaigne séchée ou châtaignon. Une clède a été réhabilitée et a permis de sécher une tonne et demie de châtaignes au feu de bois à l’ancienne. Quatre producteurs se sont réunis pour la faire fonctionner : entretenir le feu (de bois mort de châtaignier) sans discontinuité pendant un mois et tourner régulièrement les châtaignes. Une fois sèches, elles ont été dépiquées et ventilées (permettant d’ôter les deux peaux) avec des outils d’époque et a donné lieu à une joyeuse journée d’entraide.