Société : Les violences anti-LGBT affichent une hausse spectaculaire

C’est une hausse inédite de 28 % par rapport à 2020 enregistrée par le ministère de l’Intérieur. En majorité, ces crimes et délits ont lieu en milieu urbain, à 53 % dans les agglomérations de plus de 200 000 habitants. “Ces chiffres ne représentent qu’un quart sans doute des faits réels”, confie Denis Quinqueton. Cofondateur de l’observatoire LGBT de la fondation Jean-Jaurès, il explique aussi que les personnes LGBT sont devenues “une minorité plus visible” et davantage encline à être “la cible d’une minorité violente de la société”.

“Sale pédé…!” : c’est encore l’une des insultes les plus répandues dans les cours d’école… Lien de cause à effet ou pas, les plaintes pour violences commises envers des personnes LGBT + (lesbiennes, gays, bi, trans) ont bondi de près de 30 % (28 % exactement, 12 % si l’on compare à 2019) en 2021 par rapport à 2020. Ce sont des chiffres publiés par le ministère de l’Intérieur le 16 mai dernier.

3 790 plaintes déposées en 2021 à la police et à la gendarmerie

En 2021, “dans le contexte du prolongement de la crise sanitaire”, dit la note du ministère de l’Intérieur, les services de police et de gendarmerie de l’Hexagone ont enregistré 3 790 atteintes commises en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre (anti-LGBT+). Ces 3 790 plaintes se décomposent en 2 170 crimes et délits et 1 620 contraventions sur l’ensemble du territoire français.

Ces atteintes prennent majoritairement la forme d’injures ou de diffamations (59 %). Par rapport à 2020, le nombre de crimes et délits anti-LGBT+ enregistrés est donc en hausse de 28 %, et celui des contraventions de 16 % (respectivement, + 12 % et + 32 % par rapport à 2019, année précédant la crise sanitaire).

“À peine 20 % des victimes ont déposé plainte”

Déjà très importants, ces chiffres ne prennent en compte que le dépôt de plainte.  Qui est “une démarche très peu effectuée par les victimes”. Car “environ seulement 20 % des victimes de menaces ou violences anti-LGBT+ et seulement 5 % des victimes d’injures anti-LGBT+ déclarent avoir porté plainte en moyenne sur la période 2012-2018″, selon l’enquête Cadre de vie et sécurité du ministère de l’Intérieur. Plus de la moitié de ces atteintes (53 %) sont enregistrées dans des agglomérations de 200 000 habitants et plus, “mais cette proportion a diminué au cours des deux dernières années”.

La moitié des crimes et délits dans les lieux publics

Près de la moitié des victimes subissent des crimes et délits anti-LGBT+ dans des lieux publics. Ces violences anti-LGBT+ enregistrés touchent majoritairement les hommes (73 % en 2021) et les jeunes de moins de 30 ans (51 %). Sur le périmètre restreint de la Police nationale, les victimes de contraventions anti-LGBT+ sont également surtout des hommes (73 %) mais la part des moins de 30 ans est plus faible que pour les crimes et délits (37 % des victimes de contraventions).

c’est davantage le fait d’une hausse du nombre de gens qui osent déposer plainte que celle d’une augmentation intrinsèque des faits”

Denis Quinqueton

Face à ces chiffres rudes, Denis Quinqueton dit : “Ce que l’on remarque, c’est que c’est davantage le fait d’une hausse du nombre de gens qui osent déposer plainte que celle d’une augmentation intrinsèque des faits. De plus, ces chiffres ne représentent qu’un quart sans doute des faits réels.” Comment l’explique celui qui a cofondé l’observatoire LGBT de la fondation Jean-Jaurès ?

“Davantage exposées à petite marge, violente, de la société qui s’autorise à ces violences…”

Denis Quinqueton. DR

Depuis le Mariage pour tous et auparavant l’avènement du Pacs, dont Denis Quinqueton fut l’un des acteurs notables, “il y a une acceptation massive des personnes LGBT mais, c’est devenu une minorité plus visible plus facilement la cible et bouc-émissaire d’une autre minorité. Les personnes LGBT sont davantage exposées à petite marge, violente, de la société qui s’autorise à ces violences. C’est une évolution paradoxale de la société qui témoigne d’une dégradation du débat public. Une société qui, par ailleurs, hystérise ce sujet…”

Haine en ligne ; agressions dans le voisinage des victimes…

Pour Denis Quiqueton,  “une large part des personnes LGBT, sans doute les 4/5e, ne font pas valoir leurs droits sans doute parce qu’aussi ils craignent de ne pas rencontrer au commissariat des forces de police attentives et bienveillantes à leur égard…”, analyse-t-il. Denis Quinqueton a aussi participé à un bilan des actes anti-LGBT pour la Fondation Jean-Jaurès, au travers d’une application, Flag, créée par une association LGBT de la police.

Avec cette application, on peut signaler des actes de violence anti-LGBT, les signaler, les géolocaliser, etc. Ce rapport rejoint celui du ministère de l’Intérieur. Avec aussi ses singularités remarquables : une émergence de la haine en ligne qui est “compliquée” à traiter ; des agressions directement dans le voisinage de la victime qu’il faut analyser aussi sous le prisme de l’après-confinement covid. En 2021, via cette application, ce sont 1 161 signalements qui ont été effectués, dont 42 dans l’Hérault. Dans neuf cas sur dix, l’agresseur était un homme.

Dans les familles, le voisinage, au travail et à l’école

Pour la présidente de SOS Homophobie (1 500 adhérents), Lucile Jonat, ces chiffres montrent quand même “une certaine libéralisation de la parole, notamment chez les jeunes qui osent davantage déposer plainte même s’il n’y a que 20 % de victimes au total qui le font. C’est aussi le signe d’un meilleur accueil chez les forces de police et de gendarmerie”. SOS Homophobie est aussi à l’origine d’un rapport sur les violences anti-LGBT, “complémentaire” de celui du ministère de l’Intérieur. Celui-ci met l’accent sur les violences intra-familiales (46 % des violences familiales sont le fat d’un ou des deux parents), dans le voisinage des victimes et au travail et même dans le milieu scolaire. Ainsi, en 2021, SOS a reçu 1 515 témoignages liés à 1 138 situations.

Olivier SCHLAMA

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