Social : “Rempart contre la grande pauvreté”, le RSA ne mène pas à l’emploi

"On n’existerait pas sans la Banque alimentaire", confie France Gau, présidente de l’association humanitaire Le Pain partagé. Basée à Nîmes, elle est spécialisée dans l’accueil des familles. Elle reçoit 40 % de réfugiés et 60 % de personnes à faibles revenus, retraités et femmes seules. Photo : Mélanie Domergue.

En dix ans d’existence, le RSA démontre qu’il n’est pas une trappe à inactivité. Qu’il ne suscite pas l’assistanat. En revanche, le manque d’accompagnement est préjudiciable pour pouvoir s’en sortir. C’est ce que souligne la Cour des Comptes dans son dernier rapport où l’Aude a aussi servi d’exemple.

En pleine campagne pour la présidentielle, l’évaluation par la Cour des Comptes du Revenu de solidarité active (RSA), qui plafonne à 559,79 € (2019), pour une personne seule, est un morceau de choix. Certains départements réclament un revenu minimum pour sortir jeunesse et précaires de l’ornière de son inefficacité notoire. La Haute-Garonne, par exemple, expérimente un revenu auprès de 1 000 jeunes, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI. Le rapport de la Cour des comptes du 13 janvier dernier critique avec sévérité l’efficacité du RSA, notamment sur son approche en matière d’accompagnement social et d’aide de retour vers l’emploi.

Département de l’Aude intégré à l’étude

Créée en 2008, généralisée en 2009, cette aide qui remplace l’ex-RMI, est actuellement le principal “rempart contre la grande pauvreté” (1), a exprimé, preuves à l’appui, Marie-Aimée Gasparini, la présidente de la Chambre régionale des comptes d’Occitanie qui a participé à cette évaluation nationale avec neuf enquêtes territoriales dont le département de l’Aude. L’Occitanie compte 200 956 bénéficiaires.

2,1 millions de Français bénéficiaires du RSA

Fin 2019, quelque 2,1 M€ de Français bénéficiaient du RSA pour un coût annuel de 15 milliards d’euros (ils étaient 1,3 millions en 2009, soit une hausse de 46 % en dix ans et une hausse de 8 % entre 2020 et 2021, un impact évident dû au covid). Mais, chiffre incroyable, un tiers de possibles allocataires n’en font pas la demande, souvent par ignorance, et n’en bénéficient pas, alors qu’il suffirait qu’ils reçoivent le moment venu un courrier dans ce sens. Soit 600 000 ménages. Le coût du RSA est financé par la TICPE, taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques.

Aude : taux de pauvreté de 21 %

“C’est un travail inédit d’exploitation des bases de données nationales et départementales”, a précisé Marie-Aimée Gasparini. Avec le suivi d’une cohorte de bénéficiaires sur sept ans. “Le département de l’Aude est intéressant : il est à majorité rural, faiblement peuplé, mais il présente des difficultés sociales et socio-économiques qui peut le rapprocher de la Seine-Saint-Denis. Il a un taux de pauvreté très fort : 21 % et un taux de chômage aussi avec 7,56 % avec “une économie peu dynamique et largement dépendante d’activités cycliques ou saisonnières comme le tourisme ou la viticulture”.

“Le RSA Facilite-t-il l’accès à l’emploi ?”

Dans cette évaluation – qui n’est pas un contrôle qui a été fait devant la commission sociale du Sénat – “nous avons répondu à quatre questions avec l’aide de l’institut Gustave-Eiffel : le RSA bénéficie-t-il effectivement aux personnes auxquelles il est destiné ? Dans quelle mesure le RSA permet-il de sortir de la pauvreté ? Facilite-t-il l’accès à l’emploi ? Et l’accompagnement est-il réel et efficace ?”

Aude : + 25 % des bénéficiaires du RSA

Photo : Olivier SCHLAMA

Pour parfaire le contexte national, Marie-Aimée Gasparini a ajouté que dans le cas de l’Aude, on assiste également à une “augmentation du nombre de bénéficiaires de 25 % entre 2009 et 2019 (et de + 4,5 % depuis 2020), augmentation cependant moins rapide que la moyenne en métropole (30 %). De 2014 à 2019, le RSA-socle financé par le département de l’Aude a augmenté de 12 % (86 M€ à 96,4 M€). L’effectif progresse dans les mêmes proportions (+ 12,7%, 13 818 à 15 584 bénéficiaires).”

Quant aux profils des bénéficiaires, il est “relativement homogène. Dans plus de deux-tiers des cas, ce sont des personnes isolées”. Et d’ajouter : “Compte tenu du poids des familles monoparentales parmi ces allocataires et la proportion de femmes au sein de ces familles, ces dernières sont surreprésentées dans le total des allocataires.”

65 % des bénéficiaires du RSA sous le seuil de pauvreté

La présidente de la CRC bat en brèche une idéee reçue : “Le RSA est vraiment un rempart contre la grande pauvreté. Mais 65 % des bénéficiaires du RSA vivent sous le seuil de pauvreté (1) ; seuls 16 % vivent avec moins de 40 % du revenu médian, soit 733,6 € et 78 % des allocataires estiment que le RSA “leur permet d’éviter de tomber dans la pauvreté.” Et pour cause, au lieu d’être “une trappe à inactivité” ou un soi-disant assistanat, une partie du RSA pouvant se cumuler avec une activité salarié partielle, cette aide encourage à travailler. Il n’y a pas d’effet d’aubaine ou de seuil comme avant avec le RMI.”

Même pas un rendez-vous à honorer…

Rempart contre la grande pauvreté, encouragement à travailler, oui, mais “un accompagnement par les services sociaux peu intensif, sans entretien”. Qui “manque de cohérence et d’efficacité”, préconisant un accompagnement global pour chacun des bénéficiaires. “Cet accompagnement va de 0 % pour la Corrèze à 71 % pour la Réunion. L’Aude se situe dans la tranche des 29 % à 39 % de suivi par Pôle emploi, ce qui n’est pas beaucoup”. Pire, “pour plus de 30 000 allocataires dans l’Aude orientés entre 2013 et 2019, seulement un peu plus de la moitié (17 000) l’on été après entretien.” Et encore : à peine un tiers des bénéficiaires du RSA n’ont pas signé un CER, Contrat d’engagement réciproque. Et parmi les 40 % de ceux qui l’ont signé, on ne leur demande même pas d’honorer ne serait-ce qu’un rendez-vous…

Olivier SCHLAMA

  • (1) Le seuil de pauvreté est de 1 102 € par mois pour une personne seule, soit 60 % du revenu médian français.

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