Pour la première fois en France, l’Insee publie une étude éclairante dans laquelle il apparaît que 56 % des personnes parties à la retraite en 2013 ont un niveau de vie inférieur à celui qu’elles avaient en 2010. Les retraités les plus pauvres voient, eux, leur niveau de vie augmenter – même s’ils restent pauvres – et les retraités les plus riches voient, eux, leur niveau de vie baisser.
En pleine ébullition sur l’avenir des retraites, l’Insee saute à pieds joints sur le système vacillant. L’institut de la statistique publie une étude inédite ce mercredi sur les nouveaux retraités de 60 ans ou plus qui ont quitté la vie active en 2013. En résumé, “en France, 758 000 personnes ont liquidé pour la première fois un droit direct de retraite en 2013 [Drees, 2015]”. Ces retraités dont le niveau de vie est passé à la loupe avaient en moyenne 62 ans et 9 mois pour les femmes et 61 ans et 8 mois pour les hommes.
Entre 2010, trois ans avant leur départ à la retraite, et 2016, trois ans après leur départ, leur niveau de vie moyen a baissé de 7,9 %. La baisse est plus forte pour les hommes (9,1 %) que pour les femmes (6,9 %).”
Coïncidence ? “Pur hasard !” répond la spécialiste, précisant :“C’est une étude programmée de longue date. Nous suivons des cohortes depuis 2010. C’est la première du genre en France. Nous connaissions bien sûr les statistiques usuelles en la matière, notamment celles du ministère des Affaires sociales, mais il n’existait pas à ce jour de données chiffrées ni de données sur l’évolution précise des niveaux de vie”, exprime Sylvie le Ninez, responsable de l’unité des études démographiques et sociales à l’Insee. C’est chose faite. Qu’apprend-on dans cette étude, alors que maintes manifs déferlent et que la commission “retraite” ne peut achever ses travaux sous l’avalanche d’amendements ?
En 2013, l’année de leur départ de la vie active donc, ces nouveaux retraités avaient en moyenne un niveau de vie annuel de 29 300 euros (27 800 euros pour les femmes, 31 200 euros pour les hommes). Entre 2010, trois ans avant leur départ à la retraite, et 2016, trois ans après leur départ, leur niveau de vie moyen a baissé de 7,9 %. La baisse est plus forte pour les hommes (9,1 %) que pour les femmes (6,9 %).
Le niveau de vie des 10 % des néo-retraités les plus modestes augmente avec le passage à la retraite d’environ 500 euros par mois.”
Les auteurs de cette étude ont pris en compte “tous les revenus de la personne mais aussi ceux du ménage qui peut comprendre conjoint et enfants à charge ; nous avons compilé également les revenus du travail – si le retraité cumule sa retraite avec un emploi, cela représente 7 % des retraités (1) -, et les prestations sociales”, précise Sophie le Ninez. Conclusion, “dans la majorité des cas, le passage à la retraite se traduit par une baisse de niveau de vie : en 2016, trois ans après leur départ à la retraite, 56 % des personnes parties à la retraite en 2013 ont un niveau de vie inférieur à celui qu’elles avaient en 2010. Entre 2010 et 2016, le niveau de vie baisse de plus de 10 % pour 42 % des nouveaux retraités. À l’inverse, la hausse dépasse 10 % pour 32 % des nouveaux retraités. Elle concerne surtout des personnes qui disposaient initialement des ressources les plus limitées”.
Autres enseignement : “Le niveau de vie des 10 % des néo-retraités les plus modestes augmente avec le passage à la retraite.” D’environ 500 euros par mois. Le niveau de vie moyen des personnes appartenant aux 10 % les plus modestes trois ans avant leur départ à la retraite augmente de 69 % entre 2010 et 2016. En 2010, leurs revenus d’activité annuels s’élevaient en moyenne à 3 500 euros et leurs allocations chômage à 1 700 euros, tandis qu’ils percevaient en moyenne une pension de retraite annuelle de 10 000 euros en 2016. Faible en 2010 (8 800 euros en moyenne), leur niveau de vie annuel augmente donc fortement. “Cela est dû principalement par le fait que ces 10 % de personnes les plus modestes avaient toutefois accumulé auparavant des droits à la retraite dans leur carrière, avant d’être éventuellement privés d’emploi”, analyse la spécialiste.
Le niveau de vie des plus aisés baisse de 27 %
En revanche, le niveau de vie des personnes appartenant aux 10 % les plus aisées baisse, lui, de 27 %. En 2010, leurs revenus d’activité annuels s’élevaient en moyenne à 61 700 euros et leurs allocations chômage à 1 700 euros, tandis qu’ils percevaient en moyenne des pensions de retraite de 33 250 euros en 2016. Sylvie le Ninez décrypte : “Ce ne sont évidemment pas ni les mêmes sommes ni les mêmes situations en jeu que pour les ménages les plus modestes. Pour les 10 % les plus aisés, 85 % d’entre-eux travaillaient avant d’être en retraite.” Et subissent de plein fouet la décote classique salaire-pension. Elle est exactement de 27 %. “Eux, ils ont “perdus” 21 000 euros par an en moyenne, soit 1 700 euros par mois”, précise Sylvie Le Ninez.
Pour l’heure, il n’y a pas encore de données chiffrées concernant les régions.
Olivier SCHLAMA
- (1) Cumul. Par besoin le plus souvent, quelque 400 000 retraités français ont toujours un job. Dont 13 100 en Occitanie. Et le projet de réforme des retraites envisage de rendre ce cumul plus facile et plus attractif.
- Espérance de vie. Par ailleurs, toujours selon l’Insee, l’espérance de vie à la naissance en France a encore légèrement progressé pour les hommes (+ 0,2 an) et les femmes (+ 0,1 an) pour atteindre respectivement 79,7 ans et 85,6 ans. Même si cette hausse a tendance à ralentir depuis quelques années. Progrès de la médecine, réduction des comportements à risques, développement du sport-santé, etc. : avec l’arrivée massives de la génération du baby-boom à des âges de plus en plus avancés, cette hausse de l’espérance de vie contribue mécaniquement au vieillissement de la population. En revanche, le taux de natalité baisse. Cet effet de ciseaux est au coeur du débat sur les retraites.
Une baisse du niveau de vie plus forte pour les hommes
La baisse de niveau de vie est plus forte pour les hommes que pour les femmes. La situation des couples mariés permet de comprendre pourquoi la baisse de niveau de vie des hommes est plus importante que celle des femmes. Toujours selon l’Insee, “dans les couples, c’est le plus souvent l’homme qui part le premier à la retraite. Or, les hommes perçoivent en moyenne des revenus du travail supérieurs à ceux des femmes en fin de carrière.”
Perte du revenu principal
Et d’ajouter : “Au moment où les hommes mariés partent à la retraite, le couple perd donc son revenu principal, d’où une baisse importante du niveau de vie du ménage alors que, lorsque les femmes mariées partent à la retraite, leur conjoint est déjà le plus souvent à la retraite et la perte du revenu principal du ménage a déjà été amortie dans les années qui ont précédé le départ à la retraite des femmes. Par exemple, 34 % des hommes mariés qui ont liquidé leur retraite en 2013 ont une conjointe qui perçoit des revenus du travail supérieurs à 1 000 euros par mois la même année, alors que seules 18 % des femmes mariées parties à la retraite en 2013 ont un conjoint qui perçoit des revenus du travail supérieur à ce seuil.”
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