Smartphones reconditionnés : Comment s’y retrouver, les conseils précieux de la vertueuse Smaaart

Jean-Christophe Estoudre, patron de Smaaart, et la directrice du marketing et de la communication de la société, Jacqueline Pistoulet, dans l'atelier de réparation, le saint des saints de l'entreprise, à Saint-Mathieu-de-Tréviers. Photo : Olivier SCHLAMA

Le patron de l’entreprise héraultaise Econocom Factory, l’une des pionnières en la matière et des plus vertueuses décrypte les pièges à éviter en vue de l’achat d’un smartphone de seconde main, une tendance en pleine croissance. Jean-Christophe Estoudre travaille avec les pouvoirs publics à l’élaboration d’un label national. Reportage.

Le déchargement du camion se fait mécaniquement. Dans le silence et l’habitude. Chez Smaaart, on offre une seconde vie à quelque 150 000 smartphones chaque année. S’acheter un reconditionné, c’est une économie quasi-assurée de 20 % à 30 %. Back Market, Smaaart, Certideal, Darty, Amazon… De nombreuses enseignes se sont lancées dans la vente d’appareils de seconde main, usagés, contrôlés et réparés si besoin avant d’être remis dans le circuit de la consommation. C’est l’étape cruciale avant le recyclage : c’est donc aussi une démarche plus écolo. A preuve :  17 % des Français disaient, en 2021, posséder un téléphone d’occasion, selon une étude de l’Arcep, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

Une vraie définition de “reconditionné”

Des tests puissants. Smaaart vend aussi des ordinateurs reconditionnés. Photo : Olivier SCHLAMA

Un nouveau décret du 17 février de cette année signé par le ministre de l’Économie, Bruno le Maire, précise enfin les conditions dans lesquelles le terme “reconditionné” peut être utilisé par les sites marchands. Et le définit précisément. Notamment : un smartphone d’occasion ne pourra être appelé reconditionné que s’il a “subi des tests pourtant sur toutes ses fonctionnalités afin d’établir qu’il répond aux obligations légales de sécurité et à l’usage auquel le consommateur peut légitimement s’attendre”. Bercy y consacre d’ailleurs une page internet pour commencer à s’y retrouver.

C’est aussi une bonne affaire pour les opérateurs mobiles : votre smartphone, bourré de composants rares, vaut de l’or. Douze des grands opérateurs mondiaux (dont Orange) viennent ainsi de s’engager à réparer, réutiliser ou recycler 100 % des mobiles usagés collectés.

131,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2031

Smaaart. Photo : Olivier SCHLAMA

L’Association mondiale des opérateurs télécom (GSMA) et ces douze opérateurs ont annoncé ce mardi 27 juin une série d’engagements communs pour s’attaquer aux plus de cinq milliards de téléphones portables inutilisés dans le monde. Soit l’équivalent de huit milliards de dollars (7,30 milliards d’euros) en or, palladium, argent, cuivre, terres rares et autres minéraux critiques. Sans oublier le cobalt pour produire 10 millions de batteries de… voitures électriques ! Le marché du smartphone reconditionné devrait croître de 10 % par an d’ici à 2027 et son chiffre d’affaires passer de 45,5 milliards d’euros à 131,2 milliards d’euros en 2031.

“Nous travaillons à un label commun  du reconditionné”

Bientôt un label national. Mais, contrairement au neuf, il est encore difficile de s’y retrouver dans ce qui est une jungle. Dans quel état se trouve le smartphone d’occasion convoité qui coûte souvent plusieurs centaines d’euros ? Qu’est-ce qui a été changé ? Est-ce que le SAV est fiable…? Il n’y a pas de label national. “On y travaille”, confie Jean-Christophe Estoudre, patron de Sofi Groupe propriétaire de la marque Smaaart.

