Redécouvert grâce à l’exposition Les Peintres de la réalité (musée de l’Orangerie, 1934), Nicolas Tournier est “le peintre du Languedoc le plus important dans la première moitié du XVIIe siècle.” (*) Le musée des Augustins, à Toulouse, conserve un ensemble d’œuvres de Nicolas Tournier et a très largement contribué à la redécouverte et à la valorisation de l’artiste en organisant en 2001 la première exposition monographique qui lui a été dédiée.
L’acquisition de cette nouvelle oeuvre, Le Joueur de luth “vient très idéalement compléter un corpus qui, aussi important fut-il, était encore incomplet ; il manquait à cet ensemble de grands sujets profanes, en particulier un de ces portraits de musiciens alors en vogue, sujets de prédilection des caravagesques : voilà qui est désormais réparé” explique-t-on au musée toulousain.
Un lieu de référence pour l’oeuvre de Tournier
Car, si le musée des Augustins est incontestablement le lieu de référence pour l’œuvre de Tournier, ses collections comptent essentiellement des toiles à sujet religieux : Le Christ porté au tombeau, Le Christ descendu de la Croix, Le Portement de Croix, La Bataille de Constantin contre Maxence… Le musée conserve également “trois beaux portraits religieux à mi-corps, intenses et émouvants”, une Vierge à l’Enfant, un Saint-Paul et un Saint-Pierre, ainsi que deux portraits plus singuliers sur un plan iconographique mais d’un style bien reconnaissable, Un Soldat et Midas…
Ce portrait de musicien, que vient d’acquérir le musée toulousain, était documenté mais n’était plus localisé depuis plusieurs décennies : il est “un magnifique ajout au corpus de Nicolas Tournier. Ici, le personnage s’inscrit dans la tradition des nombreux musiciens du caravagisme, il peut être rapproché du joueur de luth situé à droite du Concert conservé au musée du Louvre, ou encore du Joueur de luth de Valentin de Boulogne, conservé au Metropolitain Museum de New York.”
Ici, “le personnage est peint de façon plus frontale, sous une lumière plus crue, comme saisi sur le vif dans une expression énigmatique : il a la bouche entrouverte, le regard surpris, la pose figée et les mains tendues. Les détails sont d’un raffinement extrême. La tentation est de rapprocher ce musicien des deux Paysannes portant des fruits, acquises par la Fondation Bemberg de Toulouse en 2015, peintes sur une toile de même format et à la même période : toutes ces œuvres sont datées du début de la période toulousaine de l’artiste vers 1628-1630.”
Comme un “chaînon manquant” entre deux périodes de l’artiste
“Tous les spécialistes de la période, venus pour le colloque en marge de l’exposition Nicolas Tournier, avaient été étonnés face au Concert du Louvre […], dont les figures paraissaient singulièrement raides près de celles des tableaux religieux de la même période languedocienne. Le tableau redécouvert par le cabinet Turquin & Associés est un peu le chaînon qui nous manquait pour faire le lien entre ces deux pans du corpus français de l’artiste” écrivait Axel Hémery (commissaire de l’exposition Nicolas Tournier. Un peintre caravagesque, 1590-1639, Toulouse, musée des Augustins, 2001).
Extrait de l’article “Le joueur de luth inédit de Nicolas Tournier”, Gazette Drouot, n°38, 25 octobre 2024.
L’acquisition de cette œuvre, pour 330 000€, a été rendue possible grâce à la mobilisation de plusieurs acteurs : la mairie de Toulouse a été accompagnée dans cet ambitieux projet par une aide exceptionnelle de l’Etat via le Fonds du Patrimoine-Ministère de la Culture et par le soutien de l’Association des Amis du musée des Augustins engagée depuis plus de vingt ans dans la promotion des actions du musée.
Ville de Toulouse : 276 075 euros (64,34 %) – Fonds du Patrimoine : 100 000 euros (23,31 %) – Association des Amis du Musée : 53 000 euros (12,35 %).
Philippe MOURET
Nota bene : Les travaux architecturaux en cours (nouvel accueil, nouvelle sortie-boutique, restauration du grand cloître, accessibilité) sont accompagnés d’une refonte du parcours de visite. Dans ce parcours repensé, la dimension toulousaine des collections est valorisée, les peintures de grand format, souvent religieuses, sont tout particulièrement mises en valeur dans l’ancienne église du couvent des Augustins. Les sujets profanes, comme ce musicien, y trouveront aussi toute leur place pour offrir un panorama aussi complet que possible de l’art des XVIe et XVIIe siècles. La réouverture au public est prévue pour la fin de l’année 2025.
Un des principaux acteurs du caravagisme français
Né à Montbéliard, il se forme à Rome de 1617 à 1626 au contact des élèves de Caravage, dont il adopte le réalisme. Proche de Simon Vouet, il s’inspire de Bartolomeo Manfredi et Nicolas Régnier pour ses scènes de banquets et de concerts, mais aussi des œuvres de jeunesse du Caravage : il est en cela le plus étonnant des caravagesques français.
De retour en France en 1626, il reçoit des commandes pour les églises de Narbonne et Carcassonne. C’est à Toulouse, où il s’installe ensuite jusqu’à sa mort en 1639, qu’il réalise ses grands chefs-d’œuvre.
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