Biodiversité : En Occitanie, le déclin des oiseaux communs se confirme

Une hirondelle... Photo : Michel Fernandez

Hirondelle, pie grièche, bruant proyer… C’est le directeur de la délégation de l’Aveyron de la LPO d’Occitanie qui l’affirme, étude à l’appui menée avec sept autres associations naturalistes. Ce sont les conclusions d’une observation collective de bénévoles durant des années.

“Impossible de nous joindre en ce moment : les gens nous appellent sans arrêt pour des oiseaux blessés…” Rodolphe Liozon, directeur de la délégation territoriale de l’Aveyron LPO Occitanie, est débordé. Et sauver des volatiles n’a jamais été aussi précieux, tellement leurs populations ont chuté depuis trente ans. “Le Museum d’histoire naturelle, dit-il, nous signale qu’il n’y a pas de différence de vitesse de disparition entre l’Occitanie et la France…” C’est lui qui est à l’origine, avec d’autres associations naturalistes (1), d’une étude sur les oiseaux communs en Occitanie, des oiseaux que l’on peut facilement observer au printemps.

Certains agriculteurs diront mordicus qu’il y a de plus en plus de moineaux. C’est faux : les moineaux se rapprochent des fermes et de leurs silos à graines. C’est un biais d’observation”

Bruant-proyer-©P.Besancon LPO-Occitanie

On subodore depuis longtemps que les populations d’oiseaux s’effondrent “mais on avait besoin de le quantifier avec clarté et précision”, dit-il. Pour que chacun prenne conscience de ce qu’il se passe. “Certains agriculteurs diront mordicus qu’il y a de plus en plus de moineaux. C’est faux : les moineaux se rapprochent des fermes et de leurs silos à graines. C’est un biais d’observation.”

Au niveau national, la LPO avait annoncé des chiffres effrayants d’une chute historique de 30 % des effectifs en 30 ans, comme Dis-Leur l’a  expliqué ICI. “Nous sommes sur des tendances qui se valent en Occitanie par rapport au niveau de l’Hexagone. Certes, on ne part pas du même niveau initial en Occitanie – historiquement, l’environnement y est un peu meilleur qu’ailleurs – mais c’est la même courbe que l’on constate.” Sont-ce les mêmes causes qui produisent les mêmes effets destruction des habitats, cultures intensives, produits phytosanitaires… ?

Intensification de l’agriculture avec usage de pesticides

Pie grièche écorcheur. Ph. Michel Fernandez

Ce comptage, qui est une première en Occitanie, est un révélateur. “Souvent, quand on communique sur la baisse des populations d’oiseaux communs, on va vous dire : les causes ce sont les changements de milieux ; l’artificalisation des sols ; les pesticides ; le changement climatique ; les pollutions, etc. Pour conclure : tout ça, c’est très complexe. Et dire ça c’est un problème parce que du coup on ne sait à quoi s’attaquer.” Et le message est brouillé.

Il poursuit : “Début 2023, un groupe de chercheurs européens ont publié une étude pointant quatre facteurs principaux. Le principal, c’est l’intensification de l’agriculture avec usage de pesticides.” D’autres régions ont aussi évalué l’évolution des populations d’oiseaux, comme Auvergne-Rhône-Alpes avec les mêmes courbes descendantes. “On n’en fait pas assez pour limiter cette baisse. Et tant que certains élus n’y croiront pas, on est mal barrés…”

En Occitanie, un réseau de 204 observateurs bénévoles

Hirondelle de fenêtre-©M.Blavier LPO Occitanie

Depuis 1989, les tendances de populations d’oiseaux communs sont suivies en France par le Muséum d’histoire naturelle grâce à la contribution de milliers de bénévoles, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI. La baisse est forte depuis 30 ans, d’environ 30 %. En Occitanie, c’est un réseau de 204 observateurs bénévoles qui se sont mobilisés. Avec la même méthode, celle du Muséum d’histoire naturelle, basée sur des “carrés”. Dans la région, ce sont 334 “carrés” qui ont été définis.

Ainsi, 209 espèces ont été recensées en vingt ans. “Des tendances d’observation ont pu être calculées sur 207 espèces vues plus régulièrement”, explique-t-on à la LPO. Ainsi constat sans appel pour l’hirondelle de fenêtre dont les population ont chuté de 42,7 % en vingt ans, comme ailleurs en France et en Europe, une “espèce qui a dû souffrir de l’appauvrissement de la biomasse d’insectes volants dont elle se nourrit et de la destruction des nids et l’évolution des conditions écologiques sur les voies migratoires et en hivernage”, analyse la LPO.

Urgence à tire-d’aile…

Pigeon-ramier-©P.Maigre LPO-Occitanie

Le pigeon ramier voit, quant à lui, comme en Europe, ses populations augmenter fortement ( +237 % en 20 ans) “peut-être lié au développement d’une population sédentaire, phénomène attribué aux modifications des pratiques agricoles (hausse des surfaces de maïs, tournesol et colza, notamment. Et favorisé aussi par des hivers doux.” Spécialiste des milieux agricoles, le bruant proyer, connaît un “déclin modéré”, alors qu’il est en “augmentation modérée en Occitanie”. Il subit, certes, l’intensification de l’agriculture mais “contrebalancée par la multiplication des friches dans le Sud et une expansion altitudinale avec les réchauffement climatique”.

Quant à la pie grièche écorcheur, “stable à l’échelle nationale”, connaît un déclin modéré en Occitanie. Le changement de climat, plus chaud, serait finalement bénéfique à l’espèce, excepté dans le Sud devenu trop aride. En Espagne, la chute des effectifs est de l’ordre de 50 %… Dernier exemple, la tourterelle des bois. Présente presque partout en France (sauf en montagne), elle affiche une santé de ses effectifs stable. Mais elle est en déclin modéré. Ce qui lui vaut d’être classée “vulnérable” au niveau mondial. Bref, il y a urgence à tire-d’aile…

Olivier SCHLAMA

  • (1) Au total, le collectif comprend huit associations. Association des naturalistes de l’Ariège, Association lozérienne pour l’étude et la protection de l’environnement, Centre ornithologique du Gard, Groupe ornithologique du Roussillon, Groupe ornithologique gersois, Nature en Occitanie, Société des sciences naturelles du Tarn-et-Garonne. Et la LPO.

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