Tout se passe au pied du Pic-Saint-Loup. “Vu notre place, nous sommes écoutés au travers des syndicats professionnels et les pouvoirs publics, souligne la patron de Smaaart, située à Saint-Mathieu-de-Tréviers, au nord de Montpellier (Hérault). Ceux-ci nous ont justement demandé de travailler à l’élaboration d’un label commun au marché du reconditionné. Je pense que d’ici la fin de l’année, il sera opérationnel. Ce que nous demandons, c’est qu’il soit porté par une institution publique comme l’Ademe. Cela amènerait de la crédibilité à notre secteur et de la lisibilité au consommateur.”

La qualité dépend du reconditionneur

Les téléphones commencent leur chek-up par une recharge complète et un effacement de toutes les données. Smaaart. Photo : Olivier SCHLAMA

Président de Smaaart (150 000 smartphones revendus, dont la moitié d’Apple, 130 salariés et un objectif de 50 000 ordinateurs en 2023), créée en 2017, qui reconditionne localement et où toute la chaîne de reconditionnement – de la réception des appareils, aux soixante points de contrôle, à la réparation -, Jean-Christophe Estoudre plante le décor : “Où qu’on l’achète, un smartphone neuf Apple, Samsung, Huawei ou autre est toujours d’une même qualité, constante. Il a été souvent fabriqué en grande série, le plus souvent en Asie et avec le contrôle qualité des constructeurs. Ce n’est pas la même chose pour un produit reconditionné. Si l’on veut qu’il soit de qualité, cela dépend du reconditionneur et de son processus de réparation”, affirme-t-il.

“En France, plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires”

Le marché du neuf, c’est un peu plus de sept milliards d’euros par an de chiffre d’affaires en France. “Le marché français du smartphone reconditionné représente plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires actuellement quand le marché du renouvèlement du smartphone (avec le neuf, donc) représente, lui, un peu plus de huit milliards d’euros de chiffre d’affaires, soit quelque 17,4 millions de smartphones vendus, dont 14 millions d’unités neuves et un peu plus de 3 millions qui sont d’occasion”, explique Jean-Christophe Estoudre. Le reconditionné représente un peu moins de 20 % du renouvèlement de la téléphonie mobile en 2022. Smaaart, basée à Saint-Mathieu-de-Tréviers, réalise, elle, un chiffre d’affaires de 27 M€. L’entreprise se veut vertueuse.

Les ados préfèrent du haut de gamme…

Définir le modèle de smartphone à acheter. Les parents acquièrent souvent leur premier smartphone à leur enfant à l’entrée en 6e. “Souvent, ceux-ci désirent un téléphone haut de gamme, Apple de préférence, qui coûte cher… Les parents, eux, ne veulent pas dépenser une fortune pour un premier téléphone que l’ado n’aura pas l’habitude de gérer.” D’où l’intérêt du reconditionné qui s’affiche “à – 30 % à – 50 % du prix du neuf”. Les parents veulent aussi limiter l’accès à internet et donc avoir un smartphone où ils puissent installer un contrôle parental. Ou alors ils achètent un smartphone de très ancienne génération incapable de se mettre à jour et de mettre à jour les réseaux sociaux.

Attention aux “places de marché”

Les téléphones Smaaart. Photo : Olivier SCHLAMA

Trouver le bon reconditionneur. Une fois le modèle choisi, où acheter le précieux smartphone ? Dans des grandes surfaces, bien sûr. Dans des enseignes spécialisées. Mais, surtout, sur le web, bien sûr, où se réalise la majorité des ventes. Et là, c’est la jungle.

“On trouve principalement sur le net ce que l’on appelle des places de marché. Amazon, Back Market, Cdiscount… Il y en a une bonne dizaine. Là, c’est au petit bonheur la chance : sur Back Market, par exemple, qui a démocratisé le reconditionné en France, c’est en fait un lieu où 1 500 à 2 000 entreprises, le plus souvent asiatiques, vendent leurs produits aux particuliers. Mais Back Market n’est pas un reconditionneur ! Encore moins un reconditionneur français. Comme Amazon qui ne gère que la logistique.”

Quelle provenance ?

