Société : Les actes racistes et xénophobes en forte hausse

Les atteintes à caractère raciste, xénophobe ou religieux progressent de 13 % avec 12 500 infractions en 2021. Ce qui est une petite partie des faits plus importants : seule une victime de menaces ou violences physiques racistes sur quatre dépose plainte. Selon SOS Racisme, la moitié des agences immobilières testées ont des pratiques illégales. Le Mémorial de la Shoah se mobilise aussi contre “la falsification de l’histoire”.

À l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale du 21 mars, le SSMSI, un service du ministère de l’Intérieur, publie son étude annuelle sur les atteintes à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux. Le bilan trouve de plus un écho particulier en ces temps de campagne présidentielle aux relents xénophobes de certains candidats.

6 300 crimes et 6 200 contraventions en 2021

Dans le sport, en politique… En 2021, dans le contexte du prolongement de la crise sanitaire, les services de police et de gendarmerie nationales ont enregistré pas moins de 12 500 infractions à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux sur l’ensemble du territoire français : soit 6 300 crimes ou délits et 6 200 contraventions. Quatre crimes, délits ou contraventions à caractère raciste sur cinq enregistrés par les forces de sécurité sont des injures, provocations ou diffamations publiques.

Des contraventions en hausse de 26 %

Par rapport à 2019, le nombre de ces crimes ou délits enregistrés en 2021 par les services de sécurité a augmenté de 13 % et celui des contraventions de 26 % (respectivement + 16 % et + 14 % par rapport à 2020). Des disparités existent sur le territoire. Sur la période 2019-2021, le nombre de victimes de crimes ou délits à caractère raciste enregistrées par habitant est plus important dans le Nord et l’Est de la métropole et plus faible dans l’Ouest, le Massif Central et l’Outre-mer (hors Guadeloupe et Mayotte). De la même façon, le nombre de contraventions à caractère raciste par habitant est très concentré dans l’Est de la France et beaucoup plus faible dans l’Ouest.

Plus de 2 000 personnes mises en cause

Une synagogue. Ph. Olivier SCHLAMA

En 2021, plus de 2 000 personnes ont été mises en cause par les services de sécurité pour crime ou délit à caractère raciste. Si les hommes, les personnes d’âge moyen (25 ans-54 ans) et les étrangers ressortissants d’un pays d’Afrique sont sur-représentés parmi les victimes de crimes ou délits à caractère raciste enregistrés par les services de sécurité, les personnes mises en cause pour ces mêmes faits ont des caractéristiques beaucoup plus proches de la population générale que les personnes mises en cause prises dans leur ensemble. Pour les contraventions à caractère raciste, sur le seul périmètre, forcément restreint de la police nationale, les victimes et les mis en cause sont également majoritairement des hommes et des majeurs.

Seule une victime d’injures sur vingt porte plainte

Les données issues des procédures enregistrées par les services de sécurité ne représentent qu’une faible partie des faits à caractère raciste subis. Selon l’enquête Cadre de vie et sécurité, sur la période 2013-2018, seule une victime de menaces ou violences physiques racistes sur quatre et une victime d’injures racistes sur vingt ont, en moyenne, déclaré avoir déposé plainte au commissariat de police ou en brigade de gendarmerie. Soit 5 %. C’est très peu. Selon une autre enquête, 1,2 million de personnes ont déclaré avoir été victimes d’atteintes racistes en 2018.

Les saillies du candidat à la présidentielle Zemmour…

C’est dans ce contexte que, parfois, le discours politique d’extrême droite est au coeur du sujet. Interrogé, lors de la matinale de France Inter du 7 février 2022, sur le logement social, Eric Zemmour répondait : “Tout le monde sait aujourd’hui, (…) sauf peut-être dans ce studio et dans le bureau du monsieur qui dirige [la Fondation] Abbé Pierre, que les HLM sont des terres d’islamisation du pays, et tout le monde sait aujourd’hui, surtout les pauvres gens et les braves gens qui sont restés, qui n’ont pas pu fuir ces HLM devenus des antres à kebabs et à femmes voilées, sans compter les trafics de drogue, ces pauvres Français ou d’ailleurs immigrés qui n’en peuvent plus de retrouver ce qu’ils ont quitté en Algérie, au Maroc et ailleurs…”

“Provocation à la haine et à la violence”…

Dans la foulée, Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale de l’habitat (USH), qui fédère les 600 organismes HLM de France, s’insurgeait contre “des propos particulièrement stigmatisants et mensongers à l’égard des organismes HLM et de leurs occupants (…) Deux jours plus tard, l’USH a déposé une première plainte, auprès du procureur de la République, pour “délit de provocation à la discrimination ou à la haine raciale” et “délit de diffamation publique à caractère racial”. Eric Zemmour a été condamné pour la troisième fois, lundi 17 janvier, pour “provocation à la haine et à la violence” et “injures publiques envers un groupe de personnes en raison de leur origine”.

