Talonneur du Rugby Castelginest XV, un club de Deuxième Série de la grande banlieue nord de Toulouse, Tony Moggio devient tétraplégique après une entrée en mêlée ratée, lors d’un match à Labarthe-sur-Lèze, le 7 février 2010. Il a 24 ans et un monde s’écroule en même temps que la mêlée. Mais…
… Le jeudi 13 juin 2019, Tony Moggio traverse à la nage le golfe de Saint-Tropez. Un défi qu’il s’est fixé quelques mois plus tôt et qu’il espère accomplir en quatre heures et cinq minutes. Il le relève en trois heures et cinq minutes. La performance prend plus de sens quand on sait qui est Tony Moggio, désigné “Toulousain de l’année” 2019 pour son exploit dans le golfe de Saint-Tropez.
En octobre 2015, les éditions Privat ont publié son histoire dans Talonneur brisé, co-écrit avec Philippe Motta. Doté d’un caractère et d’une rage de vivre peu communs, Tony Moggio prend appui sur son handicap pour continuer à vivre. Ses progrès, la relative autonomie qu’il développe à force d’entêtement, laissent le corps médical pantois. “Je ne marche pas mais j’avance”, telle est sa philosophie.
Quelles réponses face aux accidents graves dans le rugby ?
Tony Moggio, au-delà de Talonneur brisé, à partir de son exemple et de celui de ses “frères d’infortune”, décide de proposer une réflexion sur l’état actuel d’un sport qui défraie malheureusement la chronique au travers plusieurs accidents graves. Voire des décès. Comment les éviter ? Comment les prévenir ? Quelles solutions apporter ? C’est ce qu’il s’est attaché à faire à travers ce nouvel ouvrage ouvrage, en compagnie de Bruno Fabioux (*).
A partir d’exemples concrets et de témoignages de multiples spécialistes : joueurs, préparateurs physiques, entraîneurs, médecins, neurochirurgiens.., il dresse un état des lieux des décès, blessures graves, commotions…, liés à la pratique de ce sport, énumère les différentes actions menées pour tenter de réduire les risques et se penche sur l’avenir du jeu. Un regard éclairant sur une problématique actuelle.
La Fondation Ferrasse, apporte soutien et aide matérielle
Car ils sont cent-vingt-et-un “grands blessés” rassemblés au sein de la Fondation Ferrasse, présidée par Jacques Laurans, qui est là pour les soutenir, moralement et matériellement, avec l’aide financière de la GMF. Au-delà de ces grands blessés, en grande majorité joueurs de clubs amateurs, “le rugby professionnel commence de son côté à payer son tribut aux enjeux financiers auxquels il est confronté.”
Le livre fourmille d’exemples. Ainsi, le 29 septembre 2013, “le pilier Alexandre Barozzi, qui a évolué en Top 14, à Auch, à Biarritz et à Brive, porte les couleurs du Cercle amical lannemezanais, qui évolue en Fédérale 1. Ce jour-là, le CAL reçoit son voisin bigourdan, le Stade bagnérais. Comme Tony Moggio, Alexandre Barozzi ne se relève pas à la suite d’une mêlée. Comme lui, il est aujourd’hui tétraplégique” et, à ce jour (15 décembre 2019), le dernier “grand blessé” en date de la Fondation.
Des “accidents” aux conséquences dramatiques, voire mortelles
Ces accidents n’épargnent personne. Le 20 septembre 2015, c’est Alice Dallery, 26 ans, pilière gauche du Lille Métropole Rugby Club Villeneuvois, qui reste au sol après une mêlée lors d’un match face à Rennes. Tétraplégique, elle remarche néanmoins après des mois de doute, de combat et de rééducation. La conclusion des accidents est parfois plus dramatique encore.
Et Tony Moggio de citer de récents exemples : Le vendredi 10 août 2018, Louis Fajfrowski, 21 ans, ailier du Stade aurillacois, club de Pro D2, décède dans les vestiaires du stade Jean-Alric, après qu’il a été plaqué quelques minutes plus tôt, lors d’un match amical face au Stade Rodez Aveyron…
Le samedi 24 novembre 2018, Nathan Soyeux, 23 ans, élève ingénieur de cinquième année à l’ESIREM de Dijon, non licencié à la FFR, perd connaissance quelques minutes après avoir subi un plaquage et être retombé sur la tête lors d’un match dans le cadre d’un tournoi entre écoles d’ingénieurs. Il décède le 6 janvier 2019…
Le dimanche 9 décembre 2018, Nicolas Chauvin, 19 ans, troisième ligne de l’équipe Espoirs du Stade français, dispute une rencontre à Bègles. Victime en cours de jeu d’un traumatisme cervical qui lui occasionne un arrêt cardiaque et une anoxie cérébrale, il décède trois jours plus tard…
Le rugby reste “une formidable école de la vie…”
“Le monde du rugby est pointé du doigt”, soulignent les auteurs du livre, mais sans pour autant condamner la pratique. Bien au contraire, leur but est d’analyser les raisons de cette situation, d’écouter les spécialistes et d’envisager des solutions pour que vive un sport qu’ils aiment tant. “Oui, ce monde du rugby doit s’interroger. Le
nombre de licenciés est en baisse sensible, un phénomène en grande partie lié aux accidents. Sport d’affrontement, le rugby n’en reste pas moins une formidable école de la vie…”, écrivent-ils
Ils soulignent que “des actions sont menées, des solutions proposées, à la Ligue nationale de rugby, à la Fédération, beaucoup d’entraîneurs, de préparateurs, d’analystes, travaillent, souvent dans l’ombre, pour que les accidents que nous venons d’évoquer tendent à disparaître, tout en sachant que le risque zéro n’existe pas…”
Tony Moggio s’engage avec “Tous pour Tous”
De pages en pages, de chapitres en chapitres, ils se proposent d’“établir un état des lieux, puis d’énumérer les différentes actions, déjà mises en place et à venir, à travers les témoignages de toutes les parties prenantes… Et, à partir de ces témoignages, d’établir une réflexion plausible pour tenter d’apporter des solutions réalistes aux accidents du rugby…”. Plus encore qu’une simple vérité, c’est une réflexion constructive, une philosophie que Tony Moggio tente d’établir.
Sa réflexion va d’ailleurs bien au-delà du rugby : “Aujourd’hui, je m’investis aussi pour mon association Tous pour Tous, créée en octobre 2018 et qui a pour but la promotion de l’insertion des personnes à mobilité réduite, notamment à travers mes défis sportifs ou extra sportifs, dans le but de donner une visibilité accrue aux personnes handicapées.” Toujours prêt à se lancer dans la mêlée !
Philippe MOURET
(*) Bruno Fabioux vit à Toulouse. Il a été journaliste à Midi Olympique pendant vingt cinq ans. Il est l’auteur de Stade toulousain, un siècle de rugby en rouge et noir (avec Henri Rozès, 2006), de Oscars Midi Olympique, les légendes du Rugby (2017) et de 90 ans de Midi Olympique (2018).
Dis-Leur ! qu’on aime le(s) rugby(s)
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- etc., etc.