Jean-Christophe Estoudre avance sa méthode : “Il faut se poser trois questions. La première c’est, quand je lis une annonce sur le net, puis-je déterminer la provenance de ce smartphone ? A-t-il été mis en marché aux USA, en Asie, en Afrique, etc. Déjà, cela peut poser un problème technique : les spécifications dépendent de la région du monde où il a été utilisé pour la première fois. Pareil pour les réseaux télécom et les fréquences qui ne sont pas les mêmes en Asie et en Europe, par exemple. En Europe, il y a une harmonisation des bandes de fréquences.” 

Chez Smaaart, nous vendons notre propre production sur notre propre site internet. C’est transparent”

“Le vibreur ne fonctionne plus…” Direction, l’atelier de réparation. Photo : Olivier SCHLAMA

La question cruciale du SAV. Deuxième question à se poser : dans quel pays se trouve l’usine de reconditionnement ? Quel est son niveau de qualité ? Et troisième question, qui le vend ? Une “place de marché” ; un reconditionneur, un opérateur télécom ? “Chez Smaaart, nous vendons notre propre production sur notre propre site internet. C’est transparent. Nous avons une garantie de deux ans dans les mêmes conditions que le neuf. Il est indispensable de savoir où se trouve le service client. Si on doit appeler en Asie et/ou s’il faut renvoyer le smartphone en Asie, ce n’est pas évident…” C’est souvent, s’il y a un problème, le parcours du combattant pour la réparation.

Tout le processus se fait à Saint-Mathieu-de-Tréviers

Jean-Christophe Estoudre, patron de Smaaart. Photo : Olivier SCHLAMA

Label Service France Garantie. Smaaart dit se différencier par la qualité de son process. “Beaucoup de reconditionneurs font venir les produits de l’étranger, d’Asie ou des USA, qui changent éventuellement une pièce, comme la batterie mais qui ne font pas forcément le tour de la machine.”

Il précise : “Nous effectuons un diagnostic très poussé et on répare juste ce qui est nécessaire. C’est précis et notre impact est moins fort sur l’environnement. Nous avons une dizaine de labels et certifications à Smaaart. Dont SGS, l’équivalent de l’Afnor et Service France Garantie. C’est l’équivalent d’Origine France Garantie appliqué au smartphone et qui garantit donc que tout le processus est fait en France.” Smaaart a de plus participé à une étude de l’Ademe en 2022 sur les bonnes pratiques qui sont “chez nous exemplaires”.

Soixante points de contrôle pour chaque smartphone

Reçus, les smartphones à reconditionner subissent un contrôle puissant. “On vérifie d’abord si l’état de l’appareil est bien tel qu’il a été déclaré.” Ensuite, on lui fait faire une charge complète pour vérifier notamment l’état de la batterie. Les données sont effacées. Dans la foulée, entre autres, chaque smartphone passe entre les mains d’un opérateur qui va déterminer grâce à une application mais aussi manuellement s’il fonctionne selon les normes établies. “Le vibreur de celui-ci ne fonctionne plus”, nous explique ainsi un opérateur en direct. Il l’envoie directement à la cellule réparation où là sera décidé de le remettre totalement sur pied. Une fois l’opération effectuée, “nous effectuons un second contrôle qualité”, exprime Jacqueline Pistoulet, directrice marketing et communication.

Entreprise sociale et solidaire, société à mission…

“Nous avons en permanence quelque 15 000 smartphones en stock…” dit Jean-Christophe Estoudre, patron de Smaaart.

Ce n’est pas tout. Parmi les labels obtenus, il y a celui d’entreprise sociale et solidaire : “Dans nos statuts, nous nous engageons à des objectifs sociaux comme reverser la moitié de nos dividendes en avantages sociaux, en formation. On réfléchit, aussi, à la question des déplacements, de la mobilité… Nous sommes aussi entreprise dite à mission depuis 2021.” Une société à mission, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI, c’est ce capitalisme qui se revendique heureux avec des pratiques plus responsables, en pleine expansion.