La moitié des agences immobilières concernées

Frontignan, Photo : Ville de Frontignan.

Autre exemple, un testing réalisé par l’association SOS-Racisme révèle que 48,5 % des agences immobilières acceptent d’avoir des pratiques discriminantes envers les personnes noires et maghrébines, dans un rapport relayé par Franceinfo et Libération, lundi 21 mars, Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale. Les membres de l’association ont contacté 136 agences immobilières dans toute la France en se faisant passer pour des propriétaires racistes ne désirant pas louer aux personnes d’origine maghrébine ou d’Afrique subsaharienne. La discrimination à la location est punie jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

Mobilisation contre “la falsification de l’histoire”

C’est dans ce contexte que des historiens se mobilisent “contre la falsification de l’histoire”, mercredi 23 mars à 19 heures pour parler de L’Algérie sous Vichy de Stéphane Benhamou en présence de Jacques Fredj, directeur du Mémorial de la Shoah et de Stéphane Benhamou à Montpellier au Cinéma Gaumont Comédie, à Montpellier. Le lendemain, le jeudi 24 mars, à 19h30, à Marseille au Cinéma Le Prado. Et, enfin, le lundi 4 avril à 19h30, conférence également sur L’histoire de Vichy et la persécution des Juifs en France en présence de Serge Klarsfeld, à Nice, au Centre universitaire méditerranéen.

Nous disons à ceux qui ont un bulletin de vote : attention, certains vous mentent !”

C’est ce que l’on appelle une prise de conscience. “Je ronge mon frein depuis longtemps !”, réagit Jacques Guedj, directeur du Mémorial de la Shoah. “Quand, en 2022, un certain candidat à la présidentielle falsifie l’histoire en remettant en cause le régime de Vichy ; alors que le président Chirac avait fait un discours en 1995 reconnaissant la responsabilité de l’Etat français dans la déportation durant l’Occupation, il faut quand même le faire…”

Jacques Guedj poursuit : “C’est le même personnage a aussi remis en doute l’innocence de Dreyfus ! Faut le faire, aussi ! Face à celui qui a déterré ces sujets fermés, qui détourne des faits historiques, et franchi la ligne rouge, nous avons décidé de faire intervenir des historiens. Idem quand Agnès Buzin, l’ex-ministre de la Santé, avait été accusée par des complotistes d’avoir fabriqué le covid ! Eh bien, nous disons à ceux qui ont un bulletin de vote : attention, certains vous mentent !” Il continue : “Notre mission n’est pas de prendre une position politique mais, de fait, c’en est une, en effet. Comment faire autrement devant la montée de l’antisémitisme ?”

On se dit, avec d’autres, mais qu’est-ce que l’on a raté dans l’éducation pour en arriver là”

Le directeur du Mémorial de la Shoah s’insurge contre ce remugle de la haine, quand, par exemple, “certains manifestants anti-vaccins arboraient l’étoile jaune se comparant à ce qu’avaient subis les Juifs obligés de la porter pendant la Seconde Guerre mondiale…”, souligne Jacques Guedj qui a évidemment participé, dimanche 20 mars, à la journée de commémoration des dix ans des attentats meurtriers de Toulouse et Montauban par Mohamed Merah. “Un Toulousain qui a tué d’autres Toulousains…C’est inédit…On se dit, avec d’autres, mais qu’est-ce que l’on a raté dans l’éducation pour en arriver là.” 

Le Mémorial de la Shoah a été créé en 1943 pour collecter des archives et garder en mémoire les traces de l’Holocauste, avant de devenir un mémorial en 1960. “Notre colonne vertébrale : c’est l’histoire. On va porter cela dans les établissements scolaires. Nous avons une équipe éducative qui va “hors les murs” comme on dit.”

Olivier SCHLAMA

  • Le SSMSI est le service statistique en charge de la sécurité intérieure, au ministère de l’Intérieur. Il a pour mission de produire et de mettre à disposition du grand public des statistiques et des analyses sur la sécurité intérieure et la délinquance. Il compose avec l’Insee et 15 autres services statistiques ministériels le service statistique public.