Travail au noir : Avec l’objectif de récupérer 120 M€, l’Urssaf ne chôme pas !

C’est l’objectif assigné à l’Urssaf Languedoc-Roussillon d’ici cinq ans. Soit le double, 64 M€, des sommes qui ont été récupérées pour travail illégal ou travail dissimulé auprès des entreprises de la région entre 2018 et 2022, dont 21,32 M€ rien que l’année dernière. Son directeur, François Hiebel, explique comment y parvenir. BTP, gardiennage et hôtellerie-restauration sont les secteurs avec le plus de redressements liés à la fraude sociale.

C’est ce qui s’appelle une accélération historique. En cinq ans, le montant des redressements de lutte contre le travail illégal (LCTI) “a été en constante augmentation et a été multiplié par 2,5. Les 180 contrôles réalisés en 2022 dans notre région Languedoc-Roussillon ont ainsi permis le redressement de 21 M€ avec 16,3 M€ pour 75 dossiers portant sur la catégorie des employeurs et 4,7 M€ pour 105 dossiers travailleurs indépendants”.

Le BTP prédominant avec 66 % des dossiers concernés

Les chiffres du bilan de la lutte contre le travail dissimulé portent sur l’ensemble des formes de travail, “tant salarié que travailleur indépendant. L’ensemble des secteurs d’activité sont concernés avec, toutefois, en 2022, des secteurs prédominants tels que le BTP avec 66 % des dossiers concernés et 19 % pour le secteur de la sécurité”, explique l’Urssaf Languedoc-Roussillon.

Objectif des cinq prochaines années : 120 M€

Francois Hiebel
Ph. Mennesson

Et ce n’est qu’un début ! De 8,5 M€ récupérés en 2018 à 21,32 M€ en 2022 et combien en 2023 ? Directeur régional François Hiebel livre : “Nous avions des objectifs de 2018 à 2022 que nous avons tenus puisque sur les cinq années passées, nous avons récolté 64 M€, soit 4 M€ de plus que demandé. L’objectif qui nous est fixé désormais, entre 2023-2027, est de 120 M€.” Soit le double d’aujourd’hui !

Big data, et des partenaires comme la CAF

Mais où se trouve le “gras”, les marges de manoeuvre ? “C’est surtout comment ! Contrôler le travail dissimulé cela se passe sur le terrain, certes, mais il y a tout un travail d’exploitation de données (big data), y compris avec des partenaires, comme les CAF (1), l’administration fiscale, dans le cadre des Comités opérationnels départementaux anti-fraude (Codaf), sous l’autorité des procureurs. On fait attention de ne pas se faire complètement emboliser par ça mais cela représente environ 40 % d’identification de nos contrôles. On va faire en sorte de ne pas aller au-delà”, souligne François Hiebel.

La fraude est de 7 à 8 milliards d’euros par an en France

Image d’illustration. DR.

La fraude au niveau national représenterait 7 à 8 milliards d’euros par an. Dont 6 à 7 milliards d’euros de travail non déclaré et 1 à 1,5 milliards d’euros dissimulation de déclaration de travailleurs indépendants. Georges Frêche avait l’habitude de dire, jadis, que le travail au noir pouvait représenter entre 10 % et 15 % de l’économie réelle. François Hiebel s’inscrit en faux. “Il avait le verbe haut, Georges Frêche… si le travail au noir est important dans la région c’est que nous sommes effectivement une région dans laquelle les secteurs générant de la fraude sont davantage représentés qu’ailleurs : le BTP, ls cafés-restaurants-bars le gardiennage – une profession moins connue – et le transport même si c’est un peu moins fort”, dit-il.

Les équipes des Urssaf renforcées

Au niveau national, les Urssaf collectent 550 milliards d’euros par an. Dont, en Languedoc-Roussillon, 9,8 milliards d’euros de cotisations en 2022, soit 3 % de la masse salariale nationale et 5 % s’agissant des seuls travailleurs indépendants.

Pour doubler les sommes collectées et arriver à 120 M€ sur les cinq prochaines années, les Urssaf se sont mises en ordre de bataille. Elles vont êtres renforcées, suite aux annonces ministérielles d’il y a quelques jours. Un millier d’équivalents temps plein pour l’Hexagone pour l’ensemble du secteur social. Pour l’Urssaf, c’est 147 personnels en plus contre le travail dissimulé dont 7 personnes supplémentaires pour l’Urssaf Languedoc-Roussillon, portant à 17 personnes l’équipe régionale spécialisée.

Olivier SCHLAMA

(1) C’est par exemple le cas avec la Caf de l’Hérault : notre coopération a d’ores et déjà permis de détecter des fraudes communes : sur des signalements de l’Urssaf, 63 dossiers ont été régularisés par la Caf (35 après un contrôle sur place et 28 suite à un traitement administratif) avec un impact financier de 417 814 €. Les signalements effectués par la Caf ont, quant à eux, permis à l’Urssaf un redressement financier de 190 500 €. Par ailleurs, l’Urssaf Languedoc-Roussillon a aussi développé des coopérations avec Tracfin et l’Office central de lutte contre le travail illégal en mettant des compétences à disposition de ces organismes pour exploiter des informations opérationnelles dans le cadre de contrôles à forts enjeux.

Exemples de contrôles réalisés en 2022

Equivalent LCTI 2022 v2
  • Dans le Gard, un médecin ne déclarant pas son activité de téléconsultation a été redressé sur la base de 200 000 € d’honoraires non déclarés.
  • Dans l’Aude, le contrôle d’un auto-entrepreneur sur chantier a permis de constater la minoration de son chiffre d’affaires et le redressement de 60 000 €.
  • Dans l’Hérault, le contrôle d’un chantier concernant deux entreprises du BTP a permis de constater qu’elles avaient recours à du travail dissimulé en bande organisée. Ainsi, l’une des entreprises prenait les marchés et sous traitait en quasi-totalité sa main d’œuvre nécessaire pour effectuer les travaux de gros œuvres à la seconde entreprise. Cette dernière rémunérait les salariés mais omettait sciemment de déclarer la masse salariale à l’Urssaf L’entreprise réalisait les DPAE afin de déguiser sa défaillance envers les organismes sociaux. Une trentaine de salariés ont été rémunérés par la seconde entreprise en contrepartie d’un travail. Ces rémunérations, environ 134 548 €, n’ont pas été déclarées à l’Urssaf. Ce contrôle est arrivé très rapidement après la création des entreprises et a permis d’éviter une fraude plus importante.
  • Dans les Pyrénées-Orientales, le contrôle d’un commerçant travaillant en France mais faussement inscrit en Espagne, ne déclarant ni ses salariés ni son revenu professionnel a permis le redressement de 50 000 €.

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