“Nos approvisionnements ? À plus de 85 % de l’Hexagone”

Les pièces détachées triées. Ph. O.SC.

Société vertueuse. Cette société a aussi, précise  “une partie environnementale et sociales très poussée. Comme on travaille en économie circulaire et en circuit court : on récolte des flottes d’entreprises mais aussi chez les particuliers, depuis notre site internet, chez les opérateurs télécoms, on répare et on vend en France*, précise Jean-Christophe Estoudre.

Ajoutant : “Nos employés sont salariés en France ; nous les formons nous-mêmes (nous avons mis en place des modules de 400 heures avec une démarche d’inclusion forte envers des gens qui sont en situation de précarité (nous recrutons 83 % des gens que nous formons). Ensuite, on a une démarche environnementale très forte. Nos approvisionnements de produits usagés proviennent à plus de 85 % de France. Avec l’approche qualitative que nous proposons, nous ne sommes que deux reconditionneurs en France, dont un en Bretagne.”

Traçabilité des composants

L’origine des pièces. Le patron de Smaaart – nom qui évoque le fameux triple A des agences de notation ou la notification gratifiante de la meilleure classe énergétique d’un frigo par exemple ou encore la cousinage de prononciation avec le “smart” anglais : élégant – évoque aussi l’origine des composants.

“Nous travaillons avec la Répression des fraudes (DGCCRF) sur la traçabilité des produits, confie-t-il, encore. Car les informations ne sont pas toujours disponibles. La difficulté vient du fait que chaque téléphone est unique et que l’on ne sait pas d’avance, aujourd’hui, lequel sera vendu précisément quand un acheteur-internaute fait son choix à distance.”

Sources d’approvisionnement des pièces détachées

Jean-Christophe Estoudre, patron de Smaaart et Jacqueline Pistoulet, directrice du marketing et de la communication, Jacqueline Pistoulet. Photo : Olivier SCHLAMA

Jean-Christophe Estoudre précise : “Nous avons trois sources d’approvisionnement : des pièces d’origine neuves ; des pièces d’origine de réutilisation (parfois on sacrifie un appareil pour récupérer certaines de ses pièces) et comme il n’y a pas de pièces d’origine fournies pas certains fabricants, nous les achetons, compatibles, chez des équipementiers ; les nôtres respectent les caractéristiques de qualité des constructeurs, CE. À 85 %, nos smartphones sont équipés de pièces soit compatibles soit d’origine. et 15 % à 20 % avec des pièces de réutilisation. Quant à la batterie, pièce essentielle, elle n’est changé que si l’appareil affiche une durabilité de moins de 87 % (le standard, c’est 85 %).”

On peut donc retrouver des smartphones reconditionnés par Smaaart partout : chez Leclerc, Electro Dépôt, Fnac/Darty, Bureau Valley ; dans des entreprises et bien sûr il est vendu aux particuliers via le site marchand de la marque. “Nous avons créé la marque Smaaart en 2017 pour valoriser notre savoir-faire dans une filière tellement jeune…”, conclut Jacqueline Pistoulet, directrice du marketing.

Olivier SCHLAMA

  • * Jean-Christophe Estoudre précise à propose de la la reprise d’un smartphone : “On a un processus pour récupérer les smartphones usagés depuis un particulier. Si le propriétaire est d’accord sur le prix, on envoie un bon Chronopost et il nous l’envoie. On l’évalue précisément. Puis on paie le propriétaire par virement. C’est aussi intéressant pour ce proriétaire car cela vient souvent en déduction d’un autre téléphone reconditionné chez nous.”
  • La filiale de Econom Factory est le produit d’une belle histoire. En 1986, avait été créé Fibrosud (réparation et maintenance électronique) qui fusionnera avec le géant Anovo en 2000. En 2011, patatras, les salariés sont licenciés. Cinq d’entre eux mettront en commun leurs indemnités de licenciement et rachèteront leur boîte.

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